Instagram RSS

La lutte des Kurdes au croisement de trois questions

Samedi 7 janvier , des dizaines de milliers de manifestant.es ont défilé à Paris (pour le nord de la France) et à Marseille (pour le sud, photo), pour réclamer la justice et la vérité sur l’assassinat des trois dirigeant.es kurdes assassinées à Paris le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz (Sara), Fidan Dogan (Rojbîn)et Leyla Saylemez (Ronahî). Une cinquantaine de militant.es de Montpellier étaient là à Marseille. La mobilisation pour ce triste anniversaire (10 ans) a été percutée par un nouveau triple attentat commis le 23 décembre dernier à Paris.

Le crime d’il y a 10 ans n’a toujours pas été élucidé. L’assassin – dont l’appartenance à l’extrême-droite et les liens avec les services secrets turcs ont été avérés – étant rapidement mort en prison, les poursuites s’étaient éteintes. Réouverte en 2019 pour “complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle”, l’enquête se heurte depuis au refus du gouvernement français de lever le secret défense sur des documents cruciaux pour poursuivre les commanditaires de ce triple meurtre. Durant ces dix années, les autorités françaises n’ont même pas eu la décence de recevoir les familles des victimes ni les organisations kurdes, contrairement à ce qui est le cas dans n’importe quel autre crime terroriste. Pourquoi l’État français protège-t-il les commanditaires du triple assassinat en maintenant le secret-défense? Que cache-t-il sur ses propres défaillances? La France a donc failli doublement : dans son obligation de juger les criminels, et dans son obligation de protéger les réfugiés politiques qui vivent sur son sol.

En décembre dernier, pour la 2e fois en dix ans, des militant.es politiques kurdes sont assassiné.es en plein Paris. Parmi eux, Emine Kara (Êvîn Goyî), ancienne combattante des YPJ contre DAESH en Syrie, blessée à Raqqa en 2019, vivant en France depuis 2020. Scandale absolu, la France lui avait refusé le statut de réfugiée politique. Et le gouvernement s’est dépêché de déclarer que le triple assassinat était l’oeuvre un homme isolé et a refusé de saisir la cellule d’enquête anti-terroriste. Or il s’agit bien d’un attentat, clairement raciste, commis par l’extrême-droite ! Commis à l’heure où devait se tenir une réunion importante pour préparer la manifestation du 7 janvier sur les crimes d’il y a 10 ans. La coïncidence est pour le moins troublante….Savoir si le meurtrier a été ou pas instrumentalisé par les loups gris ou les services secrets turcs, ou les deux, est donc essentiel ! Il y a là un nouveau déni de justice criant.

Alors oui, les Kurdes sont en colère, et leur colère est légitime.

D’autant que sur le plan international, en Turquie, En Irak, en Iran, ils sont victimes d’attaques répétées dans le silence coupable de l’ONU et des puissances occidentales, leurs anciens alliés dans la lutte que les Kurdes poursuivent contre DAESH. En Syrie, Erdogan bombarde à nouveau le Rojava depuis 2 mois, empêchant cette région de se stabiliser, de se développer, et déclenchant une nouvelle vague d’exilés. Là aussi l’état français est complice de ces crimes par son silence. Or c’est là, que depuis 10 ans se déploie la Fédération démocratique du Nord de la Syrie, un projet politique unique dans la région, féministe, social, écologique et démocratique que nous devons défendre de toutes nos forces. La solidarité internationale, qui est une de nos valeurs essentielles, doit se déployer à nouveau, en particulier avec le peuple kurde. Nous sommes internationalistes, ce qui se passe dans le reste du monde nous concerne. En ces temps de crise écologique, de difficultés sociales, de montée de l’extrême-droite qui parade et frappe dans nos villes, regardons aussi ce qui se passe ailleurs. Il est de notre responsabilité de défendre et protéger la révolution au Rojava, de défendre les réfugiés Kurdes qui vivent en France, de leur exprimer de façon très concrète notre soutien et notre entière solidarité, pour réclamer ensemble :

  • l’arrêt immédiat des bombardements de la Turquie au Rojava et au Nord et à l’Est de la Syrie
  • l’arrêt de la guerre et de l’utilisation d’armes chimiques contre la résistance kurde au Başûr (Kurdistan Irakien)
  • la solidarité avec la révolution des femmes du Rojhelat (Kurdistan Iranien) et d’Iran
  • Le retrait du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) de la liste des organisations terroriste de l’UE
  • la libération d’Abdullah Öcalan et de tous.tes les prisonniers.res politiques en Turquie et en Iran.
  • la levée du secret défense pour l’enquête sur l’attentat de 2013
  • la saisie de la cellule d’enquête antiterroriste sur l’attentat de 2022

Delphine Petit