Depuis quelques jours, la petite musique que je retrouve sur les réseaux sociaux ou dans la presse m’impute de vouloir faire renaitre « l’union de la gauche ». J’aimerais que l’on écoute ce que je dis et non que l’on s’invente un épouvantail pour bloquer la discussion.
Je redis ici que le débat ne se joue pas, selon moi, entre « populisme » versus « union de la gauche ». Je n’ai jamais pensé que l’on pouvait espérer une solution politique de l’union des partis de gauche. Je ne crois pas non plus que l’agrégation de colères captée par un leader soit le sésame. Ma conviction est qu’il faut fédérer le peuple sur une espérance, une alternative sociale et écologiste. Et que pour y parvenir, nous avons besoin de médiations, c’est-à-dire de relais, car nous ne pouvons viser seuls des majorités, à partir d’un petit groupe de militants politiques soudés et homogènes dans sa façon de penser et de parler.
Faut-il rappeler ici que lors du Front de Gauche, avec le mouvement Ensemble, j’ai fait partie de celles et ceux qui demandaient que le Front de Gauche devienne un mouvement citoyen et non un seul cartel de partis, en permettant les adhésions individuelles ? A l’époque, le PCF et le Parti de Gauche étaient opposés à cette évolution. Je discutais alors la pertinence de la forme parti et je pensais déjà que le mot gauche devait être rempli plus que proclamé. Ce n’est quand même pas moi qui ai créé le Parti de Gauche dont, si on veut bien y réfléchir, tous les termes sont discutables, parti et gauche ! Donc pas de faux procès. N’alimentons pas de querelles sur de mauvais termes de débat, discutons du fond des choses. J’ajoute que mon ancrage dans la gauche radicale depuis plus de vingt ans indique, s’il le fallait, que je ne suis pas de celles qui bradent des convictions de rupture sur l’autel d’accords de sommet et de circonstance.
Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Nous voici loin de la force qui a su rassembler près de 7 millions de Français, venus des quartiers populaires, des agents des services publics, des couches intellectuelles précarisées de centres villes… C’est parce que nous avions su porter un discours rassembleur que nous étions crédibles pour mobiliser et changer la société. Comment cela a-t-il été possible ? En faisant appel à l’intelligence de tous, en valorisant une politique ancrée dans les mémoires et dans les cœurs, une proposition qui rompait avec les errances de la gauche au pouvoir. Notre attrait tenait au fait que nous étions radicaux sur le fond en nous hissant au niveau des questions nouvelles sur l’écologie, le travail, la culture, la paix, etc. C’est cette attitude ouverte, créatrice, fédératrice qui s’est estompée depuis deux ans. Seul un électeur sur 5 qui avait voté pour Jean-Luc Mélenchon en 2017 a voté FI en 2019. Comment pourrait-on contourner ce constat ?
Il nous faut reprendre ce chemin, celui qui a fait la force de la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017. On ne le fera qu’avec l’apport de toutes celles et ceux qui sont prêts pour la transformation sociale et écologiste. Qui ? Les lutteurs, les syndicalistes, les militants politiques et les élus locaux, les lanceurs d’alerte, les agents des services publics, les artistes et les intellectuels critiques, tous les citoyen.ne.s qui dans leur travail et/ou leur façon de vivre fondent leur engagement pour la société… Dans ce mouvement, chacun vient comme il/elle est, avec son histoire, ses priorités et son expérience. Pour que le plus grand nombre trouve sa place, je crois à la nécessité du pluralisme, au respect des identités de chacun. L’union des partis n’est pas l’axe de rassemblement mais pour fédérer, il faut des passerelles et non des murs, de l’écoute et non de la vindicte.
Nous avons des idées, nous ne sommes pas les seuls. Ouvrir les portes et les fenêtres sur les forces vives qui portent l’horizon qui nous est cher me paraît d’une urgence vitale pour desserrer l’étau du couple infernal néolibéraux versus néofascistes. Voilà ce que je dis. Ni plus, ni moins.
Clémentine Autain, le 2 juin 2019.