Nous avons plusieurs raisons d’être inquiets et inquiètes de la victoire du Parti Populaire à Madrid.
La participation est en hausse à 76 %, la réalité du résultat est sans appel. Cette campagne a connu une forte polarisation en raison de la personnalité « Trumpiste franquiste » de la candidate du PP, de la pandémie, de la présence d’Iglesias…. Le vote se déroulant un mardi, jour ouvrable comme à chaque élection dans l’Etat espagnol, où les employeurs doivent permettre à leurs salarié-es d’aller voter, facilite une forte participation.
Les résultats sont les suivants : PP 44,7 %, Mas Madrid 17 %, PSOE 16,8 %, Vox 9,1 %, UP 7,2 %, Ciudadanos 3,5 %
Le PP double son nombre de voix et réalise un score à 44,7 %, soit plus 22 points. A lui seul, il a plus d’élu-es que toute la gauche réunie, 65 pour 58. Mais le PP n’aura pas de majorité absolue, il est prêt à s’allier avec Vox pour gouverner. Ce type d’alliance s’est déjà produite en Andalousie et un certain nombre de villes. Le mettre en oeuvre à Madrid donne un signe politique clair à toute la société, le PP est prêt à gouverner l’état espagnol avec Vox ! A l’évidence, il y a là le prix à payer du « pacte de l’oubli » de la Transition de 78, transition qui a permis à toutes et tous les franquistes de continuer comme avant la mort de Franco.
Vox gagne un élu et continue à s’affirmer comme une force incontournable. Ce parti, franquiste- fasciste, est une menace pour les droits des femmes, les personnes LGBT, les travailleurs. Sa défense intransigeante de l’unité de l’Espagne le conduit à condamner les droits des peuples basques, catalans ou galiciens. Il reprend aujourd’hui les thèmes malheureusement classiques de l’extrême droite européenne sur l’immigration et l’islam.
L’effondrement de Ciudadanos se confirme, il n’a plus aucun élu-e alors qu’il en avait 26 en 2019.
Le PSOE réalise son pire résultat. Alors qu’en 2019, il faisait 27,3 % il est aujourd’hui à 16,8 %. Il perd 270 000 voix et se retrouve avec un écart de 1 million de voix avec le PP !
Mas Madrid est le parti de Errejon et de Carmena, l’ex maire de Madrid. Ce parti, avec une bonne candidate, une urgentiste qui a continué à travailler pendant la pandémie, est en pointe sur les questions sociétales, écologistes sans être trop radical. Et surtout, nous y reviendrons, ce parti de gauche n’a pas de ministres au gouvernement espagnol. Il réussit à passer devant le PSOE, gagne 220 000 voix, et est le vainqueur à gauche. Sans nul doute, Errejon va tenter de relancer son parti dans l’ensemble de l’état suite à son échec aux législatives de 2019 (2,4 %).
Le bilan de cette élection est mauvais pour la gauche.
Nous pouvons parler de deux tremblements de terre : la claque pour le PSOE et l’échec d’Iglesias.
La décision d’Iglesias, alors n° 2 du gouvernement PSOE – UP, avait fait l’effet d’une bombe. Après avoir fait de la présence au gouvernement une condition absolue, Iglesias décide seul de se présenter à l’élection de la communauté de Madrid. L’incompréhension et la recherche d’explication étaient totales. Et ceci d’autant plus qu’immédiatement le PSOE et Mas Madrid annonçaient qu’ils ne feraient pas d’alliances avec Iglesias. Ce choix avait déjà toutes les allures d’un suicide politique. Les dernières élections dans le pays n’avaient pas été bonnes pour Unidas Podemos avec leur disparition en Galice, une baisse et une perte de 3 élu-es au pays Basque (8 %), une relative stabilité en Catalogne mais à 6,8 % . Le résultat de Madrid est mauvais et il est un échec absolu pour Iglesias.
Il affaiblit Unidas Podemos qui perd sa place de force déterminante contestant la place du PSOE. La décision inattendue de l’arrêt politique d’Iglesias achève de déstabiliser Podemos, ce départ n’étant en rien préparé, ni discuté collectivement. Vu le fonctionnement de Podemos et la place occupée par Iglesias, son « suicide » politique a toutes les chances d’avoir des effets en chaîne.
Comment ne pas voir que l’échec du PSOE et de UP, les deux partis présents au gouvernement espagnol, est en lien avec la politique suivie par le gouvernement espagnol ? La déception, les attentes frustrées en ce qui concerne les sujets sociaux, démocratiques, l’état plurinational… se traduit dans les urnes. Mas Madrid progresse aussi en raison de sa non présence au gouvernement .
Pour la gauche, cette élection doit être prise pour une alerte des plus sérieuses. Sans changement d’orientation de la part du gouvernement central, la victoire du PP et de Vox devient possible. Nous sommes à mi mandat, le temps presse.
La polarisation dans l’Etat espagnol est sous nos yeux. La différence entre la Catalogne et Madrid est éclatante : progression de la gauche en Catalogne, un PP à 3,8 % alors qu’il est à 44,7 % à Madrid.
Toute crise doit trouver des solutions politiques, elles ne peuvent plus attendre, sinon l’inquiétude risque de se transformer en cauchemar.
Francis Viguié