« L’université d’été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens » s’est tenue à Grenoble du 22 au 26 août. Pendant cinq jours, environ 2300 personnes ont participé à des dizaines d’activités allant du débat théorique, par exemple sur les penseurs critiques, à l’analyse de la situation actuelle ou à des ateliers pratiques. Un succès donc tant par la diversité des thèmes discutés que par le nombre de participant.es, avec une forte présence de jeunes et un équilibre entre femmes et hommes. Il s’agissait cependant d’une assemblée essentiellement « blanche », ce qui pose à nouveau le problème du lien avec les associations issues des quartiers populaires.
Cette université a été organisée à l’initiative d’ATTAC et du CRID et a vu la participation de plus de 200 mouvements de taille et de champs d’intervention très divers (la liste des organisations se trouve à https://ue2018.org/Avec-qui). A remarquer une présence syndicale non négligeable avec la CGT, la FSU et Solidaires et des responsables de ces organisations ont pris part à nombre de débats.
Le mode d’organisation de cette université s’est très largement inspiré de celui des forums sociaux. L’essentiel des activités proposées ont été autogérées. Le comité de pilotage national s’est borné à favoriser le rapprochement des activités similaires, non seulement pour des questions liées au nombre de salles, mais surtout pour encourager ainsi le travail en commun entre organisations différentes. Cette horizontalité dans l’élaboration du programme vise de partir des préoccupations des mouvements et de leurs adhérent.es, permettant ainsi le maximum de participation des personnes présentes à l’université. Seuls les trois ou quatre forums de la fin d’après-midi et les séances d’ouverture et de clôture étaient sous la responsabilité directe du comité de pilotage et reflétaient donc les priorités politiques discutées en commun.
Si des militant.es politiques, par ailleurs souvent membres des mouvements, étaient présents, très peu de responsables politiques ou d’élu-es avaient fait le déplacement ou ont participé aux débats, à la fois pour des raisons pratiques – les universités des partis se tenaient aussi au même moment – mais aussi pour des raisons plus fondamentales. En effet, le rapport aux partis politiques continue de diviser les mouvements, certains étant farouchement hostiles à la présence de responsables politiques. Débat sans fin… Le maire de Grenoble, Eric Piolle (EELV), fortement contesté par une partie des mouvements sociaux militants sur la ville et dont la municipalité a soutenu l’Université d’été, est intervenu lors de séance d’ouverture, un tract le critiquant ayant d’ailleurs été distribué à cette occasion. Il a cependant participé à un débat sur les conséquences des politiques néolibérales où a été discutée la pression qui s’exerçait sur les collectivités locales.
Fort du succès, se pose maintenant la question de la suite. Au-delà même de savoir si une nouvelle université d’été du même type verra le jour l’année prochaine, il faudrait discuter si cette initiative va être le point de départ d’un travail en commun prolongé entre les mouvements qui en ont été parties prenantes ou si chacun va retourner simplement à ses activités habituelles. Les forums sociaux mondiaux ont dépéri du fait d’être restés un simple espace de débat et le Forum social européen est mort de n’avoir pas pu intégrer en son sein les questions de stratégie et de n’avoir pas été capable de se fixer des objectifs d’action communs. Il est probablement trop tôt pour répondre à ces questions. Il n’empêche qu’elles se posent.
Pierre Khalfa – août 2018