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Non aux violences policières !

Le 21 juillet s’est tenue la marche pour les 2 ans de la mort d’Adama Traoré, décédé dans les mains des forces de l’ordre à la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise. Le combat de la famille d’Adama, notamment d’Assa Traoré, ainsi que du collectif « Justice et Vérité » se poursuit inlassablement… alors que l’enquête n’avance guère.

En effet, une quatrième expertise médicale sur les causes du décès est en cours. Alors que ses résultats devaient être rendus mi-juillet, ils ont été remis à fin septembre… En outre, deux ans après les faits, les trois gendarmes ayant procédé à l’interpellation d’Adama Traoré n’ont toujours pas été entendus par le juge d’instruction !

Ce qui ressemble fort à une tactique de pourrissement du dossier comptant sur la lassitude des acteurs mobilisés a incité Assa Traoré à écrire une lettre à Emmanuel Macron et à la ministre de la justice.

Le cas d’Adama Traoré n’est pas isolé. Si ces violences se sont exercées contre le mouvement social, en particulier lors des manifestations contre la loi El-Khomri, elles sont encore plus dramatiques contre les jeunes hommes non-blancs des quartiers populaires. La liste des victimes des violences policières est beaucoup trop longue. Quelques noms s’ajoutant à celui d’Adama nous le rappellent : Zyed Benna et Bouna Traoré (Clichy-sous-Bois, 2005), Amine Bentounsi, Lamine Dieng, Hocine Bourras, Wissam el Yamni, Amadou Koumé, Angelo Garand, Ali Ziri (qui était, lui, un homme âgé) et de nombreux autres… le dernier connu étant Aboubakar F (à Nantes) sans oublier le viol de Théo Luhaka par des policiers à Aulnay.

Cette deuxième marche à la date du décès d’Adama Traoré a été une réussite avec près de 5.000 personnes à Beaumont-sur-Oise et le soutien de quasiment toute la gauche anti-austérité. La France Insoumise était particulièrement bien représentée avec la présence de 5 députés (D.Obono, E.Coquerel, M.Panot, A.Corbière, F.Ruffin) et de nombreux-ses militant-e-s. Cette mobilisation s’inscrit dans une perspective plus longue de mobilisation contre les violences policières. On peut notamment relever ces dernières années, outre la précédente marche pour Adama, la Marche pour la Justice et la Dignité de 2017 ayant regroupé de nombreux collectifs « Justice et Vérité » avec l’essentiel de la gauche sociale et politique en soutien.

Indéniablement, les mobilisations contre les violences policières racistes sont un levier essentiel pour une activité antiraciste. Il s’agit de combats pouvant avoir une audience de masse en France, de thèmes susceptibles de fédérer les forces tout en suscitant la réflexion sur les structures sociales générant la multiplication de ces cas. En effet, ces « affaires » constituent l’aspect le plus visible du racisme structurel en France se traduisant par tout un ensemble de rapports sociaux, de pratiques institutionnelles. C’est à dire un phénomène qui n’est pas soluble par la simple meilleure formation des « forces de l’ordre ».

Cette marche pour les 2 ans d’Adama Traoré s’est déroulée dans le contexte particulier de l’affaire Benalla, ou plutôt de l’affaire Macron-Collomb-Benalla. Il s’agit de ne pas oublier que c’ est le contexte de violences policières existant en France qui a permis initialement à Alexandre Benalla de molester des manifestants. Lors de la conférence de presse précédant la marche, Assa Traoré a très bien résumé cela en rappellant d’abord que pour frapper des manifestants, A.Benalla avait pris un costume de policier lui permettant de bénéficier de l’impunité puis en faisant le lien avec la mort de son frère. En effet, les exactions perpétrées par A.Benalla ne sont pas de nature différente de celles de policiers contre des manifestants et/ou des jeunes des quartiers populaires.

Le contexte répressif s’exprime d’ailleurs régulièrement lors de la lutte pour la justice et la vérité pour Adama Traoré avec un véritable acharnement judiciaire contre la famille Traoré. Ainsi, les cinq frères d’Adama et Assa Traoré (Yacouba, Samba, Bagui, Serene et Youssouf) ont été condamnés par la justice ces derniers mois. Comme le rappelle Mediapart, il s’agit de condamnations soit pour des faits de violence commis juste après l’annonce de la mort de leur frère, soit pour des faits perpétrés avant sa mort mais dont les jugements ont été prononcés ensuite :

« Début juillet 2018, Yacouba Traoré a ainsi été condamné à une amende pour des faits de violence sur les militaires venus annoncer à sa mère la mort d’Adama.

En mai 2018, un autre frère, Samba Traoré, avait été condamné à quatre ans de prison, dont 18 mois avec sursis pour d’autres faits de violence (dont il nie être l’auteur). Un troisième frère, Bagui Traoré, a été condamné en avril 2018 à trente mois de prison ferme pour des faits d’extorsion survenus en 2015-2016. Soupçonné d’avoir tiré sur des gendarmes et policiers lors de la nuit d’émeutes qui avait suivi la mort de son frère, il avait également été mis en examen en mars 2017 pour « tentative d’assassinat ». Un quatrième frère, Serene Traoré, a été condamné en avril à quatre mois de prison ferme pour « outrage » à l’encontre de la maire UDI de Beaumont-sur-Oise Nathalie Groux. Enfin un cinquième frère, Youssouf Traoré, a été incarcéré (avec Bagui Traoré) en décembre 2017 dans le cadre d’une enquête pour trafic de drogue. »

En somme, l’affaire « Adama Traoré » porte au-delà d’un cas individuel et éclaire un racisme structurel qui est une composante essentielle du système capitaliste. Cela implique la nécessité de construire des rapports de confiance, des cadres de collaboration respectueux, des débats ouverts entre les acteurs autonomes émergents parmi les populations confrontées au racisme structurel et la gauche sociale et politique de combat. L’enjeu est d’aboutir à une alliance politique et sociale solide. En tant que principale force politique de gauche, la France Insoumise a une responsabilité toute particulière dans la construction de cette alliance. Il s’agit de mettre fin au cycle de déceptions, avec une démarche qui serait l’antithèse des relations classiques de clientélisme locale et du renoncement politique. Des rendez-vous existent déjà pour approfondir la réflexion au sein de la France Insoumise dès les AmFIs 2018 à Marseille avec des ateliers consacrés à ces thèmes. En outre, le livret antiracisme/discriminations constitue un espace que les membres de la France Insoumise peuvent investir.

Emre Öngün