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MAI-JUIN 68 ET APRÈS : SECOUSSE ET RÉPLIQUES

Samedi 23 juin 2018, Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord
20, avenue George-Sand. 93210 La Plaine Saint-Denis (métro Front populaire, ligne 12). A l’initiative de la Société Daniel Bensaïd.

Cinquante ans après la secousse de Mai 68, on sait combien cette crise a bouleversé la société et accéléré son évolution, mais aussi comment furent dévoyées les aspirations qu’elle avait révélées au grand jour.

Il nous faut regarder 68 avec une double focale : celle qui va cerner l’événement lui-même, ces deux mois qui allient le soulèvement de la jeunesse à la grève générale la plus massive qu’a connue la France à ce jour ; et celle qui resitue cet ébranlement dans la durée et dans l’espace. Car ce qui forme aussi la singularité de la séquence c’est qu’elle fut internationale, même si les rythmes ne furent pas synchronisés dans tous les pays.

Aujourd’hui il ne peut s’agir de commémorer en racontant les principaux aspects des « événements ». On fera œuvre plus utile en réfléchissant à la fois au contexte international de l’époque, aux points d’inflexion que cette période a marqués, mais aussi aux récupérations entreprises par un capitalisme soulagé de sa grande frayeur d’alors et entrant dans une nouvelle phase plus instable, après la forte croissance des années d’après-guerre.

L’objectif de ce colloque de la Société Daniel Bensaïd est donc de regarder les points saillants de cette période, en France et dans le monde, les ferments et les changements qu’ils ont induits dans la société. Mais aussi comment certains d’entre eux se sont mués en leur contraire :  individualisme contre émancipation collective, libéralisme économique contre aspiration de liberté, fragmentation et parcellisation du travail contre revendication d’une dignité de fonction professionnelle.
Le monde tel qu’il est devenu face au monde qu’on a voulu et qu’on souhaite toujours mais autrement…

Caractère et contour de l’initiative

Une journée de présentations et débats, par des experts et des acteurs politiques ou sociaux ; fin juin, dans un lieu qui s’y prête (Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord).
L’initiative mêlera outre les présentations orales, des extraits de films, des images ou photos, des bandes sonores, etc. Cela se traduira par le fait d’intercaler entre les interventions des pièces de ce type se rapportant aux thèmes concernés.

Programme indicatif

Samedi matin (10h-12h30) : Le monde va changer de base…
Séance introduite et animée par Patrick Le Moal
– Hasta la victoria siempre ? Le chaudron latino-américain. L’Amérique latine connaît après guerre une montée des luttes qui culmine avec la victoire de la révolution cubaine en 1959. Cette dernière va à son tour, non seulement encourager l’émergence de mouvements radicaux sur le continent, mais aussi devenir une référence dans le monde entier. Pourtant, le coup d’État au Brésil en 1964 et la répression du mouvement étudiant mexicain en septembre 1968, montrent qu’une brutale contre-révolution est en marche qui culminera avec les coups d’État militaires au Chili, en Argentine, en Uruguay et le plan Condor.
Intervenante : Janette Habel
– Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Le printemps de l’Europe centrale. En janvier 1968, l’élection du réformateur Alexandre Dubcek au poste de Secrétaire général du PCT, répond au vent de fronde qui soulève étudiants et intellectuels en 1967. Pendant quelques mois, le « printemps de Prague » (et de Brastislava) donne le sentiment qu’une réforme interne du système mis en place à l’Est est possible. L’intervention des troupes du pacte de Varsovie, le 21 août 1968 et la mise au pas brutale de toute la société, enterre cet espoir, à l’Est comme à l’Ouest, accélérant la crise des partis communistes. En 1980, la naissance de Solidarité en Pologne mettra le mouvement de libération sur une toute autre voie.
Intervenant : Jean-Yves Potel
– Créons un, deux, trois Vietnam : Indochine vaincra ! Le Vietnam, catalyseur mondial. Dès 1965, l’intervention massive des États-Unis contre le Vietnam du Nord et le Front national de libération au Sud, va devenir la référence des luttes dans le monde entier. En 1968, l’offensive militaire du Têt est une gifle pour la première puissance mondiale et va la contraindre à négocier. Pour les Vietnamiens, qui doivent pagayer dans la rivalité sino-soviétique, c’est une victoire politique mais une défaite militaire qui va peser lourd. Mais le cours suivi après la victoire d’avril 1975 et la réunification , puis la révélation du régime des Khmers rouges, ferme temporairement l’horizon d’espoir.
Intervenant : Pierre Rousset
– Du « Maggio strisciante »  aux « années de plomb » : l’expérience italienne. 
C’est sa durée sur près d’une décennie qui va donner aux mobilisations italiennes ce nom de « Mai rampant » par contraste avec l’intense brièveté de Mai-Juin 68 en France. En outre, manifestations, grèves et occupations d’usines ou d’universités, verront en Italie cette unité ouvriers-étudiants que ne connaîtront pas les autres pays occidentaux touchés par la vague de contestation. Mais c’est aussi une décennie de violences qui va épuiser le mouvement et la société tout entière. L’extrême-droite, infiltrée au plus haut de l’État, multiplie les attentats qui culmineront avec celui de la gare de Bologne en 1980 ; une partie de l’extrême-gauche passe à la lutte armée, l’enlèvement et le meurtre d’Aldo Moro par les Brigades rouges en 1978, scelle la mort des espoirs nés de 68.
Intervenante : Isabelle Richet

Samedi après-midi (14h-16h) :  l’orage de Mai 
Séance introduite et animée par Francis Sitel
– Sous les pavés de Mai  : anatomie d’un événement. Comment appréhender l’événement « Mai-Juin 68 » ? Cette séquence délimitée dans le temps – les deux mois du printemps 68 – s’inscrit dans une période longue qui va de la fin de la guerre d’Algérie à l’élection de François Mitterrand en 1981. Ceux et celles qui veulent neutraliser sa portée subversive en font un vague happening géant mis en œuvre par une jeunesse vite rentrée dans le rang. A l’inverse, la droite et l’extrême-droite le vouent au gémonies y voyant la mère de toutes les turpitudes. La perception et les vies successives de  68 reflètent l’évolution de notre société sur ce demi-siècle. L’essentiel est de revenir aux sources de l’événement, à la grève générale et aux espoirs de révolution, à la promesses de changer la vie, vraiment.
Intervenante : Ludivine Bantigny

– Quand Renault éternue, la France s’enrhume : de la Forteresse ouvrière à Uber, adieu au prolétariat ou mutations du salariat ? Mai 68 est la plus grande grève générale qu’a connue la France à ce jour. Les mutations économiques et sociales du pays après guerre donnent à la classe ouvrière une force inégalée jusque là. La prolétarisation des jeunes ruraux, la montée en puissance des techniciens et du tertiaire, alimente un vaste débat sur la « nouvelle classe ouvrière ». Parallèlement, de profondes mutations sont à l’œuvre dans les secteurs traditionnels. Perceptibles dans les mines dès 1963, elles scellent le sort de la sidérurgie en 1979. La fermeture de l’usine Renault sur l’île Seguin en 1992 en est l’épilogue.
Intervenante : Fabienne Lauret

– Levons-nous femmes esclaves ! le féminisme, fille de 68. Si mai-juin 68 ne connaît aucune mobilisation féministe, si les leaders du mouvement sont uniformément masculins, le mouvement des femmes surgit dans la foulée de l’événement. Importance nouvelle des femmes dans le salariat, augmentation du nombre d’étudiantes, débuts de la planification familiale… autant de signes avant-coureurs qui, à partir de 1970, vont faire éclore un mouvement féministe multiforme. Réflexion théorique sur le patriarcat, mobilisation de masse autour du droit à l’avortement, solidarité internationale avec le Chili ou l’Espagne, volonté de construire un courant lutte de classe… malgré sa richesse, le mouvement va se déchirer à la fin des années 70. L’inscription du sigle « MLF » comme marque déposée en 1979 en est le pathétique symptôme.
Intervenante : Josette Trat

– La jeunesse est la flamme de la Révolution  : une couche sociale à l’assaut du ciel (et de la terre). Entre 1962 et 1968, le nombre d’étudiants a doublé ; la population ouvrière et celle des employés de bureaux des nouvelles sociétés de service est en plein essor et, en son sein, la jeunesse imprime sa marque culturelle et politique. Le chahut qui accueille Georges Séguy le 27 mai à Billancourt quand il énonce la proposition d’accord avec le patronat, en est le témoin sonore. Surtout la profonde transformation du mouvement ouvrier syndical et des partis politiques, qui traditionnellement le vertèbrent, annonce un bouleversement du paysage politique où l’horizon de la Révolution ressort des brumes, avec son cortège d’enthousiasmes ravivés et d’illusions déçues.
Intervenant :Robi Morder

Débat final (16h 30- 18h 30)
Ce n’était qu’un début, le combat devrait continuer… mais comment ?

Débat autour des grandes questions politiques et stratégiques posées par Mai-Juin 68 :
La grève générale est-elle une stratégie ? Comment est posée la question du pouvoir politique ? Les rapports partis-syndicats sont-ils de subordination ou de compétition dans une crise ? Pouvait-on envisager une issue politique transitoire à la crise ? etc.

Participants :
• Annick Coupé
• Pierre-François Grond
• Alain Krivine
• Charles Piaget
• Christine Poupin

Débat introduit et animé par Charles Michaloux (pour la Société Daniel Bensaïd).