A l’occasion du 8 mars, l’hebdomadaire Le Point a publié une tribune assez affligeante signée par Eric Ciotti (c’est le chef !) et vingt-six élues – députées, députées européennes, sénatrices, maires, responsables politiques – du parti « Les Républicains ». Dans un premier temps, les signataires rappellent tout ce que, en France, la droite « a fait pour les femmes » : le droit de vote, la loi Veil, la loi Neuwirth, la loi Coppé-Zimmerman (quotas de femmes au sein des conseils d’administration), etc. La présentation satisfaite de ces « avancées obtenues par la droite » est quelque peu amnésique puisque la tribune se garde bien de rappeler que ces avancées furent le plus souvent obtenues par les mobilisations féministes et, sur le plan parlementaire, grâce au soutien des élus de gauche et contre l’hostilité d’une partie significative de la famille politique dont les signataires se réclament. Ainsi, lorsque l’on écrit à propos de la loi de 1974 autorisant l’IVG qu’elle fût « courageusement portée par Simone Veil, sous l’autorité du président Giscard d’Estaing et du Premier ministre Jacques Chirac » sans même mentionner les tombereaux d’insultes déversées sur Simone Veil par les parlementaires de droite, on n’est plus très loin des « vérités alternatives » à la Trump.
Mais après tout peu importe : l’objectif de la tribune est tout autre. Il s’agit d’alimenter les obsessions racistes en réaffirmant encore et encore le mantra commun à la droite et à l’extrême droite, à savoir que « l’islamisme est la principale menace qui pèse sur l’émancipation féminine ». Ce 8 mars était pourtant consacré à célébrer l’inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » du recours à l’IVG. Comme à chaque fois en matière d’avancée des droits des femmes, celle-ci a été obtenue contre l’opposition d’une partie des amis d’Eric Ciotti (et de Marine Le Pen). Elle l’a été alors qu’à l’origine Emmanuel Macron n’y était pas favorable, lui qui au niveau européen s’est allié à Orban pour s’opposer à la définition du viol à partir du principe simple «c’est si pas oui c’est non ». Mais, au final, elle l’a été afin de rendre plus difficile son éventuelle remise en cause. Car ce droit est bel et bien remis en cause dans certains pays, notamment des pays européens ou appartenant au « camp occidental » comme la Hongrie, la Pologne, l’Italie, les Etats-Unis ou l’Argentine. Autant de pays où, à l’évidence, ce qui menace réellement et principalement les droits des femmes et leur émancipation n’est sûrement pas… l’islamisme !
Mais il est vrai que ces droits y sont bien menacés par l’obscurantisme religieux, celui de l’Eglise catholique et des églises évangéliques dans ces cas d’espèce. Peut-on sérieusement oublier qu’en France même, tous ces droits que nous célébrons aujourd’hui ont été arrachés parfois récemment contre l’Eglise et les partis politiques qu’elle influençait ? Comment oublier qu’en décembre dernier, l’évêque de Bayonne – pas un iman, pas un prêcheur « islamiste » … un évêque ! – qualifiait l’avortement « d’élimination pure et simple d’un être humain » ? Comment oublier que la Conférence des évêques a encore exprimé récemment sa « tristesse » après le vote du Congrès ? Cela nous ramène aux non-dits de la tribune publiée par Le Point : s’il y a bien un trait commun aux institutions – en particulier leurs différents clergés – qui incarnent les grandes religions monothéistes (juive, catholique, musulmane, réformée), c’est bien leur haine de la liberté des femmes. C’est là que réside la menace, dont « l’islamisme » n’est qu’une des composantes.
François Coustal