La Commission européenne a lancé fin 2019 un Pacte vert (Green Deal en anglais). Celui-ci prévoit de décliner thématiquement et sectoriellement nombre de législations censées mettre l’Europe sur la voie de la neutralité carbone et de la préservation de l’environnement. Ces mesures sont largement insuffisantes pour atteindre l’objectif de limiter l’augmentation de la température à 1,5°C et enrayer l’effondrement de la biodiversité. Toutefois, c’est un bougé non négligeable de la part des élites européennes et, pour résumer à grand trait, un début de verdissement du capitalisme européen. C’est dans le cadre du Pacte vert qu’a, par exemple, été adoptée la loi climat qui prévoit la neutralité carbone pour 2050.
C’était sans compter sur la radicalisation toujours plus forte de la principale famille politique du continent, le Parti populaire européen (les LR en sont membres). En effet, suite au revirement spectaculaire du PPE (le PPE ayant soutenu jusque-là, tout en les affaiblissant, la plupart des textes du Pacte vert : directive sur les énergies renouvelables, réforme du marché carbone, etc.), les textes qui n’ont pas encore été adoptés sont mis en danger. Le PPE, qui a longtemps gouverné l’Union européenne en alliance avec les sociaux-démocrates et les libéraux, se tourne maintenant de plus en plus clairement vers sa droite et en particulier vers l’ECR, le groupe des conservateurs et réformistes (qui compte dans ses rangs Giorgia Meloni ou le PiS polonais). Chose cocasse : désavouant au passage la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, instigatrice du Pacte vert, elle aussi issue du PPE.
Au-delà de cette évolution politique, l’argument utilisé est qu’avec la guerre en Ukraine et les conséquences à long terme de la pandémie, il ne faut pas mettre en péril la sécurité alimentaire en adoptant des normes environnementales plus protectrices, normes qui irait immanquablement au détriment de la productivité. De plus, dans ce contexte incertain, il ne faut pas rajouter de l’instabilité et laisser du temps aux entreprises de s’adapter aux évolutions législatives récentes. Faisant fi des alertes scientifiques, le PPE a, pour justifier son changement de cap, allègrement recours aux fakes news, opérant par là même un début de virage trumpiste.
La première victime collatérale de ce revirement est la loi sur la Restauration de la nature. En résumé, elle prévoit des mesures contraignantes et des objectifs chiffrés de restauration de tous les écosystèmes dégradés (écosystèmes terrestres, marins, côtiers, lacustres, etc.). C’est le premier texte sur la biodiversité depuis la directive Habitats de 1992, soit la première proposition législative sur la biodiversité depuis 30 ans. Le texte sera voté mercredi 12 juillet au Parlement européen. Il y a un risque non nul qu’il soit rejeté, chose rarissime. Ce rejet serait le résultat de l’alliance du PPE et des groupes de droite extrême (ECR) et d’extrême droite (ID). A noter que pour l’instant, une majorité du groupe Renew, dont fait partie Renaissance, soutient le texte, malgré l’appel de Macron à une « pause » sur les normes environnementales.
Si la loi sur la restauration de la nature venait à être rejetée, cela mettrait un sérieux coup d’arrêt au Pacte vert – même si largement insuffisant, comme dit plus haut. Cela créerait par ailleurs un précédent dangereux et pourrait interrompre les propositions de limitation de l’usage des pesticides et de réglementation des produits chimiques.
Alors que les preuves scientifiques s’accumulent, tant sur l’accélération du dérèglement climatique que sur l’effondrement de la biodiversité, ces évolutions politiques au niveau européen, lourdes de conséquences, peuvent servir de levier, par effet miroir, pour internationaliser le mouvement climat et intensifier la pression populaire.
Pierre Marion