Le débat au Danemark à propos de l’Union européenne tend à se résumer à la question « Pour ou contre ? » En dernière instance, il s’agit de se demander s’il faut demeurer dans l’UE ou la quitter, mais le plus souvent, la discussion porte sur le pouvoir de l’UE (en a-t-elle trop ou pas assez ?), et donc sur le niveau de décision politique, européen ou national.
Le scepticisme des électeurEs vis-à-vis de l’UE s’est reflété dans plusieurs référendums à propos des options de retrait du pays [exceptions au droit de l’UE]. Depuis 1993, le Danemark a pris des options de retrait concernant la défense et la sécurité, la citoyenneté, la police et la justice, et l’adoption de l’euro.
Rupture internationaliste vs démagogie xénophobe
Plus récemment, en 2015, un référendum a été organisé pour transformer les options de retrait totales du Danemark sur les questions domestiques et judiciaires en options de retrait avec des possibilités d’appliquer certaines politiques au cas par cas. Malgré le soutien de l’ensemble des partis dominants, la proposition a été rejetée par 53 % des votantEs. On se souviendra également qu’en 2000, les électeurEs avaient rejeté l’adoption de l’euro à 52 %.
Les électeurEs ont toujours été beaucoup plus critiques que les partis politiques quant aux transferts de pouvoirs et de compétences au niveau européen. C’est pourquoi la plupart des partis de l’establishment, qui soutiennent l’intégration européenne, sont très hésitants à afficher un profil « UE-friendly » de peur de perdre des électeurEs.
Au Parlement, l’opposition aux politiques de l’Union européenne est notamment représentée par la gauche radicale avec l’Alliance rouge et verte (RGA), mais aussi par la droite xénophobe du Parti du peuple danois (DPP). La RGA dénonce les politiques pro–capitalistes de l’UE dans tous les domaines (économie, environnement, travail, migrantEs, etc.), tandis que le DPP fonde son hostilité à l’UE sur une vision nationaliste, dénonçant le « tourisme du welfare » (c’est-à-dire les citoyenEs de l’UE qui résident au Danemark et en tirent des bénéfices sociaux), l’immigration et le manque de contrôle aux frontières. Et si le DPP permet au gouvernement de droite de bénéficier d’une majorité parlementaire, ses positions sur l’UE sont le principal obstacle pour une pleine participation gouvernementale.
De l’autre côté, la RGA défend une opposition internationaliste à l’UE. Elle se fixe comme objectif une sortie de l’UE, et a jusqu’à présent soutenu le Mouvement populaire contre l’UE lors des élections européennes. Le Mouvement a une députée européenne, également membre de l’Alliance rouge et verte. Lors des élections nationales à venir en juin 2019, la RGA présentera sa propre liste, en alliance avec le Mouvement populaire contre l’UE. En juin de cette année, la RGA a lancé une plateforme commune, en vue des élections européennes de mai 2019, avec La France insoumise, Podemos, le Bloc portugais, le Parti de gauche suédois et l’alliance de gauche finlandaise Vasemmistoliitto.
En présentant la plateforme, la porte-parole de l’Alliance rouge et verte, Pernille Skipper, a déclaré : « Nous avons besoin d’une direction complètement nouvelle pour l’Europe. Et nous avons besoin d’une coopération entre les pays, fondée sur la démocratie, la solidarité et la durabilité. Cela ne sera possible qu’avec un puissant mouvement européen de critique de l’UE, capable de proposer des réponses alternatives face à l’austérité de Merkel et Macron, ainsi qu’aux politiques inhumaines vis-à-vis des réfugiéEs, venues des populistes de droite. »
Avec les migrantEs
Lorsque des millions de réfugiéEs sont arrivés en Europe, des « Comités de bienvenue » ont été mis en place dans la plupart des villes danoises, fournissant un soutien juridique et matériel. Ces réseaux existent toujours mais, avec la baisse drastique du nom de réfugiéEs arrivant au Danemark, leurs activités de soutien se sont considérablement ralenties. Le défi est de se mobiliser contre les politiques impitoyables vis-à-vis des réfugiéEs mises en place par le gouvernement danois, qui font voler en éclats les conventions internationales. Le ministère des Réfugiés affiche fièrement sur la page d’accueil de son site internet le nombre de mesures restrictives adoptées depuis que le gouvernement s’est mis en place en 2015, qui sont aujourd’hui au nombre de 98. La plupart de ces mesures ont été soutenues par les sociaux-démocrates, qui espèrent ainsi reprendre certains électeurEs au Parti du peuple danois. Ils ont même soutenu le gouvernement lorsque celui-ci a décidé de ne pas accepter le quota de 500 -réfugiéEs fixé par l’ONU.
Évidemment, les solutions à la crise des réfugiéEs doivent être trouvées aux niveaux européen et international. Les opposants à la politique migratoire actuelle sont toutefois sur la défensive et ont tendance à proposer des mesures spécifiques plutôt que de se préoccuper de solutions à l’échelle européenne.
De manière générale, l’attention du public se porte davantage sur les questions politiques nationales plutôt qu’européennes, entre autres et notamment en raison du fait que les prochaines élections parlementaires auront lieu dans moins d’un an, en juin 2019.
La directive de l’UE sur les travailleurEs détachés fait toutefois l’objet de discussions récurrentes depuis des années. Il y a eu beaucoup d’histoires concernant des gens venus de Roumanie, de Pologne et de Lituanie, payés une misère (voire pas payés du tout), parfois même maintenus dans des conditions proches de l’esclavage. Les syndicats sont, en outre, inquiets que les bas salaires tirent vers le bas les acquis obtenus dans certaines conventions signées avec les employeurs. C’est pourquoi ils font campagne pour une nouvelle règlementation européenne, qui assurerait aux travailleurEs détachés le même salaire que les travailleurEs du pays dans lequel ils se trouvent. Cette campagne a été soutenue par la Confédération européenne des syndicats (CES) et a poussé les institutions européennes à modifier la directive, faisant correspondre les salaires avec le lieu de travail. Il ne manque à l’heure actuelle que l’adoption formelle par le Conseil des ministres. Et on attend de voir quelles seront les conséquences concrètes, car les textes de l’UE sur la « liberté de circulation » (des capitaux et de la force de travail) pourraient amoindrir les droits des salariéEs. C’est pourquoi la CES et d’autres revendiquent aujourd’hui un protocole social attaché aux traités, une garantie nécessaire pour les conditions de travail des salariéEs.
Åge Skovrind, rédacteur en chef de Socialistisk Information, site web du Parti socialiste des travailleurs (SAP). Traduction J.S.