Alors que les admissions en réanimation se multiplient, nous affirmons la nécessité d’un passe sanitaire.
A entendre certains des syndicalistes et des dirigeants politiques, s’ils rappellent qu’ils sont pour la vaccination générale pour combattre la pandémie, ils s’affirment contre le passe sanitaire.
On est en pleine confusion et ambigüité.
1) On confond cette loi de Macron (même corrigée par le Conseil Constitutionnel) et le principe d’un passe sanitaire comme protection sanitaire et moyen utilisé pour rendre la vaccination quasi généralisée avant d’être contraint de la rendre obligatoire .
Voter contre la loi même amendée est une évidence pour les raisons rappelées (en particulier la remise en cause du droit du travail et les conditions du contrôle etc..), donc pour ses modalités d’application, sa conception macronienne. Ce sont elles qu’il faut contester, cet arbitraire, cette impréparation, ce refus de revenir sur les erreurs des mois passés, mais pas le principe d’un passe sanitaire.
Les arguments contre le passe sanitaire de façon sont souvent hypocrites, ils limitent et reportent l’extension de la vaccination, alors que tout le monde peut constater que c’est grâce à son annonce qu’elle a fait un bond en avant. Constatons que le passe sanitaire a d’ores et déjà conduit des millions de personnes à se faire vacciner. C’est une mesure de protection sanitaire.
2) Se rend-on compte de l’incohérence qu’il y a à réclamer une obligation générale de vaccination pour s’opposer ensuite à une mesure – le passe sanitaire- au motif qu’il serait discriminant ? Mais discriminant pour qui ? Notamment pour les soignants ! L’obligation de vaccination pour les personnels des hôpitaux, des EHPAD et des soins à domicile serait contestable alors que l’on sait que dans les EHPAD des soignants non vaccinés ont contaminé des résidents âgés, tout en empêchant leurs parents de les approcher. Si un visiteur rend visite à un(e) patient(e) ou à un résident en EHPAD il est assez normal qu’on souhaite vérifier qu’il n’y amène pas avec lui le virus. Donc s’il n’est pas vacciné, qu’il fasse un test (15 minutes). Faire un test gratuit est-il une atteinte aux libertés ? Par contre si on exige qu’il soit vacciné, il faudra lui demander de revenir dans 5 semaines (s’il accepte la vaccination)…
Prendre soin de personnes fragiles, malades, qui vous confient leur santé est-il un service comme un autre ? Qui est prêt à une intervention médicale auprès d’un(e) soignant contaminé(e) ? Que dirait l’un(e) d’entre nous si hospitalisé(e) pour une maladie non Covid , elle (ou il) y attrapait la Covid transmise par un soignant ? La première règle éthique d’un soignant est « ne pas nuire ». La Covid nosocomiale relève d’une faute professionnelle.
3)Une critique des décisions des syndicats du secteur de la santé est justifiée et nécessaire
Des responsables syndicaux et politiques réclament une autre politique de santé publique, très bien. CGT et Solidaires appellent à la grève, ils demandent l’abrogation de l’obligation vaccinale, du passe sanitaire dans les établissements de santé ainsi que plus de moyens pour les hôpitaux. Alors que la question est l’accès à la vaccination pour les populations éloignées du système de santé pour des raisons sociales, psychologiques, culturelles. Mais qu’ont fait ces organisations syndicales pour aider les associations luttant contre l’exclusion sociale aggravée par la pandémie ? Ont-elles aidé à organiser des collectifs de quartiers, de voisins au pied des immeubles, dans les quartiers marginalisés auprès des plus vulnérables, des précaires comme c’est le cas dans de nombreux pays du sud ?
En Algérie, en Amérique latine, en Asie les mouvements sociaux, les associations prennent en charge les bouteilles d’oxygène, les transports des malades y compris en associant des soignants, malgré l’insuffisance dramatique des vaccins. Réclamer la levée des brevets, sans populariser et sans reproduire ces expériences (ce qu’ont fait par contre certaines associations, la CIMADE entre autres auprès des migrants), n’est-ce pas peu cohérent ? Le travail d’éducation populaire et de mobilisation en faveur de la vaccination n’a pas été réellement pris en charge par les organisations syndicales se contentant trop de surfer sur les peurs de la vaccination pour appeler à des rassemblements et à de rituelles journées d’action.
Certes, les personnels soignants sont épuisés après dix-huit mois de lutte contre le virus, les démissions se sont multipliées, le fiasco du Ségur de la santé est dans tous les esprits. Tout cela doit être pris en compte mais cela ne peut laisser aucun doute quant à l’impérieuse nécessité pour les soignants de se vacciner. Pensons aux presque 120 000 morts de ce pays.
4) On est confronté à une crise sanitaire, économique, sociale et écologique de longue durée. Des variants plus graves prolifèreront tant que le pourcentage des vaccinés n’atteindra pas le seuil d’immunité collective. Les signataires de la déclaration au Conseil Constitutionnel ne semblent pas en avoir pris conscience, comme si nous avions tout le temps devant nous.
5) L’obligation vaccinale générale sera peut-être nécessaire dans 2 ou 3 mois pour obtenir le taux très élevé nécessaire à l’immunité collective. La décision actuelle d’obligation vaccinale serait prématurée et très difficile à appliquer en radicalisant encore plus les opposants aux vaccins. Pour faire respecter cette obligation ,il faudra un « pass vaccinal ». Plus compliqué que le pass’ sanitaire. Quel contrôle ? Pour quelles sanctions ? Qu’est-ce qu’on fait d’ici là avec la flambée de Delta ? On se contente de montrer que les réanimations se remplissent en majorité de personnes non vaccinées ? Dans cette affaire, le PS fait de la surenchère à peu de frais. On n’est pas forcé de lui emboîter le pas.
6) Macron a scandaleusement politisé à son profit la vaccination lors de son discours du 12 juillet en y mêlant son programme de réformes libérales. Il a évoqué des menaces de prison et de licenciements alors que les responsables de la liquidation des stocks stratégiques n’ont pas été sanctionnés, et alors qu’il a poursuivi la politique néolibérale d’affaiblissement continu de l’hôpital public, intensifiée depuis 2008. Il est absurde de considérer le consentement à la vaccination et à des mesures de protection sanitaires comme une approbation de la politique indigente, arbitraire et autoritaire du gouvernement.
En chevauchant la mobilisation contre la vaccination et/ou contre le pass’ sanitaire, Jean Luc Mélenchon et la « gauche insoumise » se fourvoient. Ils font un cadeau politique inespéré à Macron en le faisant apparaître comme un Monsieur pro-vaccin responsable, et travaillent, sans le vouloir, pour sa campagne présidentielle. Il serait certainement plus judicieux de mettre en lumière tous les aspects injustes, voire parfois absurdes, des mesures prises dans l’incohérence et l’opacité par Macron et son gouvernement depuis le début de la pandémie et de développer des mobilisations sur des mots d’ordre précis et concrets qui iraient au-delà de la revendication rituelle d’une autre politique de santé.
Mathieu Dargel et Hélène Poirier.