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Répression amplifiée en Catalogne

 Le Parti Populaire a une politique de répression policière et judiciaire, permanente, contre le peuple catalan.

Il a porté devant la Tribunal Constitutionnel le « nouveau statut » catalan adopté en 2006 par les parlements espagnol et catalan ainsi que par referendum. Au pouvoir, ces dernières années il a fermé toutes les portes du dialogue et de la négociation avec les gouvernements catalans, avec les forces politiques de l’état espagnol favorables à un referendum négocié. Seule la force a été employée pour empêcher toute évolution.

Nous venons d’assister à une véritable escalade répressive. Aux déjà emprisonné-es ou exilé-es viennent de s’ajouter de nouvelles arrestations. La Cour Suprême a ordonné l’arrestation de cinq membres du gouvernement catalan et activé un mandat d’arrêt contre ceux et celles exilés en Belgique, en Suisse et en Ecosse. La collaboration des services secrets et polices espagnoles et allemandes a permis l’arrestation du président Puigdemont en Allemagne.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation où tout l’ex gouvernement catalan est en prison ou en exil ! Sont aussi en prison les deux « Jordis », Jordi Sanchez ancien président de la puissante Assemblée Nationale de Catalogne (ANC) et Jordi Cuixart de Omnium Culturel.

La prison préventive peut durer 4 ans, les accusations de « sédition » et «  rébellion » peuvent supposer une peine de 30 ans.

Nous pouvons légitimement nous poser la question de savoir où va le PP et surtout jusqu’où il est prêt à aller. Sa politique constante de répression policière et judiciaire nous donne la clé de son orientation. Il s’agit pour lui de décapiter le mouvement indépendantiste, d’écraser le mouvement catalan, de faire peur et d’imposer une défaite. Pour cela, il est prêt à tout. Ainsi après avoir appliqué l’article 155 et imposé des élections le 21 Décembre, il se refuse à reconnaître le résultat de ces élections qui ont confirmé une majorité indépendantiste en sièges. Après avoir accepté le dépôt des listes indépendantistes et leurs candidat-es, le PP avec ses alliés Ciudadanos et PSOE n’a eu de cesse d’empêcher la constitution d’un gouvernement catalan. Ils ont bloqué l’investiture, en tant que Prèsident, de Puigdemont, puis celle de Sanchez, puis celle de Turull qui est maintenant lui aussi en prison.

Le soutien sans faille de Ciudadanos, du PSOE et des dirigeants de l’Union Européenne  est un atout pour lui. Nous venons encore de le voir avec l’arrestation de Puigdemont, Pedro Sanchez du PSOE déclare « personne n’est au dessus des lois » et Juncker rappelle  son soutien « à l’ordre institutionnel espagnol » !

L’arrestation de Puigdemont est indéniablement un saut qualitatif dans la répression.

Après avoir étranglé la Grèce, laché les Kurdes de Syrie, l’Union Européenne et ses dirigeants se refusent à reconnaître les droits d’un peuple mais aussi le résultat d’une élection démocratique au parlement catalan, élection dont personne ne conteste la légitimité. Rien d’étonnant dans cas qu’un des mots d’ordre le plus repris lors de la manifestation  de plus de 50 000 personnes à Barcelone le dimanche 25 mars ait été :  «Aquesta Europa és una vergonya / Esta europa es una verguenza » ( cette Europe est une honte)

Mais, à la fois, rien n’est simple pour le gouvernement de Mariano Rajoy

Le PP reste minoritaire au Parlement espagnol et ne trouve pas les voix nécessaires pour faire voter son budget. Le PNV (basque), disposé dans un premier temps à le voter, a déclaré que pour lui « l’application du 155 en Catalogne était une ligne rouge » et demandé au PP de chercher d’autres alliés.

Nous assistons aussi à un réveil du mouvement social dans tout l’Etat espagnol, avec un succès énorme de la grève et des manifestations du 8 mars, avec une mobilisation puissante des retraité-es. La crise du régime de la Transition de 1978 est une évidence, un des enjeux du moment  est de tisser des liens entre la question sociale et la question nationale.

L’internationalisation du conflit commence à devenir une réalité. Tout d’abord, il y a des exilé-es en Belgique, en Ecosse, en Suisse et Puigdemont est emprisonné en Allemagne. Le gouvernement et la justice espagnol, via le mandat d’arrêt, ont demandé l’extradition de ces responsables politiques. Chaque état concerné doit donc justifier une extradition et accepter les motifs de l’extradition, et en particulier, l’accusation de « rébellion ».

Une chose est l’agitation verbale, autre chose est la caractérisation juridique. De nombreux juristes indiquent que l’accusation de « rébellion » ne tient pas, « rébellion » suppose une action violente, le meilleur exemple étant un coup d’état militaire. Il est impossible de considérer qu’un vote au Parlement ou une déclaration verbale d’indépendance soit une action violente. La justice allemande va devoir se prononcer pour répondre à la demande espagnole et extrader ou pas Puigdemont. Le débat s’installe en Allemagne, Die Linke, les Verts demandent la libération de Puigdemont et même le responsable du Parti Libéral ou l’éditorialiste de Der Spiegel mettent en garde Merkel sur les conséquences politiques d’une extradition.  Le New York Times demande à l’Allemagne un geste conciliateur pour calmer la situation en Catalogne. En Ecosse, Ponsati est laissée en liberté conditionnelle. En Suisse, Marta Rovira n° 2 d’ERC et Anna Gabriel de la CUP sont en liberté.

Indiquons aussi le fait que le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a pris en compte la demande de Puigdemont. Il n’y aura rien de décisionnel mais un avis venant de l’ONU légitime un combat et montre du doigt un état.

Dans le même sens, une tribune dans Le Monde de quatre écrivains dont Eri de Luca et Pennac exige la liberté des prisonniers politiques.

Les débats dans le mouvement indépendantiste

Suite à l’élection du 21 Décembre et à la politique répressive du PP, le mouvement indépendantiste s’est retrouvé dans une panne stratégique. Cette panne s’explique aussi par des divergences entre eux. En simplifiant les positions en présence, nous pouvons dire qu’il y a deux orientations. L’une portée par la liste Jxcat de Puigdemont et la CUP, l’autre par ERC et une partie du PDCat. Pour les premiers, rien n’a changé, il faut maintenant construire la République, pour les seconds il faut d’abord sortir du 155 et récupérer l’autonomie.

Evidemment, selon l’orientation choisie ce n’est pas le même président qui est élu et ce n’est pas le même type d’affrontement avec le gouvernement Rajoy.

Les dernières arrestations et surtout celle de Puigdemont poussent à dépasser les divergences et à trouver une solution politique commune. Un gouvernement catalan doit être élu d’ici le 22 mai sinon il y aura de nouvelles élections. Ne doutons pas que le bloc PP, Ciudadanos et PSOE ne va pas changer de position et va tout faire pour bloquer toute possibilité de constituer un gouvernement. La liste « Catalunya en Comu » a tenu une conférence de presse avec Jxcat, ERC et la CUP pour dénoncer les arrestations, demander la liberté pour les prisonniers politiques et la fin du 155. Un signe très positif dans la situation actuelle.

Une résolution votée lors de la réunion du Parlement catalan réaffirme la possibilité pour Puigdemont, Sanchez ou Turull d’être désignés comme Président. La CUP soutient Puigdemont comme candidat, elle se refuse à donner ses 4 voix à tout ce qui pourrait être un retour à l’autonomie précédente. Sans les 4 voix de la CUP et les 2 voix inutilisables de Puigdemont et Comin, il n’y a pas de majorité indépendantiste. Catalunya en Comu a repris sa proposition défendue lors de l’élection, un gouvernement allant de la CUP au PS. L’ANC a publiquement combattu cette position indiquant qu’elle ne respectait pas le vote du 21 Décembre donnant une majorité indépendantiste.

Il devient urgent, 3 mois après l’élection, d’arriver à constituer un gouvernement, les prochains jours seront décisifs. Une nouvelle élection ne réglerait en rien le problème, le plus probable serait une confirmation sans doute amplifiée du vote indépendantiste et une attitude identique du bloc PP, Cs et PSOE niant le résultat réel du vote des électeurs catalans.

La période de doute et de panne stratégique des partis indépendantistes semblait peser et paralyser le mouvement à la base. Depuis les dernières arrestations, la dynamique s’est relancée avec une puissante marche, appelée par l’ANC dans l’urgence, le dimanche 25 et avec l’activation des Comités de Défense de la République multipliant les blocages d’autoroutes et avenues à la façon des « piqueteros » argentins.

Une grande manifestation pour la libération des prisonniers politiques est organisée par l’ANC, avec le soutien des Commissions Ouvrières,  à Barcelone pour le dimanche 15 avril. Il serait souhaitable que ce jour là des manifestations soient organisées dans tout l’état espagnol. Nous ne pouvons qu’espérer que Podemos et IU prendront leurs responsabilités dans ce combat contre la répression, pour les libertés démocratiques.

Construire ici la solidarité !

En France, il ne s’agit pas de se diviser sur l’indépendance mais de construire une mobilisation la plus large possible pour dénoncer la répression, la liberté des prisonniers politiques, la fin de l’état d’exception avec le 155 et le droit à l’autodétermination.

C’est sur ces bases qu’un mouvement de solidarité doit se construire.

Vendredi 30 mars 2018. Francis Viguié

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