L’appel des 300 contre l’antisémitisme, de fait ciblé contre les Musulman.nes, a été très justement critiqué par le communiqué d’Ensemble paru hier. D’accord avec son contenu, nous voulons, dans notre texte, approfondir les causes du dramatique succès de l’appel des 300 et faire des propositions pour l’implication de notre gauche dans la lutte contre l’antisémitisme.
Ces derniers mois ont amené de nouveaux actes antisémites, provoquant la mort de personnes parce qu’elles étaient juives. Depuis 2006, onze assassinats ont été provoqués par la haine antijuive. Une haine qui ne se limite pas à la France, mais touche de nombreux pays européens, parfois avec l’accord des gouvernants. Cette situation est intolérable et une mobilisation s’impose contre ce fléau.
C’est aussi ce que dit l’appel de 300 personnalités publié ce dimanche 22 avril. Mais les réponses proposées vont à l’encontre du but poursuivi. Sans jamais rattacher l’antisémitisme à l’ensemble des discours et des actes racistes qui se développent depuis de nombreuses années (mesures anti-migrants, discriminations et calomnies envers les Rroms, développement du racisme anti-arabe et anti-musulman, pour ne citer que quelques exemples), l’appel se contente de cibler l’Islam et les Musulmans, sommés de s’exprimer sur la question. Ce faisant, il place le combat contre l’antisémitisme sur le terrain de l’affrontement communautaire, pour ne pas dire religieux. D’autre part, le texte attaque sans aucun argument la gauche radicale, accusée de propager l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme, alors même que le soutien aux droits du peuple palestinien et la critique des politiques israéliennes sont les éléments d’un internationalisme pour qui l’antiracisme et la lutte contre l’antisémitisme ont toujours été importants. Enfin, rien n’est dit sur les responsabilités de l’extrême droite, flagrante dans nombre de pays européens. Cet appel ne peut que semer la division au lieu du nécessaire rassemblement contre l’antisémitisme.
Pour autant, il ne suffit pas de critiquer cet appel, il convient de faire des propositions pour la lutte contre l’antisémitisme. Parce que, si l’appel des 300 réunit autant de personnalités diverses, c’est que la gauche, et notamment la gauche radicale, n’a pas joué son rôle de défense des Juifs menacés ces dernières années. Nombre de ses intellectuels ont préféré développer de laborieuses argumentations pour expliquer qu’il ne se passait rien de grave, allant même jusqu’à parler « d’antisémitisme imaginaire » en 2012 ! Quant aux organisations politiques de la gauche radicale, elles se sont le plus souvent abstenues de manifester lorsque des actes criminels étaient dénoncés. Pendant plusieurs années, la doxa de la gauche radicale était que l’antisémitisme était l’apanage de l’extrême droite. Effectivement, les discours de Jean-Marie Le Pen, du Front National, les profanations de cimetières juifs et les croix gammées sur les synagogues demeuraient. Mais la grande majorité des actes, notamment les plus criminels, sont venus d’ailleurs. Il est aujourd’hui patent qu’une partie des catégories de population discriminées reproche aux Juifs une prétendue réussite et les assimile à l’Etat d’Israël.
Il reste à confirmer cette évolution dans les faits. Les appels issus de la gauche radicale à manifester après l’assassinat de Mireille Knoll vont dans le bon sens. Il faut persévérer dans cette voie, et ce malgré le positionnement scandaleux du CRIF et les agissements de la LDJ. La gauche doit être massivement présente dans ces mobilisations et ne pas laisser le terrain à la droite, qui en profite pour stigmatiser les Musulmans et l’immigration en général. Cela suppose aussi que nous inscrivions la dénonciation de l’antisémitisme dans le militantisme quotidien, notamment dans les milieux populaires, tout en agissant contre les discriminations dont souffrent celles et ceux qui sont issu.e.s de l’immigration. Enfin, il convient d’être vigilant.e.s dans les mobilisations de soutien au peuple palestinien pour éviter les dérapages, comme ceux qui ont marqué les manifestations de 2014. Nous dénonçons la politique criminelle des gouvernements israéliens, mais nous insistons sur la nécessité du rapprochement des populations palestinienne et juive pour parvenir à la paix.
La gauche radicale a manqué à ses devoirs ces dernières années à propos de la lutte contre l’antisémitisme. Il est maintenant clair que le renouveau de ce fléau n’était pas passager. A nous de montrer que nous sommes pleinement engagés dans ce combat, comme dans la lutte contre tous les racismes.
Robert Hirsch, Antoine Malamoud, Stéphanie Treillet, militant-es d’Ensemble!