Ils ont échoué. L’«assaut contre les palais» [le Congrès, le Tribunal suprême fédéral et le Planalto : résidence présidentielle] par les bolsonaristes a été battu. Il est maintenant temps d’avancer dans l’enquête, l’arrestation et la condamnation des responsables, sans hésiter, mais surtout, sans hésiter à propos du sort à réserver à Bolsonaro. Bolsonaro est le principal responsable de l’incitation au coup d’Etat, depuis des années, en toute impunité. La décision du gouvernement Lula de décréter une intervention fédérale pour assurer la sécurité de Brasilia, face à la menace de coup d’Etat, était juste. Ricardo Capelli, ancien président de l’UNE (União Nacional dos Estudantes), nommé le 8 janvier Intervenant fédéral pour le District fédéral, mérite d’être soutenu pour son initiative visant à mener à bien la répression immédiate nécessaire des bolsonaristes. La décision d’Alexandre de Moraes [juge du Tribunal suprême fédéral] de démettre Ibaneis Rocha du gouvernement du District fédéral [en fonction depuis le 1erjanvier 2019] était également correcte, afin de tenter de reprendre le contrôle de Brasilia. Mais la contre-offensive doit aller au-delà de la réponse institutionnelle. C’est dans la rue que nous devrons mesurer notre force contre le «golpisme».
Ce qui s’est passé hier était une insurrection, point final. Certes chaotique, insensée, obscure, mais une insurrection. L’objectif était le renversement du gouvernement Lula. Heureusement, il n’y a pas eu de mort. Ce n’était pas une manifestation de protestation. Il ne s’agissait pas de l’«explosion» incontrôlée d’une radicalisation spontanée. L’apparente «acéphalie» de la subversion ne doit pas masquer la responsabilité de ceux qui ont préparé [et financé aussi], organisé et dirigé la tentative de prise du pouvoir. Cette subversion obéissait à un plan. C’était une tentative folle de provoquer un soulèvement. Un soulèvement non armé, mais non moins dangereux pour autant. Elle a obéi au calcul délirant selon lequel une étincelle suffirait à certains généraux pour mettre des chars dans les rues. Le fait que l’étincelle n’ait pas généré un incendie avec la sortie dans les rues de troupes de l’armée prêtes à soutenir le coup d’Etat ne diminue pas la gravité du soulèvement. Et cela n’annule pas le danger que représente une sympathie policière et militaire évidente pour le mouvement bolsonariste. Une opération déconcertante, articulée, planifiée et, minutieusement, orchestrée, qui ne peut être sous-estimée. Découvrir qui a donné les ordres, donc qui a commandé: tel est le défi central de ces jours-ci.
Nous avons assisté, perplexes, étonnés et choqués, à l’incroyable facilité avec laquelle quelques milliers de fascistes, habillés en patriotes lors d’un défilé carnavalesque, escortés par la Police militaire (Policia Militar), ont envahi les bâtiments qui sont les symboles des pouvoirs de la République. Quelque chose, tout simplement, d’incroyable. L’invasion du Congrès national, de la Cour suprême et du palais du Planalto a démontré que l’impunité de l’extrême droite, après deux mois de rassemblements aux portes des casernes [rassemblements réguliers renouvelés] appelant à un coup d’Etat militaire, possède de graves implications. Le spectacle absurde et grotesque qui s’est déroulé pendant trois heures dans le centre du pouvoir de la capitale fédérale serait inexplicable sans la complicité des forces policières et militaires de Brasilia.
Les arrestations préventives sont inéluctables pour enquêter sur les organisateurs. Il existe des mandants dissimulés qui doivent encore être exposés. Mais, bien que progressistes, ces décisions sont insuffisantes. La «question militaire» n’est toujours pas résolue. José Múcio n’est pas apte à rester ministre de la Défense [Esquerda online mettait en question dès le 3 janvier le rôle du ministre qui déclarait les campements devant les casernes comme des «manifestations de la démocratie» et estimait qu’il fallait «les laisser mourir d’eux-mêmes», voir de même l’article d’Anne Vigna dans Le Soir du 9 janvier]. Le commandant de l’armée ne peut pas rester en fonction. Sera donc décisive la riposte de la mobilisation populaire qui doit commencer ce lundi 9 janvier, mais ne devra pas être interrompue.
La «débolsonarisation» doit être une stratégie continue. Une nouvelle phase s’est ouverte dans la conjoncture, une opportunité que nous ne pouvons pas manquer, suite au fiasco de l’aventure du coup d’Etat. Il est temps de lancer une contre-offensive sans relâche. Malheureusement, nous devons être conscients que la société brésilienne est encore très fracturée. La victoire électorale a modifié favorablement le rapport de forces politique. Mais seule la mobilisation sociale des masses sera en mesure d’imposer un meilleur rapport de forces social. N’oublions pas que la majorité de la bourgeoisie a soutenu Bolsonaro ces dernières années. Que les classes moyennes ont soutenu Bolsonaro. Que, bien que divisée, une partie importante de la classe ouvrière a soutenu Bolsonaro. Les provocations fascistes ne cesseront pas tant qu’il n’y aura pas de représailles. L’extrême droite doit être arrêtée. Dans une large mesure, l’aventure de ce dimanche 8 janvier était plutôt une «répétition générale». Les forces de l’extrême-droite ont basculé dans la crise suite à la défaite électorale. Bolsonaro lui-même s’est retiré démoralisé pendant deux mois et a quitté le pays [il se trouve à Orlando et a été hospitalisé le 9 janvier]. Mais les forces d’extrême droit n’ont pas encore été neutralisées, elles maintiennent des positions. Les fascistes voulaient démontrer à Brasilia qu’ils conservaient une force sociale, une ambition politique et une capacité d’action. Ils parient sur une accumulation de forces. S’ils ne sont pas réprimés par l’arrestation des responsables, en commençant par l’enquête visant Bolsonaro, ils reviendront. Il ne peut y avoir d’amnistie pour les crimes commis. Le gouvernement Lula doit s’engager, pleinement, dans la voie d’une lutte contre la provocation bolsonariste. La gauche, s’appuyant sur les mouvements sociaux, devra organiser une journée nationale de mobilisation en riposte. Les fascistes ne passeront pas !
Valerio Arcary. Article publié sur le site Esquerda online, le 10 janvier 2023. Traduction rédaction A l’Encontre.