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Construisons l’avenir en commun

Un chapitre se clôt. Un autre s’ouvre.

Deux ans après l’élection présidentielle de 2017 un chapitre se clôt.  Des cartes s’en trouvent rebattues. Aujourd’hui, une partie des courants qui s’étaient retrouvés dans la dynamique  gagnante et s’étaient impliqués plus ou moins tardivement dans la construction de la France Insoumise doutent, marquent leur distance voire préconisent implicitement de faire autre chose et ailleurs. Qui des “cercles constituants», qui  un “big bang” de la gauche sociale et écologiste tandis que d’autres appellent chacune et chacun dans leur couloir au sursaut ou à converger au nom d’une unité présentée comme antagonique avec notre projet.  Avec comme effet paradoxal de fragmenter un peu  plus l’espace politique susceptible d’aider notre camp social à agir avec quelque efficacité.

C’est ainsi. Lorsque les temps deviennent durs, que le pouvoir oligarchique  ajoute  à une répression judiciaire et policière démesurée un acharnement à notre égard qui vise à nous détruire et qu’un revers électoral nous atteint, certains soutiens font défaut. Les critiques prolifèrent et ciblent en la personne de Jean Luc Mélenchon le supposé principal responsable de cette situation. Dans cet exercice,  la cohérence n’est pas toujours de mise,  comme  lorsque celles et ceux qui avaient émis d’infinies réserves à l’égard de la démarche « solitaire » du candidat JLM en 2017 et lui promettaient naguère un échec retentissant,  ne tarissent pas aujourd’hui d’éloges rétrospectifs  sur la capacité de rassemblement et d’entraînement de cette campagne.

Quel outil construire pour mener les combats politiques, sociaux, culturels, idéologiques et électoraux de la révolution citoyenne ?

Passons et essayons d’aller à l’essentiel : que faire aujourd’hui et quel outil construire pour mener au mieux les combats politiques, sociaux, culturels, idéologiques  et électoraux de la révolution citoyenne ? Cette réflexion tournée vers l’action  entend faire toute leur place au débat, au pluralisme et aux critiques. Certaines sont justifiées et ont déjà été prise en compte. Continuer ce travail servira à corriger les erreurs et à lever les obstacles qui font parfois  apparaître la France  Insoumise  en contradiction avec l’aspiration populaire à se fédérer. Les résultats des votes largement positifs  émis en faveur des textes stratégiques et organisationnels issus de l’assemblée représentative donnent des indications. Ils doivent être suivis d’une meilleure prise en compte de la parole de nombreux Insoumis et de nombreuses Insoumises notamment au sein des Groupes d’action qui sont  localement les premiers espaces d’engagement de notre mouvement.

Nous avons tout à gagner à faire vivre ce débat interne, entendre les critiques et les propositions, car ces équipes militantes insoumises sont au cœur de la revitalisation de notre mouvement. Favorisons l’action, le débat, les coordinations qui sont jugées nécessaires, sans être exclusives ou excluant es. Peut-être faudrait-il leur permettre de disposer d’un budget ou de choisir en leur sein des représentants. Laissons-nous porter par cet élan et ce souffle démocratique venus d’en bas. Ayons confiance en leur capacité d’invention et d’auto organisation.

Cette option d’une critique constructive est la nôtre. Avec toujours cette part de modestie qui ne laisse aucune place aux certitudes arrogantes, aux discours pontifiants, aux phrases et postures péremptoires. Elle ne saurait se confondre avec un dénigrement tourné vers de tout autres projets politiques et une toute autre stratégie. Lorsque se trouvent lancés des appels à constituer des comités locaux du big bang et à préparer sur ces bases des listes aux élections  municipales voire au-delà, il s’agit de bien autre chose que d’élargir et densifier le champ d’intervention de la France Insoumise. Le but n’est plus d’agir avec les militants  impliqués pour rendre notre mouvement plus efficace et plus démocratique. Il est de se détourner de l’objectif initialement choisi et de construire un autre mouvement. 

De quoi le projet politique de  « Big Bang » est-il le nom ? 

Tous les indicateurs montrent que passées les envolées lyriques et une fois ôtés les ornements rhétoriques, ce type de projet politique ressemble à s’y méprendre à un appel récurent à un rassemblement de la gauche de gauche pour lequel il a été déjà beaucoup donné sans parvenir à grand-chose. Ce sont les mêmes recettes surannées qui ont échoué au moins depuis 25 ans. Les coordonnées générales de la situation, l’évolution de forces politiques potentiellement impliquées dans un tel processus, comme l’absence d’un vaste mouvement social convergeant avec ces forces ne permet guère de penser, objectivement et subjectivement, que les conditions sont réunies pour se lancer dans une telle nouvelle stratégie ni même que cela peut avoir un effet positif pour notre camp social. Ce point nous semble d’importance tant il est vrai que si les conditions d’un dépassement quantitatif et qualitatif de la France Insoumise se trouvaient réunies, fut-ce au prix de sa refondation, il n’y aurait pas de raison valable de ne pas s’engager dans une telle direction.

Nous avons toujours défendu le caractère évolutif et expérimental de notre mouvement.  Mais n’avons-nous pas déjà testé  les convergences stratégiques possibles avec les principales forces politiques de cette mouvance ?  L’évolution du PCF écartelé entre la tentation identitaire , le radicalisme verbal d’un Ian Brossat et des accords passés avec le PS pour conserver des postes n’apporte-t-elle pas déjà une réponse ?  Cela n’exclut nullement bien sur des accords locaux dès lors que les lignes rouges que nous nous sommes fixées ensemble ne sont pas franchies et que l’horizon stratégique que nous avons défini ne s’en trouve pas altéré.  Le  cavalier seul et le triomphalisme affiché par EELV conjugués avec une conception de l’écologie assez peu en rupture avec le néolibéralisme permet-il  de réaliser une alliance compatible avec l’éco socialisme que nous voulons ? Au-delà d’une unité d’action bienvenue,  quel projet stratégique commun pourrions-nous dégager avec le NPA obstinément aligné sur l’orientation de Lutte Ouvrière avec les succès d’estime qui vont avec.

Des camarades objecterons peut être que leur cible se trouve davantage du côté des mouvements sociaux et écologiques. Mais en dépit d’une remarquable combativité et d’une proximité d’objectifs, ni les Gilets Jaunes, ni les mobilisations climat n’ont montré d’appétence particulière à se joindre à des forces politiques constituées.  Aucun imaginaire émancipateur ne peut se couper d’une stratégie crédible de conquête et d’exercice du pouvoir populaire sous peine de demeurer une pure chimère. D’où la question : qui rassembler, sur quelle base et pour quoi faire ? La réponse apportée par les initiatrices et initiateurs du big bang pour autant que l’on puisse comprendre quelque chose serait : surtout n’en parlons pas tant il est à craindre qu’aborder cela montrerait l’absence d’accord sur le fond et la dispersion des points de vue.

Mais alors si l’on ne cause ni programme, ni stratégie, ni alliance réelle, n’y a-t-il là une perspective de dépassement de la France Insoumise ?  Il est permis d’en douter. Selon certains,  un tel projet  rejoindrait l’idée de “fédération populaire”. A au moins une  nuance près qui est que celle-ci se fonde sur une convergence de contenu politique et de stratégie dont le “big bang” pour l’instant ne dit rien.. ou si peu. On gagnerait donc à dire clairement  les choses : s’agit-il  d’autre chose que de tourner la page de la France Insoumise pour tenter de recomposer un nouvel espace politique ? Le passé a montré que la première phase de ce type d’opération peut rallier des signataires aux attentes tout à fait sincères.   En gros tant que l’on ne discute ni programme, ni stratégie, ni élection, ni action  tout va bien. Quelques médias peuvent même ouvrir leurs colonnes et leurs micros pourvu que l’on tape sur JLM. La difficulté vient ensuite lorsqu’il ne s’agit plus de dire qu’il faut faire mais de faire. Aujourd’hui avec les rapports de force et le champ politique structuré comme il l’est, on voit mal quel espace pourrait être conquis.  

Débattre et agir dans la clarté.

Ce qui nous heurte ici est moins l’affirmation d’un autre projet politique par définition discutable que le double langage. Si des camarades ne se reconnaissent décidément plus dans la France Insoumise  – et c’est leur droit le plus absolu-  le plus logique n’est-il pas  de mettre en œuvre leur projet ? Voilà qui permettrait de formuler en positif ce qui est souhaité et  de mesurer  l’efficacité et la capacité de rassemblement d’une telle orientation. Ce qui  vaut mieux  que le dénigrement et la recherche un peu pathétique de l’oreille des médias.  S’il faut bannir de nos rangs toute culture de l’affrontement – dont nous  ne sommes pourtant qu’assez peu responsables –  s’il convient de mettre à distance la haine de classe que  suscitent le mépris et les agissements du pouvoir oligarchique, que l’on nous dise alors de quel langage policé user pour bénéficier de la compréhension des médias.  Le débat y gagnera  en qualité et le « juge de paix » de la pratique permettra d’y voir plus clair. Car il y a tout de même une certaine inconséquence  à prétendre à la fois faire le bonheur et sauver la France insoumise d’elle-même et agir en dehors d’elle, contre les orientations décidées et validées très majoritairement. Le tout en alliance avec ses opposant.e.s,  par ailleurs elles et eux même en désaccord complet  sur la ligne à suivre.

Initialement proches du mouvement Ensemble, nous nous sommes réjoui de voir par vagues successives une grande partie de ce mouvement  nous rejoindre. Profondément attachés aux principes d’auto organisation, nous sommes persuadés que la culture marxiste, autogestionnaire et éco socialiste qui est la nôtre peut constituer un apport précieux. Le texte fondateur d’Ensemble Insoumis affirmait ainsi : «   Il s’agit à nos yeux de concilier ainsi deux exigences complémentaires : le souci légitime de privilégier ce qui nous rassemble au sein de France Insoumise et la prise en compte de différents points de vue pour parvenir à la synthèse la plus aboutie. C’est une problématique que nous voulons aborder dans le double respect des cadres dont s’est dotée la France Insoumise et des aspirations démocratiques de celles et ceux qui la constituent à tous les niveaux. C’est là le sens des contributions que nous avons voulu soumettre à la réflexion collective à l’occasion de la Convention de Clermont de novembre 2017. Elles témoignent de notre volonté commune de partager la responsabilité de construire ensemble la FI en apportant notre part d’analyse et de propositions et en prenant notre part de tâches à accomplir. ».

Nous poursuivrons notre chemin.  

Nous déplorons aujourd’hui les comportements en rupture avec cet état d’esprit et le retour à des errements passés qui ne peuvent conduire qu’à la confusion et à l’impuissance. Nous invitons toutes celles et tous ceux pour qui cet engagement garde son sens à continuer à  travailler ensemble au sein de la France Insoumise dans un climat bienveillant et de respect mutuel.  Sans rien lâcher de nos convictions et de l’expression de nos différences, c’est ainsi que nous répondrons le mieux aux attaques sans précédent orchestrées contre le peuple. Si un bilan lucide des erreurs commises doit être fait , nos regards et nos énergies se tournent de façon prioritaire vers l’avenir et vers l’action.

Les défis sociaux, écologiques et démocratiques qui nous sont posés sont immenses. Ensemble et en lien étroit avec le mouvement social et écologique nous avons les moyens de les relever. Cela passe entre autre par la mobilisation la plus large et la plus intense contre la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP) par le vote citoyen en faveur d’un référendum. Une victoire remportée sur le terrain de la privatisation des espaces publics redonnera confiance et ouvrira de nouveaux horizons. Il en va de même de la question des retraites et pour tous les fronts de luttes sociales, écologiques et en faveur de l’égalité. Et cela passe aussi  par un grand effort militant de reconstruction d’une culture politique et militante, de nos manières de parler, d’intervenir, de co-construire si l’on veut regagner la confiance des classes populaires aujourd’hui majoritairement abstentionnistes ou tentées par le vote en faveur du Rassemblement national.

De nouvelles échéances politiques et électorales nous attendent dans les mois qui viennent. Les aborder au mieux passe à la fois par la revitalisation de La France insoumise et son évolution permanente vers plus de transparence, démocratie militante, d’efficacité dans l’action et comme outil au service de la souveraineté populaire. Cette évolution n’a rien d’abstrait ni de formel : elle constitue le chemin concret  qui permet de débattre, d’élaborer, de décider, de mettre en œuvre par l’action, de contrôler, de rectifier si besoin est. À tous niveaux, la libre confrontation des points de vue est nécessaire. Elle est indispensable pour que le choix de nos orientations soit bien celui de toutes et tous. Le cadre de l‘Avenir en commun et la stratégie de la révolution citoyenne nous permettent d’accueillir en ce sens toutes les bonnes volontés et tous les apports sincères, améliorer son fonctionnement et regagner le terrain perdu. L’heure n’est pas à une improbable « recomposition de la gauche » aux objectifs confus. Ouvrons-nous aux aspirations populaires. Multiplions les actions concrètes d’insoumission. Et commençons sans attendre à agir en ce sens partout où nous sommes.

Danièle Obono, Raphael Qnouch, Francis Vergne, Nadine Stoll, Roland Bellan, Nanie Bellan, Christian Causse, Jean Brafman, Christian Mazet, Georges Bollon, Regis Eyraud