Le mouvement contre la hausse des carburants est une occasion pour affirmer clairement que l’écologie doit être une cause commune. Elle ne peut en aucun cas se construire contre le peuple. Mais la constance du gouvernement d’Emmanuel Macron ne connaît aucune exception : doux avec les puissants, cruel avec les plus faibles. Pendant ces semaines où le pays a débattu de l’opportunité d’augmenter les taxes sur l’essence et le diesel, tout le monde a compris que la mesure n’avait rien à voir avec l’écologie. Pourquoi, si l’objectif du gouvernement était vraiment d’œuvrer à l’atténuation du changement climatique, n’imposer ni le kérosène, ni les transporteurs routiers, ni les bateaux de croisière ou encore les flottes d’entreprise? Les masques sont tombés, et la mesure est apparue pour ce qu’elle est vraiment : une injustice fiscale parmi d’autres.
Pour que l’impôt soit consenti, il faut qu’il soit juste. C’est de l’injustice fiscale dont le pays entier est fatigué. Le sommet de la manœuvre macroniste consiste à culpabiliser les gens qui n’ont d’autre choix que de prendre la voiture pour aller au travail ou remplir leurs frigos. En plus de rencontrer toutes sortes de difficultés dans leur quotidien, ils sont accusés de contribuer individuellement à la destruction de notre environnement.
Un discours contre-productif
Nous considérons qu’il est indigne de leur faire porter le chapeau du changement climatique. Nous pensons qu’il est parfaitement immoral de mettre en place la politique de la finance à l’échelle nationale et européenne, et «en même temps» d’accuser ceux qui subissent les politiques antisociales du gouvernement de lèse-écologie. Ce discours moralisant, inutile et contre-productif doit être abandonné, ainsi que les mesures qui l’accompagnent. Les hausses de taxe doivent être supprimées et les pollueurs doivent payer : taxe sur le transport aérien, sur le transport maritime ou sur les profits de transnationales comme Total.
L’hypocrisie de ce gouvernement éclate lorsqu’on se rappelle que c’est Emmanuel Macron qui a mis en place les cars Macron fonctionnant au diesel détaxé et roulant souvent à moitié vide. Les plus modestes sont donc forcés de prendre le bus plutôt que le train, transport plus polluant et pour des trajets plus longs ! Et qui a divisé par deux le crédit d’impôt pour la transition énergétique ? Qui a décidé d’augmenter de seulement 50 euros le chèque énergie alors que le coût du gaz, du fioul et de l’électricité explose, laissant des millions de familles dans la précarité énergétique ? Emmanuel Macron, encore !
Une politique écologiste doit présenter un horizon positif au pays. C’est l’ensemble de notre modèle agricole qui doit être transformé, pour aller vers l’agriculture écologique et paysanne, la fin de l’élevage industriel et la promotion des circuits courts. C’est tout l’aménagement du territoire qui doit être revu pour nous permettre d’émettre moins de gaz à effet de serre. C’est l’isolation des logements qui doit être renforcée pour lutter contre la précarité énergétique et le gaspillage d’énergie. C’est la production d’énergie qui doit s’appuyer sur les énergies renouvelables.
Tout cela passe nécessairement par des investissements publics massifs. Nous devons retrouver le sens du temps long et articuler toutes les questions sociales et économiques à l’enjeu écologique, et non faire de la politique à la petite semaine comme ce gouvernement. Renouer avec un sens du service public, notamment en matière de transport, est de ce point de vue nécessaire. Il faut rouvrir les gares et les petites lignes ferroviaires fermées en masse ces dernières décennies. Il faut baisser les tarifs du train. Il faut investir pour des transports publics gratuits et de qualité. Il faut permettre la pratique du vélo par les aménagements nécessaires dans toutes les villes. Il faut créer les conditions positives pour permettre aux Français de choisir un autre mode de transport que la voiture.
Là où on les a fermés, notamment en zone rurale, nous devons rétablir les services publics. Comment reprocher à une famille de prendre la voiture pour faire des courses quand les centres-villes se vident de leurs petits commerces ou pour poster une lettre quand les postes ont fermé ? Une écologie populaire est un horizon de libération pour toutes et tous. Elle passe par un sens du concret et du quotidien qui, malheureusement, manque à ce gouvernement. Mais l’énergie est là, dans le pays, prête pour mener des politiques écologistes conséquentes comme le montre le développement d’initiatives citoyennes partout dans le pays (AMAP, coopératives pour les ENR, recycleries etc.). C’est le pivot de toute politique qui, aujourd’hui, vise à changer la vie, pour le meilleur et pour le grand nombre.
Signataires : Mathilde Panot députée LFI, Loïc Prudhomme député LFI, Marie-Noëlle Lienemann sénatrice, coprésidente d’APRES, ancienne ministre, Danielle Simonnet, conseillère de Paris, Pablo Servigne chercheur in-terre-dépendant, coauteur de L’entraide. L’autre loi de la jungle, Les liens qui libèrent, 2017, Martine Billard ancienne députée écologiste, Vincent Liegey chercheur et coordinateur des conférences internationales de la Décroissance et de la coopérative sociale Cargonomia de Budapest (Hongrie), Frédéric Viale membre d’ATTAC, Tifen Ducharne militante pour le zéro déchet, Danyel Dubreuil militant contre la précarité énergétique, Farida Amrani candidate LFI à la législative dans la 1ère circonscription de l’Essonne, Gabriel Amard coprésident d’une coordination d’usagers de l’eau, Laurence Lyonnais candidate sur la liste Europe insoumise – Maintenant le peuple !, Jean-Marie Brom chercheur CNRS, militant antinucléaire.