Dimanche dernier, notre candidate et ancienne députée Bénédicte Taurine, FI/Nupes a été battue par Martine Froger, candidate soi-disant socialiste dissidente. Le score est certes sans appel, mais tant la participation que le soutien obtenu par la candidate dissidente, doivent nous interpeller.
Sans doute que le terme de réaction à l’encontre des soutiens de Mme Froger dans cette élection ariégeoise, peut paraître outrancier. Mais pourtant il est à tout à fait pertinent de qualifier de réaction quand on parle du front qui s’est retrouvé à soutenir la candidate de Mme Téqui, présidente du conseil départemental, et de Mme Delga, présidente de la région Occitanie : dès le soir du premier tour le parti présidentiel Renaissance, appelait à voter pour Martine Froger, de même que Olivier Dussopt, actuel ministre du travail en charge de porter la réforme des retraites et donc le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Force est de constater que Mme Froger a bénéficié de ces voix-là mais aussi de celles de la droite canal historique, LR, M. Raffarin (ancien ministre de droite et fossoyeur de la retraite à 60 ans en 2003) se réjouissait du front anti-Nupes ayant ainsi sorti la sortante, Bénédicte Taurine. Mais il y a la cerise sur le gâteau puisque dans ce front anti Nupes on doit compter aussi le RN. En effet, juste après le deuxième tour, Julien Odoul, député RN, s’est félicité de la victoire de Martine Froger « une victoire pour la République » ! On croit rêver !
Martine Froger a donc réussi son coup grâce, objectivement, aux soutiens qui vont de Mme Delga à M. Odoul. Quelle prouesse ! Et en effet si on consulte les résultats du premier et du second tour, avec une participation respectivement de 40 % et d’un peu plus de 38 %, on comprend bien que les voix de Renaissance et les voix du RN sont allées, sans conteste, à Martine Froger.
C’est bien un front réactionnaire qui a permis l’élection de Mme Froger. D’ailleurs la définition de réactionnaire s’applique très bien à cet épisode électoral peu glorieux : un réactionnaire étant « un partisan d’un conservatisme étroit ou d’un retour vers un état social ou politique antérieur », d’après le Larousse. Il fallait pour les affidés de Mme Delga un retour en arrière, avant 2017, quand l’ensemble des élu-e-s du département appartenait au même clan politique, celui du social-libéralisme, aux pratiques féodales et au clientélisme mortifère. D’ailleurs deux historiens de la fondation Jean Jaurès abondent dans ce sens, Thibault Lhonneur et Axel Bruneau expliquent en effet que: « C’est lors des élections partielles que la puissance de feu des grands féodaux est la plus forte : leurs électorats se mobilisent, et la relative dépolitisation du scrutin laisse la place aux fidélités de proximité ».
Et pour y parvenir il fallait le soutien de la droite et de l’extrême droite, soucieuses que rien ne bouge et qu’on se débarrasse d’élu-e-s comme Bénédicte Taurine ou de Michel Larive (autre élu FI/Nupes battu dans les mêmes conditions en juin dernier par un « dissident socialiste »), élu-e-s qui portent un autre projet de société pour une République sociale, écologique et démocratique. Car les républicains se sont eux !
Pourtant que n’a-t-on entendu sur la Nupes durant cette campagne. Pour les réactionnaires de tout poil, pour ceux et celles qui ne veulent que rien ne bouge, la Nupes voilà l’ennemi. Quitte à aider encore plus à dédiaboliser le RN.
Et malheureusement ce n’est pas la première fois qu’au sein de la fausse gauche et au sein de la Macronie, on joue aux idiots utiles de l’extrême droite en tapant avec la même extrême-droite, sur ceux qui défendent la République et ses principes fondamentaux, la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.
Pas grave d’ailleurs pour Martine Froger et toute la clique de barons locaux que le parti présidentiel qui lui a apporté son soutien, impose une réforme de retraite qu’une écrasante majorité de la population rejette en bloc !
Pourtant, Mme Froger et ses soutiens devraient restés humbles. En effet Martine Froger a été élue avec 11 758 voix et 38 % de participation alors que Bénédicte Taurine, élue en juin 2022 l’avait été avec 14 746 voix et plus de 53 % de participation.
Outre qu’il n’est pas très honorable puisqu’il a vu la coalition de la fausse gauche et des droites jusqu’à l’extrême droite pour battre la candidate Nupes, ce succès est donc à relativiser.
On est dans le cadre d’une législative partielle, sans aucune dynamique liée à un scrutin national, comme celui des législatives de juin dernier, le poids de l’abstention est toujours là et pèse sur ce type de scrutin. D’autant plus aujourd’hui qu’une partie de l’électorat en Ariège appartient aux classes populaires défavorisées, souvent écoeurées d’un pouvoir qui n’a que faire de ses souffrances. L’utilisation du 49-3 dernièrement n’a pas facilité la mobilisation de cet électorat qui avait voté massivement pour Jean Luc Mélenchon au printemps dernier.
Mais nous ne devons aussi nous interroger de manière sincère.
En effet il ne s’agit pas de s’émanciper de toute responsabilité dans le résultat de ce scrutin. Il ne s’agit pas de la formidable campagne menée par les militant-e-s autour de Bénédicte. Il s’agit de poser la question de la construction des outils politiques nécessaires à la consolidation et à l’ancrage de nos mouvements sur tous les territoires. Une FI mieux implantée, mieux organisée, tant pour les élections que pour l’activité politique quotidienne, nécessaire pour diffuser et convaincre, est à discuter.
Le rôle de la Nupes doit être aussi interrogé : c’est une période de crise multiple qui s’ouvre à nous, sociale d’abord la crise est désormais politique et démocratique. Nous avons besoin d’un outil politique portant un projet émancipateur, capable d’incarner une alternative politique au vieux monde.
Ca urge ! La planète brûle, l’extrême droite est toujours là en embuscade, et la souffrance sociale est omniprésente. Depuis hier l’acte II de la Nupes est sur les rails : après l’acte I qui fut celui des élections législatives, entrons dans l’acte II pour que la Nupes soit cet outil politique. Donnons-nous en les moyens.
Myriam Martin