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Production audiovisuelle : une mobilisation historique et qui va durer

Mercredi 15 novembre, 70 équipes de technicien·nes de la production audiovisuelle se sont mises en grève pour l’augmentation des salaires. Face à l’intransigeance patronale, le mouvement se prépare à durer.

L’appel lancé par le SPIAC-CGT et le SNTPCT, tardivement rejoints par la CFTC, a largement dépassé les espérances initiales (lire notre article précédent). Mercredi dernier, de nombreux·ses technicien·es relevant de la production audiovisuelle se sont mis·es en grève sur leurs tournages ou dans leurs salles de post-production. Plusieurs centaines se sont rassemblé·es à Paris devant le siège de l’Union syndicale de la production audiovisuelle, l’une des organisations patronales du secteur. Des rassemblements ont aussi eu lieu dans d’autres villes, comme à Marseille et à Lille.

Parmi les programmes touchés, des séries comme Marie-Antoinette et HPI, des émissions comme Top Chef et Le Meilleur Pâtissier, des téléfilmsi… Norman Reedus, l’acteur vedette d’un spin-off de The Walking Dead dont le tournage à Saint-Malo s’est interrompu à cause de la grève, a partagé la photo des technicien·nes mobilisé·es : cette grève en France prend en quelque sorte le relais de la grève victorieuse des comédien·nes aux États-Unis.

Certaines équipes ont suivi l’appel syndical initial de deux jours de grève, d’autres ont fait de plus courts débrayages. Plusieurs tournages très mobilisés ont reconduit la grève le vendredi. Dans les émissions de télévision, où les salarié·es sont plus isolé·e·s et les employeurs particulièrement menaçants, la grève a souvent été d’une ou deux heures, ce qui est déjà exceptionnel. Il s’agit dans l’ensemble du plus important mouvement dans la production audiovisuelle depuis 1999.

Pour l’instant, les producteurs retardent l’ouverture de négociations, dans l’espoir sans doute que la grève passe ou que des tournages importants se terminent. Dans une déclaration publiée au deuxième jour de la grève, deux organisations patronales ont par ailleurs évoqué la possibilité de négocier de façon séparée selon le type de programme audiovisuel : en clair, de diviser les technicien·nesii. Mais derrière cette fermeté apparente se cache probablement une certaine fébrilité face à la force d’une grève qu’ils avaient mal anticipée.

Pour les salarié·es, le défi est clair : il faut poursuivre et amplifier le mouvement pour obtenir l’ouverture rapide de négociations sur une base favorable. Leur revendication, 20 % d’augmentation, marque le niveau de leur ambition et leur détermination à mettre fin à la baisse des salaires qui dure depuis plus de 15 ans. À l’issue d’une assemblée générale regroupant plusieurs centaines de technicien·nes de toute la France, le SPIAC-CGT et le SNTPCT ont prévenu qu’ils appelleraient à de nouvelles grèves. Cette fois, la date ne sera communiquée que très peu de temps à l’avance pour couper court aux manœuvres des producteurs et permettre un impact maximal. Une caisse de grève est également à l’étude pour soutenir les salarié·es les plus fragiles et permettre au mouvement de durer.

Si elle n’a pas encore gagné, cette mobilisation porte déjà des fruits précieux. En quelques semaines, elle a recréé dans la profession un sens du collectif que l’on disait perdu. Professionnel·le·s comme syndicalistes apprennent à toute vitesse dans cette lutte qui, pour beaucoup, est la première grande grève de leur vie. Le fait que cette génération qui découvre l’action collective participe aussi à un mouvement de resyndicalisation du secteur est porteur d’espoir pour les luttes à venir.

Correspondant

iRecensement des équipes mobilisées sur le site du SPIAC-CGT : https://spiac-cgt.org/la-liste-des-equipes-ayant-vote-la-greve-pour-les-20-en-novembre/

iiDéclaration du Syndicat des producteurs indépendants et de l’Union syndicale de la production audiovisuelle : https://lespi.org/2023/11/communique-de-presse-greve-sur-les-plateaux-de-tournage-de-fiction/