Avant d’entrer dans les détails, je vais rappeler le fonctionnement du GIEC qui a conduit à la production en 2021 d’une 6ème synthèse sur les bases physiques du changement climatique de plus de 6000 pages et en 2022 de ces conséquences sur les agroécosystèmes et les populations tout aussi volumineuse.
Créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’objectif du GIEC est de fournir aux gouvernements tous les informations scientifiques requises pour élaborer des politiques climatiques. Des milliers de scientifiques du monde entier contribuent aux travaux du GIEC. Pour les rapports d’évaluation, des experts donnent bénévolement de leur temps en tant qu’auteurs du GIEC pour évaluer les milliers d’articles scientifiques publiés chaque année, afin de fournir un résumé complet de ce que l’on sait des facteurs du changement climatique, de ses impacts et des risques futurs, et de la manière dont l’adaptation et l’atténuation peuvent réduire ces risques. Un examen ouvert et transparent par des experts et des gouvernements du monde entier complète le processus. Chaque rapport du GIEC passe ensuite par trois phases de relecture, une première par des experts, une seconde par les gouvernements respectifs qui nomment des experts de leurs pays (celle à laquelle j’ai participé) et une troisième par les gouvernements ne portant que sur le résumé. Ce processus long permet d’aboutir à un consensus.
Les changements climatiques actuels
Les augmentations observées des concentrations de gaz à effet de serre (GES) depuis environ 1750 sont sans équivoque dues aux activités humaines. En 2019, les concentrations atmosphériques de CO2 étaient plus élevées que jamais depuis au moins 2 millions d’années, et les concentrations de CH4 et de N2O étaient plus élevées que jamais depuis au moins 800 000 ans. Il n’y a plus de place pour les climato-sceptiques, du moins en science.
En conséquence, chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toutes les décennies qui l’ont précédée depuis 1850. En 2011-2020, la température à la surface du globe était supérieure de 1,09 °C à celle de 1850-1900, avec des augmentations plus importantes sur les terres (1,59 °C) que sur l’océan (0,88 °C). La vitesse d’augmentation de la température est sans précédent depuis 2000 ans au moins et les températures de la dernière décennie dépassent celles de la période chaude pluriséculaire la plus récente, il y a environ 6500 ans. Le niveau moyen mondial des mers a augmenté lui de 0,20 m entre 1901 et 2018 à un rythme jamais atteint depuis 3 000 ans et qui conduit à une acidification des océans inédite depuis 2 millions d’années.
Les projections futures
Ces changements ont déjà induit une augmentation de la fréquence des canicules, des inondations, des sécheresses et des cyclones, mais les projections faites avec les modèles climatiques dont nous disposons et qui rassemblent toutes les connaissances physiques et biologiques actuelles, sont encore plus inquiétantes. Par rapport à la période 1850-1900, la température de la surface du globe en moyenne sur la période 2081-2100 sera très probablement plus élevée de 1,0°C à 1,8°C dans le scénario de très faibles émissions de GES envisagé et de 3,3°C à 5,7°C dans le scénario de très fortes émissions de GES. La dernière fois que la température à la surface du globe a été maintenue à un niveau supérieur ou égal à 2,5°C à celui de 1850-1900 remonte à plus de 3 millions d’années ! Les précipitations devraient augmenter aux hautes latitudes, dans le Pacifique équatorial et dans certaines parties des régions de mousson, mais diminuer dans certaines parties des régions subtropicales et dans des zones limitées des tropiques. Une élévation du niveau moyen mondial de la mer approchant les 2 m d’ici 2100 et 5 m d’ici 2150 dans le cadre d’un scénario d’émissions de GES très élevées est possible, soit un niveau jamais atteint depuis 125 000 ans. Plus les changements sont importants, plus nous risquons de dépasser des points de basculement rendant les conséquences imprévisibles.
Les conséquences pour les agroécosystèmes et la santé humaine
Le changement climatique a déjà eu des effets de plus en plus irréversibles sur les écosystèmes terrestres et aquatiques. Environ la moitié des espèces se sont déplacées vers les pôles ou vers des altitudes plus élevées. Des centaines d’espèces ont disparues localement du fait de l’augmentation des extrêmes thermiques ou des sécheresses, avec des phénomènes de mortalité massive pour les forêts, comme dans l’océan. Les projections sont encore plus préoccupantes. Dans les écosystèmes terrestres, jusqu’à 40% des espèces seront probablement confrontées à un risque très élevé d’extinction pour un niveaux de réchauffement planétaire de 4 °C. Bien que la productivité agricole globale ait augmenté, le changement climatique a ralenti cette croissance au cours des 50 dernières années à l’échelle mondiale, les impacts négatifs se situant principalement dans les régions de moyennes et basses latitudes. Nous ferons aussi face à une réduction des rendements de la pêche et de la production aquacole. Les risques de maladies infectieuses devraient augmenter, en particulier le risque de dengue, ce qui pourrait mettre en danger des milliards de personnes supplémentaires d’ici la fin du siècle.
Les interactions avec les autres facettes du changement global
De plus, ces changements risquent d’être amplifier en raison d’autres aspects du changement global : crise la biodiversité, pollution chimique, épuisement des ressources naturelles… Nous savons que l’océan et les forêts atténuent le changement climatique séquestrant le carbone, mais selon les modèles les taux d’absorption de CO2 par ces puits devraient diminuer au cours de la seconde moitié du XXIe siècle, notamment du fait de la déforestation. Les villes intensifient localement le réchauffement induit par l’homme, et la poursuite de l’urbanisation, conjuguée à la fréquence accrue des extrêmes de chaleur, augmentera la gravité des vagues de chaleur. L’urbanisation accroît également les précipitations moyennes et abondantes au-dessus des villes et l’intensité du ruissellement qui en résulte. D’autre part, les changements d’usage des sols, la surexploitation des ressources naturelles, la perte de biodiversité, la pollution, et leurs interactions, diminuent la capacité des écosystèmes et des sociétés à s’adapter au changement climatique.
Capital contre Nature
Le changement climatique est irréversible et nous devrons donc nous y adapter. Mais l’ampleur du changement (entre 1.5 et 6°C à l’horizon 2100) dépend de nos choix politiques. Établir un bon diagnostic est donc essentiel pour savoir quelles politiques nous devons mener demain afin (1) d’atténuer le changement climatique en réduisant drastiquement nos émissions de GES et (2) construite des sociétés les plus résilientes possibles pour s’y adapter. Sur ces aspects, le rapport du GIEC reste à la surface, car il ne pointe à aucun moment les causes profondes du changement climatique et plus généralement de la crise écologique.
Il existe selon moi un lien consubstantiel entre la naissance du capitalisme moderne et l’usage des énergies fossiles, qui constitue de le capitalocène[1]. En effet, la dynamique capitaliste suppose d’utiliser la marchandise et la force de travail comme vecteurs pour dégager une plus-value à partir de laquelle il est possible d’augmenter le Capital. La production de la marchandise est donc au cœur du capitalisme. Il n’existe pas d’augmentation du PIB sans productions de marchandises et donc sans usage massive d’énergie et de matière, ce qui est rendu possible avec des énergies fossiles faiblement couteuses. Une économie de services à faible empreinte écologique demeure une illusion, car aujourd’hui l’augmentation du CO2 et l’exploitation des ressources naturelles n’ont jamais été aussi fortes et ce en dépit d’une tertiarisation de l’économie. Les services requièrent toujours une dépense d’énergie, nous le voyons bien avec l’économie d’Amazon de Uber.
Pour sortir d’une économie prédatrice sur l’environnement, il est absolument nécessaire de ralentir le cycle Argent – Marchandise- Argent et donc de faire décroitre à terme le Capital. Il ne peut pas exister de capitalisme vert dans une planète aux ressources limitées. Sortir de cette logique mortifère dans laquelle nous a conduit la logique du Capital suppose un affrontement avec les classes sociales qui vivent, tels des parasites, de la circulation de la marchandise. Nous devons donc rompre avec la société de consommation pour réduire drastiquement nos consommations. Mais, il faut aussi profondément transformer nos modes de productions pour qu’ils aient une empreinte climatique et plus largement une empreinte écologique, plus faible qu’actuellement.
Un programme de transition écosocialiste
La rupture avec les logiques d’accumulation sans fin du capital et de grand déménagement du monde qui va avec, ne sera pas un long fleuve tranquille. Mais il faut bien commencer quelque part. Pour cela, nous avons besoin d’un programme de transition qui reprenne le contrôle de nos moyens de production en les sortant de la seule logique du Capital. Ceci nécessite des moyens d’actions publique pour organiser une planification écologique, qui organise la transformation en profondeur de nos modes de production et de consommation. Ce projet est cœur de l’Avenir en Commun programme de l’Union Populaire et de son candidat Jean Luc Mélenchon en 2022.
Pour réduire notre empreinte écologique, il faut d’abord diminuer les gaspillages de ressources et d’énergie, c’est la sobriété écologique. Dans l’AEC et les plans/livrets qui le complètent, nous proposons d’arriver à une consommation d’énergie primaire divisée par 3 d’ici 2050, par exemple isolant massivement les logements, en abolissant l’obsolescence programmée, afin d’allonger les durées de garantie légale des produits, en interdisant l’usage des plastiques à usage unique ou en créant un réseau national de recyclage. Nous proposons aussi de réduire les transports de personne en créant un pôle public des transports et de la mobilité, pour développer le ferroviaire les mobilités douces. Nous développerons les circuits courts pour réduire la circulation des marchandises et l’utilisation d’emballages avec la mise en place d’un protectionnisme écologique. Pour lutter contre les gaspillages, nous rendrons progressive la tarification des biens essentiels (eau, énergies, etc.), afin d’inciter aux bons usages et décourager les mésusages, avec des premières tranches gratuites.
Ensuite, pour changer nos modes de production, nous développerons des savoirs et qualifications utiles à la transition écologique et organiserons une planification du changement de notre mixte énergétique. Le nucléaire n’est pas la solution. Il présente des risques pour les populations qui augmentent avec le vieillissement des infrastructures ou les tensions géopolitiques et nous rend dépendant des pays producteurs d’uranium. Nous proposons donc de doubler l’éolien, pour atteindre en 2050 18 500 éoliennes et 3000 en mer et d’accroître le photovoltaïque (144 gigawatt installés, contre une dizaine aujourd’hui) en toitures, combrières, sans aucune installation sur terres agricoles ou espaces sauvegardés. Enfin, nous encouragerons les bioénergies (biomasse et biogaz) sans dégrader ni les forêts ou diminuer les surfaces agricoles.
Mais ce programme de transition se conjugue aussi à un programme social et démocratique ambitieux, car nous ne pouvons pas opérer une bifurcation écologique d’ampleur sans justice sociale et sans refondation démocratique de nos institutions par une 6ème République. Enfin, cette transition requiert un niveau d’affrontement élevé avec le Capital, pour se donner les moyens d’une planification de plus 200 milliards d’investissement dans la transition écologique. C’est ce que nous proposons avec la révolution fiscale proposée dans l’Avenir en commun.
Le vote Jean Luc Mélenchon le 10 et 24 avril !
Nous sommes à un moment charnière de l’humanité où l’instabilité géopolitique, s’ajoute à une pandémie en fragilisant encore plus des sociétés déjà divisées par le racisme et les inégalités sociales, alors même que les enjeux écologiques n’ont jamais été aussi importants. Nous n’avons pas le choix, nous devons dès maintenant entamer la bifurcation de notre modèle économique et sociale. Évidemment, tout ne passera pas par les élections et rien ne se fera sans l’action du plus grand nombre dans l’élaboration des alternatives concrètes ou les luttes sociales et écologiques. Mais il est urgent de reprendre le gouvernail à ceux qui actuellement conduisent la société dans le mur avec comme seul objectif la maximisation des profits de leurs amis.
Aujourd’hui Jean Luc Mélenchon et le programme de rupture démocratique, sociale et écologique qu’il porte est à portée de voix du second tour. Ne laissons pas passer cette opportunité. Mobilisons-nous partout où c’est possible et d’abord dans la rue le 20 mars à Paris à 14h à la Bastille et le 27 mars Marseille au Prado. Une fois au second tour, tout devient possible, car la situation politique est extrêmement instable. Si en 2022 un gouvernement de rupture sociale et écologique parvenait au pouvoir en France, il est encore permis d’espérer que nous pourrons construire un monde de paix, où la solidarité et l’imagination des hommes nous permettrons d’atténuer le changement climatique et nous -y adapter de manière à ce que les plus pauvres ne payent pas une fois de plus le prix fort.
Le vote Jean Luc Mélenchon n’est pas seulement un vote utile pour éviter que la politique de haine soit au second tour de l’élection présidentielle, c’est aussi un vote d’espoir pour que nous entamions tous collectivement, la grande révolution écologique et sociale, dont notre planète a tant besoin.
Hendrik Davi
Directeur de Recherche en Écologie Forestière
Co-rédacteur du livret Enseignement Supérieur et Recherche de l’Union Populaire
Membre du Parlement de L’union Populaire
Chef de file dans la 5ème circonscription des Bouches du Rhône à Marseille
Membre d’Ensemble Insoumis
[1] voir « L’anthropocène contre l’histoire » d’Andreas Malm