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Une brute qui jaillit dans la lumière.

Les photographies d’Alexandre Benalla se multiplient. Cet homme de l’ombre âgé de 26 ans est devenu une vedette. On sait qu’il fut au service d’ordre du PS, qu’en juillet 2016, il fut nommé à la Délégation interministérielle aux Outre-mer, alors que, François Hollande est chef de l’État (et Manuel Valls Premier ministre), qu’il n’y fit pas grand chose, et après quatre mois, il a finalement rejoint l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron (cf France info).

Pistonné, bon à rien, brutal et ayant un goût pour la traîtrise : digne de devenir un homme de confiance de Macron, à la tête d’une phalange d’hommes de mains. Son destin était en marche.

Le 7 mai 2017, il est au plus près de Macron , au pied de la pyramide du Louvre. Il est devenu son gorille omniprésent dans les déplacements officiels, mais aussi plus personnels. Dernièrement, c’est au pied du bus des Bleus sur les Champs-Élysées qu’il est apparu.  Officiellement, il n’est pourtant « que » « chargé de mission » pour l’Élysée. Il vivait en fait dans l’intimité du couple présidentiel.

Le Premier Mai 2018, il participe au sabotage de la manifestation syndicale, avec ce qui s’avère être un groupe d’ « agents provocateurs » (1). Puis il va à la place de Contrescarpe. Là, Mediapart a reconstitué les faits délictueux : Alexandre Benalla frappe un jeune homme interpellé par le gendarme réserviste et vacataire de l’Élysée, Vincent Crase. Après avoir violenté sa compagne. Puis, il va chercher un commissaire, en uniforme, pour qu’il procède à l’interpellation. Répondant aux ordres de ce Benalla, un responsable des CRS fait menotter le manifestant par ses hommes qui lui assènent de nouveaux coups. Il est alors équipé comme un policier, ce qu’il n’est pas.

On voit que le comportement de nervis est avéré. La suite montre qu’il se croit sûr de son impunité.

On notera que Benalla frappe un homme désarmé à terre que les CRS cogneront à leur tour, nous reviendrons sur ce point. Il a pu agir comme s’il avait pris le commandement des forces de police présentes sur la place.

Des témoignages de policiers sont recueillis par France Info : il est « régulièrement sur les dispositifs opérationnels, il pilote différentes choses, sans qu’on sache qui l’a mandaté pour ça ». Pour les policiers, il est manifestement un haut responsable de la police nationale. il semble agir comme un policier et avoir la protection de la haute hiérarchie policière ».

Son équipe de voyous aura été protégée ensuite pendant plus de deux mois et demi par tout l’appareil d’État, depuis son sommet, la présidence, jusqu’au Ministère de l’Intérieur et la Préfecture de police. Et Macron, qui aime être le maître des horloges, se tait.

Benalla se révèle « un personnage central de l’aventure présidentielle d’Emmanuel Macron ». (…) « Seul ce choix présidentiel peut expliquer la mansuétude et la protection dont a bénéficié son « Monsieur Sécurité » après sa virée du 1er Mai. » (1)

Ce sont les révélations du journal Le Monde qui feront que le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire jeudi 19 juillet. Et rien d’autre.

La dérive de Macron, Manu le dingue.

L’affaire Benalla est « une alerte sur la dérive de cette présidence vers un pouvoir encore plus sans partage du chef de l’État, ignorant les contre-pouvoirs, effaçant le premier ministre et soumettant le Parlement, humiliant les opposants et méprisant la société » (1).

Plenel évoque à juste titre la cellule de l’Élysée mitterrandienne qui se rendit célèbre pour ses écoutes illégales d’opposants, de proches, d’avocats, de journalistes. Il faudrait citer aussi Sarkozy qui s’entourait de politiciens repris de justice dont Balkany, son ami très fidèle ; il faudrait citer aussi Hollande qui écrivit la suite de la politique répressive de Sarkozy et fut si chic avec les patrons.

Macron candidat écrivit un livre comiquement intitulé « Révolution« . Il y était écrit que « la responsabilité est précisément ce qui peut contribuer à restaurer un peu de cette morale collective dont nous avons tant besoin ». Emmanuel Macron y affirmait que « l’ultime responsabilité est politique » et que, dans ce registre, « certaines fautes vous disqualifient radicalement ».

Manu qui trouva « dingue » le montant des minima sociaux -qui diminuent un peu les profits de financiers- connaît, avec cette épisode rocambolesque une disqualification morale accélérée, à n’en pas douter. Manu le dingue ?

Des violences policières en phase avec les violences de la police parallèle.

Il nous revient de rappeler que ces violences de Benalla n’auraient pas été légitimes non plus si elles avaient été exercés par un vrai policier (2). Le violence de la brute de l’Élysée s’inscrit dans une longue suite de violences d’État. Les mobilisations sociales, particulièrement depuis la proclamation de l’État d’urgence par F.Hollande puis sa constitutionnalisation par E.Macron , furent attaquées sous commandement de la hiérarchie policière et décision de l’Exécutif par des hordes de CRS et gendarmes mobiles. Systématiquement, d’abord les « cortèges de tête », mais pas seulement.

Les députés de la France Insoumise ont rappelé la répression subie par des salariés en grève et les peines de prisons infligées pour une simple chemise arrachée à Air France (2). Cette répression est subie quotidiennement par la jeunesse et surtout celle des des quartiers populaires.

Et la loi sur la sécurité publique passée par F.Hollande en établissant une forme de présomption de légitime défense pour les policiers (en plus de celui des gendarmes) légitime cette violence policière.

Lors de la marche, le 21 juillet, pour les deux ans de la mort d’Adama Traoré, mort sous les coups des gendarmes à Beaumont-sur-Oise, sa sœur, Assa Traoré y a noté très justement que pour frapper des manifestants, A.Benalla avait pris un costume de policier (3). Il savait que cela lui permettait de bénéficier de l’impunité …

Longue est la liste des personnes de quartiers populaires blessées gravement ou même tuées par la police ; c’est un effet d’un véritable racisme structurel en France. Et les exactions perpétrées par A.Benalla sont de même nature.

De façon générale, une répression violente des mouvements sociaux, leur criminalisation, une criminalisation d’une jeunesse rebelle ou simplement d’allure non gauloise est à l’œuvre depuis des années dans ce pays. Ce ne sont pas des dérapages individuels de policiers ou de gendarmes ou de police paralléle. C’est une violence politique et sociale dont Macron est un héritier souriant et sans imagination, et Benalla un agent médiocre. C’est une politique liberticide .

La commission d’enquête parlementaire portée par les députés FI « sur les conditions d’usage et de commandement des forces de l’ordre lors des événements survenus en marge de la manifestation parisienne » pourra peut-être éclairer le niveau de ces pratiques brutales.

Une série policière dont nous ne vivons que les premiers épisodes.

Les cinq mis en cause, dont trois hauts fonctionnaires de police, vont être déférés au parquet dans la perspective de l’ouverture d’une information judiciaire,.

Gérard Collomb a été auditionné le 23 juillet. Le premier flic de France a dit qu’il ne savait rien. Cet ami de Macron est un type inconsistant, et lâche, il nous l’a confirmé. Jean-Luc Mélenchon a parlé très justement de « démission de fait » de Collomb.

Le Préfet de police a évoqué, quant à lui, un « copinage malsain » à propos de ce Benalla, faux policier sans limite, et de ses relations. La macronie s’interroge : où donc pourrait-il y avoir un copinage malsain en notre nouveau monde ? Ils vont être informés à ce propos sous peu, très certainement.

Emmanuel Macron a une formation de banquier, de financier international ; il a ses amis et financeurs dans ce milieu. Il a montré sa capacité de servilité à ces capitalistes en cassant le Code du travail. Pour se distraire, voire plus, nous en saurons plus sous peu, il avait cette bande de petites frappes dont Alexandre Benalla semble avoir été le chef. Cette Vème République, avec sa concentration des pouvoirs dans le main du président toujours plus grande est décidément à bout de souffle. Grotesque comme le régime de Napoléon III décrit par Karl Marx (4).

Et plus profondément, c’est ce capitalisme néolibéral, destructeur de démocratie comme de l’environnement qui est en accusation, même si Alexandre Benalla comme son copain et protecteur Emmanuel Macron n’ont manifestement pas l’envergure pour assumer de telles responsabilités. Il reste que cette indifférence aux intérêts des populations, cette volonté de briser tout service public ne peuvent que conduire à une évolution contraire à la démocratie, en France comme aux USA, ou en Italie.

Pascal Boissel, 24 juillet 2018.