Instagram RSS

Répression à Sciences Po Lyon : « un amphi expulsé, dix de réoccupés ! »

À Lyon, les étudiant·es mobilisé·es en soutien au peuple palestinien ont décidé en Assemblée Générale, le mardi 30 avril, d’occuper l’amphithéâtre Marcel Pacaut de Sciences Po Lyon (IEP). Après être parvenu à s’emparer des lieux jeudi 2 mai dans la matinée, les occupant·es ont été expulsé·es par la police vendredi 3 mai, aux alentours de 10H45, sur demande de la direction de l’IEP. Inédite, l’entrée des forces de l’ordre dans l’enceinte de Sciences Po Lyon marque un tournant répressif pour le mouvement étudiant, dans la droite lignée de l’étouffement de toutes les voix critiques de la politique colonialiste et génocidaire du gouvernement israélien. L’expulsion de l’amphithéâtre Marcel Pacaut ne saurait pour autant marquer l’arrêt de la mobilisation, que les étudiant·es et leurs soutiens appellent à poursuivre dans les jours qui viennent.

« De Lyon à Gaza, résistance »

Partie des campus américains, la mobilisation étudiante pour la Palestine s’étend dans les universités françaises. Si des premières initiatives ont été menées un peu partout dans les facultés et les écoles depuis le 7 octobre, les actions d’occupation et de blocage menées fin avril à Sciences Po Paris et la Sorbonne lui ont donné un nouveau souffle.

À Lyon, les étudiant·es mobilisé·es en soutien au peuple palestinien se sont donné rendez-vous mardi 30 avril à midi dans la cour d’honneur du Centre Berthelot (Lyon 7ème), ancien quartier général de la Gestapo, qui abrite aujourd’hui notamment l’IEP de Lyon. Près de 200 personnes se sont réunies à l’appel du Comité de mobilisation des étudiant·es de Sciences Po Lyon (IEP en lutte) pour affirmer leur solidarité avec Gaza et dénoncer l’entreprise vengeresse de Netanyahou. Une fois les prises de parole terminées, s’en est suivie une Assemblée Générale, tenue dans les locaux de l’IEP, ayant rassemblé près de 150 personnes, dont une majorité d’étudiant·es de Sciences po, Lyon 2, Lyon 3 et de l’ENS. A été voté en AG la volonté d’occuper de jour comme de nuit une partie de l’établissement, au lendemain du 1er mai. Les objectifs de cette occupation étaient multiples :

  • Faire entendre un certain nombre de revendications, telles que la fin des partenariats avec les universités israéliennes, l’accueil d’étudiant·es palestinien·nes et un embargo total sur la vente d’armes.
  • Ouvrir un espace d’échange et de rencontre pour faciliter la mise en relation des étudiant·es et de l’ensemble des personnes mobilisées à Lyon pour la cause palestinienne, et ainsi massifier la mobilisation.
  • Visibiliser les voix pour la Palestine au travers de la forte médiatisation des mobilisations sur les sites universitaires.

Une occupation entravée par la direction

Prévue pour le mardi 2 mai au matin, l’occupation a été dès ses débuts entravée par la direction de Sciences Po Lyon. Les premiers étudiant·es arrivé·es sur place ont en effet constaté la fermeture de l’amphithéâtre Pacaut et la mise en place d’un barrage filtrant à l’entrée du bâtiment pédagogique. Ces premières tentatives de blocage administratif n’ont pas suffi, puisque une trentaine d’étudiant·es est arrivée à prendre possession des lieux aux alentours de 10H. Ils ont été réjoint·es par plusieurs dizaines de personnes tout au long de l’après-midi, pour des ateliers de confection de pancartes et de banderoles ; des cycles de discussions ; une formation contre la répression et les violences policières ; et un concert. Est a notée la venue de Rima Hassan, relayée sur les réseaux sociaux, alors de passage à Lyon pour participer le soir même en meeting à Vénissieux.

Rencontrée à 15H par une délégation d’étudiant·es, la directrice de l’IEP a annoncé qu’elle ferait appel à la police pour évacuer l’amphithéâtre si les occupant·es ne quittaient pas les lieux avant 21H. Décision a dès lors été prise à l’unanimité de maintenir l’occupation du site et de se préparer en cas d’intervention de la police (blocage des accès à l’amphithéâtre, appel à rassemblement à l’extérieur).

Une nuit à l’IEP

Le délai fixé par la direction dépassé et la sécurité privé, embauchée exceptionnellement pour l’après-midi, renvoyée chez elle, les occupant·es et leurs soutiens ont passé toute la nuit à attendre l’arrivée de la police. Au plus fort de la soirée, ce sont près de 250 personnes qui se sont rassemblées dans et en dehors de l’IEP pour soutenir l’occupation. Les étudiant·es ont pu compter sur le soutien matériel ou alimentaire de plusieurs collectifs et associations.

C’est un amphithéâtre survolté qui à accueilli aux alentours de 22H30 l’arrivée de Mathilde Panot, accompagnée de Rima Hassan et des députés du Rhône, Gabriel Amard (Villeurbanne) et Idir Boumertit (Vénissieux). La présidente du groupe parlementaire de la France Insoumise a prix la parole devant les étudiant·es et des militant-·es pour la Palestine. Se sont également exprimées à la tribune des représentant·es de l’amphithéâtre occupé, des étudiant·es syndiqué·es, des membres du collectif juif antisioniste Tsedek! et des collectifs Urgence Palestine et Palestine 69.

Ce sont finalement plusieurs dizaines de personnes qui ont pu passer la nuit dans l’amphithéâtre, sans qu’aucun incident ne soit à signaler. Une première dans l’histoire du mouvement étudiant à Sciences Po Lyon !

Et quand vint le jour, l’expulsion

Une première, aussi tôt suivie d’une autre : celle de l’entrée de la police dans les locaux de l’IEP. Alors qu’ils n’étaient plus qu’une quarantaine sur place, et qu’une nouvelle AG était fixée pour 11h, les occupant·es ont été averti vers 10H30 de l’arrivée immédiate de la police. La direction ne les en avait pas prévenu au préalable, comme elle s’y était pourtant engagé la vieille, afin que celles et ceux qui le souhaitent puissent évacuer le lieu au préalable.

Ce sont au total une quinzaine de camions de CRS et plusieurs voitures de la BAC qui ont été dépêchées sur place pour déloger les quelques dizaines de personnes barricadées dans l’établissement. Refugiées dans le fond de l’amphithéâtre, les occupant·es se sont rendues sans résister. Sorti·es dans la rue encadré·es par un cordon de CRS, ils ont été aligné·es face contre le mur, fouillé·es et leur identité contrôlée, sous les caméras complaisantes de BFM. Toutes et tous ont été relâchées. Si l’administration se targue que l’évacuation ait été fait dans le calme et qu’elle n’est pas causée de blessé·es, les personnes interpellé·es dénoncent quant à elle les brimades et intimidations dont elles ont été la cible. Toutes les pancartes et banderoles ont été saisies et les affaires de plusieurs des occupant·es ont été endommagées volontairement par les policiers.

Un rassemblement spontané en soutien à l’expulsion, encadré par la police, a conclu la matinée aux abords de l’IEP. L’administration a décrété une fermeture administrative jusqu’au lundi 13 mai afin d’empêcher toute nouvelle tentative d’occupation.

« Un amphi expulsé, dix de réoccupés ! »

En dépit de l’expulsion, l’occupation de l’amphithéâtre Marcel Pacaut reste un succès pour le mouvement étudiant lyonnais et pour la mobilisation en soutien au peuple palestinien. Elle a permis de créer et de renforcer des liens entre des militant·es venu·es d’horizon divers, à l’intérieur des sites universitaires lyonnais comme à l’extérieur. Elle a également donné une certaine visibilité médiatique à la cause palestinienne dans la presse locale et nationale, comme à l’étranger (El Mundo, Al Jazeera), même si l’enjeu de la médiatisation aurait pu davantage être pris en compte.

Rassemblé·es à nouveau en AG à l’ENS de Lyon quelques heures après l’expulsion, les étudiant·es et leurs soutiens ne comptent pas reculer face à la répression de l’Etat et aux intimidations des administrations. De nouvelles actions sont à prévoir pour les jours à venir. Elles devront tenir compte des écueils observées lors de l’occupation à Sciences Po pour favoriser une massification et une médiatisation de la mobilisation, qui appelle à être prolongée dans les lycées et sur les lieux de travail.

Camille Boulègue