Suite à l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, en tant qu’enseignante et élue de la France Insoumise, j’ai souhaité réagir et faire part à la fois de mon expérience et de mes réflexions et rendre hommage à mon collègue enseignant, Samuel Paty. J’ai souhaité répondre aussi à tous ceux qui ont déversé leurs flots de haine et de fiel, tentant d’instrumentaliser ce drame atroce.
Alors que j’avais commencé à écrire ces lignes, un autre attentat islamiste a fait trois victimes de plus à Nice. Sidérée devant tant d’horreur et d’abomination. Faire front ensemble, contre le fanatisme, avec la solidarité et la fraternité.
Difficile de trouver les mots. Il m’a fallu du temps pour m’exprimer lors du premier attentat devant le collège de Conflans-Sainte-Honorine, car après la sidération, il était essentiel de n’affirmer que le soutien, la compassion ainsi que l’hommage que nous devions à Samuel Paty.
Malheureusement et sans surprise par ailleurs, certains ont déversé leurs flots de haine et de fiel, tentant d’instrumentaliser ce drame atroce et jouant sur l’émotion bien légitime partagée par tous-tes nos concitoyen-n-e-s.
En tant qu’enseignante et élue de la France Insoumise, j’ai souhaité réagir et faire part à la fois de mon expérience et de mes réflexions et rendre hommage à mon collègue enseignant.
Pour Samuel Paty, au nom de la liberté d’expression
Quand j’ai appris la nouvelle terrible ce vendredi 16 octobre, je ne pouvais y croire ! Un professeur d’histoire géographie et d’éducation morale et civique comme moi, venait d’être atrocement assassiné par un terroriste islamiste, à la sortie de son collège. L’horreur absolue ! Le fanatisme religieux avait encore frappé, et cette fois-ci un collègue. Très vite sur les réseaux sociaux a circulé la photo de Samuel Paty. J’ai été submergée par une peine immense quand j’ai vu son visage, souriant. Et puis, c’est la colère qui m’a envahie quand j’ai appris ce qu’il s’était passé : Samuel Paty avait été mis à mort, décapité tout simplement parce qu’il avait fait son travail d’enseignant. Dans le cadre d’un cours d’éducation morale et civique, cours souvent pris en charge par les professeur-e-s d’histoire et géographie, il avait présenté à ses élèves des caricatures de Mahomet pour travailler avec eux la question de la liberté d’expression. Ce cours, ce débat, je le mène avec les élèves moi aussi, en particulier depuis les attentats de Charlie de 2015. Comme de très nombreux et nombreuses collègues par ailleurs.
Le fascisme religieux islamiste avait armé le bras du fanatique qui avait assassiné Samuel Paty.
Ce que Samuel symbolisait c’est ce que tous les fanatiques religieux, tous les obscurantistes, tous les fascismes détestent : l’appropriation des connaissances, des savoirs qui libèrent et émancipent. Être enseignant-e, et en particulier dans nos disciplines, l’histoire et la géographie, c’est participer à la construction des citoyen-n-e-s de demain, en aidant nos jeunes à se poser des questions, à se forger une conscience propre, à intéresser les élèves aux sujets qui s’imposent au monde et à essayer d’y répondre individuellement et collectivement. Au sein de notre école républicaine et laïque, on aiguise le sens critique de nos élèves y compris en abordant la question religieuse, en particulier dans ce qu’elles ont de plus excessif, le fanatisme et/ou l’obscurantisme. Et on y explique pourquoi le droit au blasphème est partie intégrante de la liberté d’expression, n’en déplaise à toutes les religions, et à l’archevêque de Toulouse qui vendredi 30 octobre, a contesté le droit au blasphème, osant affirmer : « On ne se moque pas impunément des religions, vous voyez le résultat que ça donne » !
Entre irresponsabilité et ignominie, ces politiciens qui mettent de l’huile sur le feu
Mais alors que l’hommage à Samuel Paty n’était pas encore organisé, la droite, l’extrême droite et aussi des ministres comme Darmanin et Blanquer, se déchaînaient sur toutes les ondes, sans ou avec peu de contradicteurs, pour balancer les pires accusations à l’encontre de la France Insoumise notamment, et plus largement à l’encontre de toute la gauche sociale et écologique, coupables de « complicité » avec l’islam radical ! Même François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve y ont été des mêmes fielleuses accusations. Mais ces inepties et calomnies ne se sont pas arrêtées là, les politiques, comme certains et certaines personnalités médiatiques et/ou intellectuelles, ont bien souvent par leurs propos, permis tous les amalgames entre les terroristes et nos concitoyen-n-e-s de confession musulmane ou supposé-e-s l’être. Des pyromanes en action, soufflant sur les braises, clivant à outrance, désignant à la vindicte populaire une partie de la population.
La violence des propos ou accusations, nous ont laissés sans voix un temps. D’abord parce qu’il ne fallait pas répondre à la polémique alors qu’il s’agissait de garder une attitude digne en l’hommage de Samuel Paty. Aujourd’hui heureusement des voix s’élèvent pour caractériser ces attitudes qui peuvent être graves de conséquence. Attitudes irresponsables et politiciennes mais pas seulement. Malheureusement, ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps la « lepenisation » des esprits, a fait son chemin, au sein de la droite mais aussi au sein d’une partie de la classe politique, intellectuelle et médiatique.
Tous ceux et toutes celles qui se sont livrés à une chasse aux sorcières contre « les islamo-gauchistes », au nom de la liberté d’expression, devraient avoir honte. D’abord parce que leur insincérité n’est plus à prouver. Quelles leçons ont ils sérieusement le droit de faire à ceux et celles-là même qui portent depuis toujours le combat antifasciste et antiraciste ? Qu’ont à dire Les Hollande et les Valls qui ont été tentés par la déchéance de nationalité ? Qui ont désigné les Roms comme des indésirables et des « sous-citoyens » de l’Union européenne ?
Qu’a donc à dire l’extrême droite quand celle-ci a elle même des accointances avec des fascistes religieux ?
Comment peut on entendre Darmanin, Macron et Blanquer sur la Laïcité, quand le premier participait à la manif pour tous (constituée d’une frange conservatrice et réactionnaire soutenue par une part non négligeable des trois religions monothéistes ), quand le deuxième trouvait trop radicale la défense de la laïcité devant l’église catholique et quand le troisième favorise l’enseignement privé au détriment du service public d’éducation ?
Le ralliement de tous ces faux-cul soi-disant républicains, c’est le terme « d’islamophobie », terme qui jetterait l’opprobre sur la gauche sociale, politique, syndicale et associative et « prouverait le soutien » aux terroristes islamistes. Un comble ! Nous sommes les plus farouches combattant-e-s contre l’islam radical, contre l’obscurantisme religieux d’où qu’il vienne. L’islamophobie est un terme que je n’utilise pas. Non pas pour les raisons invoqués par ses détracteurs sur toutes les antennes mais parce qu’à mes yeux il ne permet pas de dénoncer ce dont sont victimes une partie de nos concitoyen-n-es, le racisme. Je préfère parler et donc dénoncer le racisme anti-musulman, une réalité palpable qui avait donné lieu à la manifestation contre l’islamophobie le 10 novembre 2019 à laquelle avait participé la France Insoumise, avec beaucoup d’autres. Voilà ce qui est reproché aujourd’hui au mouvement auquel j’appartiens. Dénoncer le racisme et le combattre est donc un crime ! Par contre vendre des rafales et entretenir des relations régulières avec certaines monarchies pétrolières elles mêmes soutiens directs à des groupes terroristes comme Daesh, ne posent visiblement pas de problème ! Ni au gouvernement, ni à certaines multinationales !
Notre république et la leur
Un des fondements de la République, c’est l’école publique et laïque.
Tout d’un coup dans un concert hypocrite insoupçonné et insupportable, les mêmes dont j’ai parlé ci-dessus, se sont mis à louer tous les mérites des professeur-e-s de l’école publique et laïque. Oublié le dégraissage du mammouth, oubliées les suppressions de postes, oubliées les subventions publiques à l’enseignement privé, oublié le prof bashing encore récemment lors du confinement, oubliées les réformes Blanquer désastreuses pour l ‘éducation ! Les enseignant-e-s que nous sommes, sont désormais paré-e-s de toutes les vertus. Et leur travail est difficile ! Mais oui c’est JM Blanquer qui le dit ! Et nous avons également aujourd’hui tout le pays derrière nous ! C’est le président qui le dit !
Mais la réalité est bien différente. Oui, enseigner c’est parfois difficile. Oui, la remise en question de nos enseignements existe, surtout quand il s’agit de celui qui aborde des sujets comme la laïcité et la religion. Remise en question dont les parents sont souvent à l’origine derrière leurs enfants. Mais qui a laissé seul-e-s les enseignant-e-s face aux obstacles, aux difficultés du métier depuis fort longtemps ?
Cela fait belle lurette que les profs ne sont pas suffisamment accompagné-e-s, en particulier les plus jeunes, ou soutenu-e-s par leurs hiérarchies quelles qu’elles soient. Les moyens tout comme la formation ne sont ni suffisants ni à la hauteur. Ce n’est pas un scoop, ce n’est pas nouveau. Pour autant les politiques menées vont à l’encontre des exigences des profs, de la reconnaissance du métier par exemple, métier qui ne fait plus rêver aujourd’hui.
Cependant à mes yeux, il reste le plus beau métier du monde. Tous les jours nous sommes des centaines de milliers à accomplir notre tâche, malgré les difficultés, avec conviction. Comme le faisait Samuel Paty, pour permettre à nos jeunes de « s’élever » non pas au rang des « premiers de cordées » mais à celui de la connaissance qui mène, comme déjà dit, au chemin de l’émancipation.
Nous savons que notre école laïque et républicaine, c’est à dire l’école qui accueille tous les enfants, sans distinction, a un rôle primordial à jouer dans la République que nous voulons : une République laïque, de l’égalité et de la justice sociale, une République de la solidarité, de la sororité et de la fraternité.
Myriam Martin. Blog Médiapart.