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Monarchie, la machine à cash

Ainsi s’achèvent les funérailles de la Reine Elisabeth II, dont le coût est estimé à plus de 8 milliards de livres sterling. Leur couverture médiatique a été aussi planétaire qu’insupportable, les différents journalistes et éditorialistes des chaînes d’information en continu s’étant métamorphosés en autant de spécialistes de la monarchie britannique et de ses us et coutumes.

Dans ce concert de dévotions d’inspiration médiévale, les voix critiques ont eu du mal à se faire entendre, en général et, en particulier, au Royaume-Uni. On trouvera donc ici quelques informations factuelles illustrant l’un des aspects les moins connus parce que les moins mis en lumière de la monarchie britannique, à savoir qu’il s’agit aussi d’un gigantesque business (1) permettant depuis des siècles à quelques individus de mener une vie aussi dispendieuse que parasitaire.

Les lignes qui suivent ont été traduites d’un article de John Rees (2) intitulé « Long to reign over us ? The monarchy, land, money and guns » (3).

François Coustal

Une richesse qui vient de la terre

En Grande-Bretagne, la plus ancienne forme de richesse est celle qui vient de la propriété de la terre. Bien avant qu’il y ait des grandes entreprises et des banques et, bien sûr, bien avant qu’il y ait une monnaie stable, le pouvoir et la richesse étaient mesurés par l’étendue de la terre que vous possédiez, vous et votre famille. Dans la Grande-Bretagne médiévale, ceux qui possédaient peu ou pas de terre devaient travailler pour ceux qui possédaient des terres.

Le National Trust et la Commission forestière comptent aujourd’hui parmi les propriétaires terriens les plus importants. Par contre, ce qui est étonnant est qu’en Grande-Bretagne et au XXI° siècle, quelques-uns des plus gros propriétaires terriens sont les mêmes que ce qu’ils étaient il y a des centaines d’années : la Famille royale et l’aristocratie, l’Eglise d’Angleterre et l’Université d’Oxford.

La Couronne et 26 autres domaines aristocratiques possèdent 574.000 hectares, deux fois plus que l’étendue des terres possédées par le National Trust et trois fois plus que la superficie des terres possédées par l’ensemble des fonds de pension en Grande-Bretagne. Ainsi les terres possédées par la Couronne et l’aristocratie représentent plus de trois fois la surface du Grand Londres et un bon tiers de celle de la Cornouailles. De même, la Couronne contrôle plus de la moitié du littoral britannique.

Les terres de la Couronne sont considérées comme un actif de l’Etat ; elles ne peuvent êtres vendues par la Monarchie ; les revenus qu’elles génèrent sont attribués à l’Etat et la Reine reçoit un certain pourcentage de ces profits. Mais la Reine possède aussi en propre des propriétés personnelles en plus de celles de la Couronne. Ainsi, le château de Balmoral en Ecosse est la propriété privée personnelle de la Reine et ne fait pas partie des terres de la Couronne. Mais l’étendue des propriétés terriennes ne représente que la moitié de l’histoire. Certaines terres valent plus que d’autres. Et les terres de la Couronne figurent parmi celles dont la valeur est la plus élevée. Et, naturellement, la valeur des propriétés urbaines de la Couronne – 4 milliards de livres sterling – est quatre fois plus importante que celle de ces propriétés foncières.

La Couronne, par exemple, possède la totalité de Regent Street et à peu près la moitié de Saint James dans l’Ouest londonien, ainsi que des commerces de détails à travers tout le Royaume-Uni, notamment à Oxford, Exeter, Nottingham, Newcastle et Harlow. La Couronne possède également en totalité ou en partie des centres commerciaux à Oxford et à Exeter et une partie du centre commercial Bluewater dans le Kent. Elle possède aussi ses propres centres commerciaux à Leeds, Milton Keynes, Merseyside, Slough, Swansea, Slough, Portsmouth, Harlow, Maidstone, Hemel Hempstead, Nottingham, Edinburgh, Warwick, Cheltenham and Jersey.

Le « domaine Windsor » contrôle aussi le champ de courses d’Ascot, des clubs de golf, des hôtels, des fermes et des étendues boisées. En Ecosse, à travers ses différents holdings, la Couronne possède les droits de pêche concernant diverses rivières, les revenus du ramassage des huîtres et des moules ainsi que les droits miniers.

Le domaine du Duché de Cornouailles – que possède le Prince Charles – bénéficie d’une loi médiévale qui stipule que toute personne qui, en Cornouailles, décède sans faire de testament renonce à ses biens au profit du Prince. Depuis 2006, le Prince Charles a ainsi empoché un million de livres sterling de cette manière. Au total, le tas d’argent issus de testaments sur lequel le Prince Charles est assis atteint les 3.3 millions de livres. Globalement, le domaine constitué par le Duché de Cornouailles est évalué à 800 millions de livres et assure chaque année un revenu privé de 19 millions de livres au Prince Charles.

John Rees. Traduction et notes : François Coustal.

Notes :

(1) https://www.counterfire.org/articles/opinion/17990-long-to-reign-over-us-the-monarchy-land-money-and-guns

(2) John Rees est l’un des principaux animateurs de Counterfire, qui est à la fois une organisation de la gauche révolutionnaire britannique et un site.

(3) « Long to reign over us  » : il s’agit des paroles de l’hymne national britannique, le fameux « God save the Queen / the King »