Cette motion a été déposée par 106 signataires, les député•es des groupes LFI-NUPES et GDR ainsi que des député•es écologistes.
Le lundi 29 avril, lors du débat d’orientation et de programmation des finances publiques, le gouvernement défendait la mise en place d’une austérité sans précédent. Cette austérité, insupportable sur le plan social et inefficace sur le plan budgétaire, est mise en place en contournant le débat parlementaire. Nous vous avions alors prévenu : recourir à un projet de loi de finances rectificative afin de permettre au Parlement de débattre, puis de voter, sur les modifications apportées au budget de cette année est une nécessité démocratique. Pour cela, nous vous laissions un mois pour déposer un tel projet de loi, sans quoi nous déposerions une motion de censure.
Ce 15 avril 2024, Emmanuel Macron déclarait que la France n’a pas « un problème de dépenses excessives mais de moindres recettes ». Loin d’agir en conséquence de cette déclaration en restaurant les recettes publiques, le gouvernement décide seul de poursuivre son travail de sape de l’Etat-providence. Après avoir abîmé les recettes publiques comme jamais auparavant, ce gouvernement utilise le prétexte de la dette pour mener une attaque sans précédent contre les services publics, et notre système de protection sociale.
Le 19 février 2024, le gouvernement retirait arbitrairement par décret plus de 10 milliards d’euros au budget de l’Etat, l’équivalent budget annuel du ministère de la Justice ! Les coupes budgétaires inédites de ce gouvernement sont un choix politique : elles ciblent les dépenses d’avenir, et sacrifient la jeunesse de ce pays.
– Par ce décret décidé seul et sans débat, c’est 1,1 milliard d’euros qui sont retranchés aux politiques de travail et emploi, l’équivalent de la suppression du tiers des postes d’apprenti dans l’enseignement secondaire.
– Par ce décret décidé seul et sans débat, c’est 1 milliard d’euros qui est retiré à la rénovation énergétique des logements, soit plus de 100 000 logements qui ne seront pas rénovés cette année.
– Par ce décret décidé seul et sans débat, ce sont 690 millions d’euros qui sont amputés à l’enseignement scolaire, l’équivalent de la suppression de 436 écoles primaires, 54 collèges, et de l’accompagnement de 14 000 élèves en situation de handicap.
– Par ce décret décidé seul et sans débat, ce sont 500 millions d’euros qui sont coupés dans le Fonds vert, l’équivalent de 500 écoles qui ne seront pas rénovées.
Le gouvernement, empêché d’annuler plus de 1,5% du budget par décret, est prêt à employer tous les moyens pour mettre en place son calendrier austéritaire. Non satisfait de ces renoncements historiques, le gouvernement s’obstine dans cette trajectoire en décidant seul d’un surgel de 10 milliards d’euros supplémentaires afin de les annuler en fin d’année. Ce surgel, appliqué pour moitié sur le budget de l’Etat, constitue un contournement insupportable des règles budgétaires. Il s’agit en outre d’un grave problème de lisibilité du budget : les conséquences et les annulations associées à ce surgel ne seront connues qu’en fin d’année 2024, afin d’empêcher tout débat sur la nature de ces annulations.
Par ce décret et par ce surgel, ce sont 20 milliards d’euros qui manqueront à nos services publics, plus de 4% du budget de l’Etat voté par 49.3 ! Macron et son gouvernement mettent donc en place un budget totalement remanié par un double contournement du Parlement.
Le débat et le vote sont pourtant l’oxygène de la démocratie. Ce sont les débats lors du projet de loi de finances pour 2024 ont permis de révéler que les perspectives de croissance pour 2024 étaient manifestement surévaluées, et que le déficit pour 2023 était profondément sous-évalué. Les chiffres alors avancés par le gouvernement étaient supérieurs à chacune des prévisions des institutions économiques. Nous vous avions alerté, sans effet, avant que ces débats ne soient prématurément interrompus par un recours autoritaire au troisième alinéa du quarante-neuvième article de la Constitution. Ce sont précisément cette croissance surévaluée et ce déficit sous-évalué qui viennent aujourd’hui justifier de nouvelles coupes. Plutôt que de tirer les enseignements de ses erreurs, le gouvernement décide désormais d’empêcher tout débat budgétaire au Parlement. Il faut mettre un terme à cette parodie de démocratie !
Les plus pauvres d’entre nous ne mangent plus à leur faim, la France est condamnée pour être le seul pays européen à ne pas avoir tenu ses engagements en matière d’énergies renouvelables, et l’exécutif navigue aujourd’hui sans autre horizon politique qu’une austérité sans précédent. Annexé au Programme de Stabilité, le Programme National de Réforme est à l’image de l’inconséquence et de la désinvolture de ce gouvernement. Alors que le Programme National de Réforme transmis pour 2023 faisait 234 pages, et détaillait les ambitions antisociales de la minorité présidentielle, le programme pour 2024 ne fait que 33 pages, et se contente de marteler les éléments de langages du gouvernement. Cela est indigne d’une démocratie parlementaire !
Le gouvernement avait un mois pour cesser de faire preuve de lâcheté politique, et pour que ses ambitions austéritaires fassent l’objet d’un débat démocratique. Le temps est écoulé. Ce gouvernement méprise le débat parlementaire comme il méprise le peuple qui a élu la représentation nationale. Par leur exercice autoritaire du pouvoir, Emmanuel Macron et son gouvernement foulent aux pieds la démocratie parlementaire. Aussi, conformément à l’article 49 alinéa 2 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.