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Elargir la focale…

Il me semble qu’avant d’en venir à l’analyse de l’échec qui fut le nôtre, il importe d’élargir la focale.

1. Quand la gauche radicale est en recul dans toute l’Europe, c’est qu’il se passe quelque chose de plus vaste que des perquisitions chez Mélenchon. A l’exception du PT belge. Lequel, tout en restant très anti UE, a mis de l’eau dans son vin sur cette question précise, et surtout se réclame explicitement de la gauche et du communisme. Et, plus modérément, l’Alliance Rouge et Verte au Danemark. Donc « vive la référence à gauche » ? D’ailleurs Wagenknecht (plus « populiste » il n’y avait pas en Allemagne), elle, a tout simplement renoncé ! Mais voilà, ça n’a pas sauvé pour autant Die Linke (à gauche comme son nom l’indique), qui réalise un score désastreux en plein effondrement du SPD.

Et chez nous. Références marquées à la gauche : PC et Générations, voire Place Publique. Des succès ? Si Jadot a obtenu ses voix en éliminant clairement toute référence au clivage droite/gauche, dans l’Etat espagnol ce qui était la marque la plus notable de ce dépassement version sinon « populiste » du moins « citoyen » dans les Mairies conquises a été battu partout (et d’abord à Madrid – à Barcelone on n’a pas encore le fin mot, mais ce ne sera plus la même chose, plus plein d’autres, notre ami Maire de Cadiz y échappant il faudrait voir pourquoi);

2. Alors il faut d’abord prendre la mesure de rapports de force très dégradés. En France on peut le mesurer aux Gilets Jaunes. Ce qui se dit dans les enquêtes confirme, en gros, ce que nous savions. Pour ceux qui s’en disent « proches » et qui ont participé au vote, une grosse part (on dit 40 %) au RN, mais 20% quand même à la FI. Le triple de notre score total. Le problème est ailleurs. Ce mouvement si spécial est resté de bout en bout bien peu « radical ». C’est une erreur d’analyse d’y voir le début d’une révolution. Radical certes il l’est sur la forme (acceptant une certaine forme de violence de rue) ; certes il l’est sur « la démocratie » (le RIC). Mais pas au niveau d’une remise en cause des rapports sociaux où il est très en dedans. J’ai déjà répondu à ceux qui en voyaient une preuve dans le fait d’épargner le Medef et de s’adresser à l’Etat. Non ce n’est pas un argument recevable, puisque c’est le cas de tous « les mouvements des places » sans exception, et d’abord Los Indignados et Occupy Wall Street. Mais dans ce qui s’adressait à l’Etat oui, peu de remise en cause. La preuve. On demandait des services publics de proximité ? Mais alors que la privatisation de la SNCF datait à peine d’un an, aucune référence. Aucune demande de réforme « de structure ». Et pas un mot de la loi Travail, elle directement aggravée par Macron. Pour la première fois dans notre histoire des luttes en France un mouvement social d’une telle ampleur ne se traduit pas par une poussée à gauche, quelque soit son versant, réformiste, révolutionnaire et même « populiste ». Alors entrent en ligne les échecs récents : Loi Travail, SNCF, et une longue ribambelle. Cela entre en résonance avec des signes qui ne trompent pas : la nature de la crise de la CGT et ses impasses maintenues. Celle de l’UNEF. Les divisions sans fin sur « la laïcité ». Liste non limitative…

2 Rapports de force dégradés donc. Je pense que nous avons sous estimé l’impact de l’échec grec. Pas que les foules s’y soient particulièrement intéressées. Mais pour la première fois, on sortait des discours pour se confronter à une pratique gouvernementale. La gauche radicale a eu sa chance. Et a fait la preuve que ce qu’elle proposait était difficile à atteindre. Et pas seulement à cause de la trahison de Tsipras, à preuve il n’a jamais été contesté sérieusement sur sa gauche (et encore aujourd’hui quand il est défait c’est surtout par la droite). La marche paraît trop haute, voilà ce qu’ont compris tous les peuples d’Europe, renforçant le thème « pas d’issue radicale à gauche possible ». Reste donc la porte ouverte à ce qui apparaît plus à portée, le repli sur ce qu’on considère avoir encore à soi, autrement dit les thèmes généraux de l’extrême droite. La preuve par Salvini qui triomphe, par Orban, voire par le Brexit de Farage.

3. En est-il ainsi parce que « populistes » nous misons de trop sur « le ressentiment » et « la haine » ? Mais tous les soulèvements populaires ne sont-ils pas ainsi, portés par « la haine de classe » comme on disait dans le temps? En tout temps et en tout lieux, c’est l’indignation qui est première. On s’indigne d’abord puis on se lève et on voit disait notre ami Bensaïd :  » «L’indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s’indigne, on s’insurge, et puis on voit. On s’indigne passionnément, avant même de trouver les raisons de cette passion. On pose les principes avant de connaître la règle à calculer les intérêts et les opportunités: “Puisses-tu être froid ou chaud, mais parce que tu es tiède, et ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche”.»

Bien entendu l’indignation en elle-même ne change rien, elle peut porter à l’émeute, pas à la révolution. Laquelle exige des perspectives proprement politiques. Mais on ne peut s’empêcher de penser que certain-e-s parmi nous sont sincèrement persuadé-e-s que l’élaboration d’une telle perspective (donc par des forces dévouées à ce but) est au contraire la clé première. Bien entendu, on est tous d’accord : mieux vaut être riches et bien portants que pauvres et malades. Il nous faudrait donc un bon mouvement de masse, assez pur de préférence, respectant qui plus est sa diversité interne (politique, genre, race), avec une belle perspective de société nouvelle émancipée. Mais la question n’est pas d’aligner ce qu’il faut et qui manque. Mais de savoir comment y arriver. La leçon historique générale, jamais démentie, est que ce n’est pas le programme qui fait le mouvement (qui le produit), mais le mouvement qui en donne la possibilité. Ce n’est pas le manifeste situationniste qui fait le 68 étudiant, mais le mouvement qui montait qui permet de penser même un tel manifeste. La révolution d’Octobre elle-même se fait en jetant le programme âprement discuté des bolcheviques aux orties pour « Le pain, la paix, la Terre » et « le pouvoir aux soviets ». Aucun anti-intellectualisme pour autant. Car comme le dit Lénine, une référence pour une part d’entre nous, « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire » et oui il faut élaborer, sans cesse. Mais à condition dit-il ailleurs de produire « une analyse concrète d’une situation concrète ». Et enfin, comme c’est assez connu, il définissait une situation révolutionnaire par ceci que ceux d’en bas ne veuillent plus (l’indignation donc, le rejet, la colère justifiée par un ressentiment bien légitime) et que ceux d’en haut ne peuvent plus. Or, voilà : ceux d’en haut peuvent encore, et comment ! La marche paraît trop haute, d’où les difficultés de la frange radicale partout en Europe.

De plus nous en avons bien un de programme, comme d’ailleurs le PC ou Générations. Celui de la FI, l’Avenir en Commun, a bien suffi à supporter la campagne de 2017. Il est ce qu’il est, absolument compatible avec toutes les positions, celles de  Garrido aussi bien que celles de notre camarade Autain. Mais preuve que la question n’est pas là, et pas plus en général dans le manque de « positivité », il n’a suffi en rien en 2019 pour supporter les ruptures minimales que l’on souhaite. Pas de doute : la radicalité n’est pas au rendez-vous, ou pas assez. Peur de casser l’UE par exemple, malgré son rejet de plus en plus massif. D’ailleurs, malgré sa côte chez les Gilets Jaunes que nous avons tous pu mesurer, malgré le soutien de Chouard, regardons le score de Asselineau. Si réellement c’est parce que nous avons abandonné une perspective « populiste » se traduisant dans une dynamique de sortie sans faille de l’euro que nous avons échoué, alors les Asselineau, les Dupont Aignan, les Philippot auraient triomphé, et pas Le RN qui l’avait abandonné, non ?

4. Donc c’est plus compliqué que ce que nous lisons et entendons. Mais si on ne veut pas rester hypnotisés par la contemplation de réalités globales, si on veut savoir comment agir, il faut en venir à notre situation spécifique, en France. Ici nous sommes confrontés, dans ce rapport de force là, très dégradé, à un problème peut-être en partie nouveau qui, finalement, recoupe le débat « populisme » versus « gauche ». Une coupure sociologique qui saute aux yeux. Les racines du vote EE sont évidentes de ce point de vue. N’allez pas me faire dire que la question écolo est petite bourgeoise, je suis absolument convaincu du contraire. A preuve la facilité avec laquelle elle s’est imposée chez les Gilets Jaunes. Et toutes les tentations délétères de mettre ces questions de côté car pas assez aptes à « parler au peuple » doivent être rejetées sans hésitation aucune.

Non tout ceci est à prendre avec précaution. D’ailleurs, à en croire les sondages, si le RN triomphe dans les classes populaires qui ont voté, à peine 4% du vote JLM ouvrier s’est porté sur lui. Le reste s’est abstenu. Ce reste, « dégagiste » plus que « populiste », a été déçu par l’impossibilité de la FI de vraiment secouer le cocotier (c’est très clair dans les Quartiers Populaires de mon quartier). Tout pas en dehors du dégagisme renforce cette impression d’inutilité, mais si ce dégagisme reste sans effet (parce que voter pour nous n’y conduit pas) on voit bien que cette voie est sans issue. On voit là comment le « référendum anti Macron », qui n’avait rien d’illégitime sur le fond (critiquer Macron et l’Europe libérale en même temps, où est la contradiction ?) s’est retourné en partie contre nous. Et ça n’a rien à voir avec l’Europe, le souverainisme, etc : que ceux qui défendent ça viennent dans nos bureaux des Quartier Nord de Marseille, ils verront que ce n’est absolument pas la question !

On a pu avoir l’oreille « dégagiste » en 2017 parce que Mélenchon était fort, et que, comme il l’a dit la force va à la force. Et cette force nous ne l’avons pas eue, pas assez, dans toute une partie des couches populaires sur « une espérance » programmatique  mais bien sur le ressentiment et le rejet, en particulier de tout ce qui touchait au PS. Et alors ? Sauf qu’il fallait en faire quelque chose, c’est ça la vraie question. Et que faute d’y parvenir, c’est juste la déception qui subsiste. A cela il faut ajouter ce qui fait un danger encore plus grand. La lassitude, la déception peuvent conduire sinon à basculer du côté obscur, du moins à laisser faire. C’est comme ça que le FN Ravier a gagné dans un secteur de Marseille en 2014.

Pour nous, c’est la question principale. Comment reprendre pied dans les classes populaires ? Deux réponses qui n’en sont pas. L’une qui attend justement la réponse uniquement de celles-ci (prenez vos affaires en main !) alors que justement c’est de plus en plus difficile. L’autre est de penser que le discours, de préférence plein d’espoir, pourrait avoir une influence majeure. Pourquoi la Social Démocratie reprend du service ici et là ? Par son discours plein d’espérance. Ou parce que même à peine rosie, si elle amène un peu, on prend. Pourquoi le Bloco portugais s’en sort si bien ? Parce qu’il est directement utile dans son rôle de pression gauche de la Social Démocratie.

Le fond de l’affaire est là : prouver d’abord sa force avant de pouvoir atteindre l’oreille du peuple. Le mieux bien sûr est que cette force soit celle de la classe prolétariennne elle-même par ses luttes. Il y aura bien un jour où il en sera ainsi, mais c’est hors de portée pour l’instant, au moins de manière générale.

Force donc. Et aussi dégagisme et là l’affaire se corse parce que les possibilités (j’y viens) de reconstruire « une force forte » dépend de secteurs qui justement sont en partie toujours la cible du dégagisme, « la gauche » au sens général.

5. Ceci s’ajoute à une donnée évidente. Si on arrive à faire partager dans les manifs que la fin du monde et la fin du mois sont le même combat (et nul doute que c’est fondamental) la traduction concrète, dans les rapports de force réels, est loin d’être aisée. La radicalité n’est pas ici en cause : quand on pense vraiment que le monde en a pour 12 ans, difficile d’être plus radical dans sa tête. Mais alors le pas est encore plus énorme entre ceci et la politique révolutionnaire qu’il faudrait mener. Si bien que cette radicalité peut se traduire par « fermer le robinet » (et comment ne pas le comprendre ? Qui va faire la peau à Total et comment ?). Ou une multiplication d’actions concrètes en plus des manifs, mais toujours très loin de la rupture qu’il faudrait, puisque celle-ci devrait inévitablement toucher aux racines du capitalisme. D’où la nature du soutien sociologique à Jadot : poids de la prise de conscience « rationnelle » du problème (et je me répète là elle n’est pas si différente dans toutes les catégories populaires), mais un rejet des racines capitalistes de ce dernier trop faible parce que moins vécues dans ses conséquences sociales immédiates.

Là le choix est de saisir la profondeur du moment écologique, tout en répondant à la nécessité du rassemblement des catégories populaires. Et là encore le discours, pourtant indispensable, ne suffit pas : qu’il y a-il vraiment à reprocher à celui de la FI et de Manon Aubry sur ce terrain écolo ? Il y faut une force correspondante.

C’est de ce point de vue que l’option de Mélenchon s’est révélée inadaptée. L’idée était que les 20 % étant acquis, il fallait aller chercher le reste. Et alors plus qu’une option « stratégique » populiste (jamais Mélenchon n’utilise ce terme qu’il juge « idéaliste »), c’est une analyse précise, qui conduisait à cela. Pour y parvenir, et cela demeure juste, il fallait effectivement ne pas rester enfermés dans les catégories passées : il faut alors à  la fois une conversion écologique sérieuse, considérer le poids du rejet et du dégagisme, aller vers une 6ème République, favoriser le dessein d’une société et d’une Europe nouvelle. Mais non les 20 % n’étaient ni acquis ni unifiés. On le sait depuis, grâce aux nombreuses analyses correspondantes. Le score de 2017 est d’abord un score de gauche « traditionnelle », conquis à la force du poignet (et grâce aux qualités du candidat) dont la condition première était la rupture avec le PS qui était encore aux manettes (c’est là la cause de l’écroulement de Hamon, sa proximité confirmée avec ce parti). Puis cette force étant manifeste, l’impact dû à la force elle-même (comme la boule lancée sur les quilles) dans des secteurs populaires plus larges. Et enfin, grâce à cet apport décisif, les mécanismes du « vote utile »  dans la gauche plus traditionnelle, ceci assurant un score si élevé. Le point commun de tout ceci est bien le rejet du PS : qui peut à la fois être considéré comme celui d’une certaine politique au nom d’une « vraie gauche », comme aussi le rejet de la référence à « la gauche » elle-même (assimilée depuis des décennies au PS justement).

C’est pourquoi d’ailleurs les analyses de ce succès à la fois comme « de gauche » et « populiste » ont pu légitimement être défendues. Sauf que pour aller plus loin il eût fallu d’abord solidifier le socle. En dehors de la gauche traditionnelle ou dans celle-ci, ou les deux à la fois. Mais dans des conditions difficiles de rapports de force sociaux, essentiellement défensifs, le premier choix éloigne à la fois du second et n’est guère viable vu le faible niveau de radicalité réelle (même si le rejet est violent). Reste le second, qui devient alors la condition de « la force » pour garder et étendre la portée « dégagiste ». Difficile aussi, puisque sacrifier à la gauche peut éloigner effectivement du reste, du dégagisme. Mais pas impossible, au moins pendant toute une année après la présidentielle, et de toutes les façons, la force allant à la force, si on perd celle-ci, on perd aussi les secteurs dégagistes. Pas sans contradictions tout ça d’où les difficultés des bilans.

Est-ce alors le manque « d’unité » et le rejet du clivage « gauche/droite » qui est l’explication principale de la défaite électorale ? Mais alors Jadot ? Un rejet plus que brutal de toute unité (alors même qu’il avait fait campagne commune avec Hamon), et un autre, tout aussi net de toute référence à la gauche. Et pourtant un succès inattendu au bout, qu’il faudrait analyser en tant quel tel, mais je ne le fais pas ici pour ne pas trop allonger. Quand au PC plus sectaire que cette campagne il n’y a pas, puisque l’argument principal était que le parti devait apparaître, rejetant donc ce qui, sur le papier, était possible (avec Hamon).

Ce qui est certain (tous ceux qui ont fait campagne peuvent en témoigner) est que dans les secteurs attachés à la gauche (une part donc majeure du succès de 2017) les murs dressés systématiquement et l’image de fermeture donnée par la FI au cours du temps se sont payés cash. Ici d’ailleurs la forme compte bien plus que le fond. Après tout, pour cette élection, il y avait bien (au moins avec Jadot et Hamon, sans compter le PS évidemment) des divergences de fond concernant la nature des combats à mener contre les racines de l’UE. Mais à partir du moment où la forme prend le pas sur le fond, voire même que ce dernier n’est plus considéré que comme un prétexte pour justifier de la forme, la bataille était largement. Or, en l’absence de cet appui, la parole portée vers les catégories populaires plus éloignées perdait de sa force. Et finalement, de tous côtés, l’alignement des planètes qui avait permis 2017 (y compris en partie aux Législatives) s’est désagrégé.

6. Il faut bien maintenant reprendre la chose où elle en est. Même si on était tenté par une option « populiste » » (ce qui n’a jamais été mon cas), la force manque pour le faire. Du moins dans l’immédiat, je laisse de côté 2022 (3 ans à l’avance, quand on sait ce que valent les analyses du passé à 3 ans de l’échéance…). Il faut donc d’abord retisser le lien avec les secteurs éventuellement disponibles, autrement dit, ceux liés (maintenant idéologiquement plus qu’organisationnellement) à la gauche historique. Mais les conditions pour le faire sont complexes. Et quand elles le sont, difficiles, surgit systématiquement une ligne de fuite qui serait que le succès d’une telle politique se trouve justement hors du politique, et que c’est le lien avec le non politique « le mouvement social ») qui va résoudre la chose. En même temps c’est incontestable (on n’arrivera jamais à l’unité de secteurs de la gauche juste entre formations politiques) et discutable, puisque ça suppose une chose non avérée, que, au sens général ces activités citoyennes soient significativement moins en crise que les politiques. Et qu’elles puissent trouver le chemin qu’elles n’ont jamais trouvé, d’être leur propre expression politique (si j’osais même si c’est très étranger à la tradition de ce débat, cette impossibilité chez les Gilets Jaunes en est une nouvelle preuve éclatante).

Difficile déjà car nous n’avons plus le rapport de force de 2017. Et donc, enfin, se pose la question de la base sur laquelle réaliser tout ça. En gros, et sans oublier l’état effectif des rapports de force, viser une base antilibérale, éco-socialiste, démocratique (et toutes les questions liées à la souveraineté peuvent être prises sous cet aspect). Mais jusqu’à maintenant (et en 2017 par excellence), au moins sur le papier, ceci était facile puisque ça se traduisait par la rupture avec le PS, du moins pour des alliances de fond. Cette question n’est plus centrale, évidemment. Mais elle est toujours là, et on va la rencontrer dès les municipales. Or qui peut-on convaincre dans les couches populaires si on met Hollande dans la barque ? Il faut donc ajouter comme condition un bilan de rupture avec la politique suivie par le PS au pouvoir. Si on fait ça (et surtout avec les nouveaux rapports de force) pas évident que l’on puisse aller très loin avec EE. Parce que, évidemment, si EE bouge vers du plus unitaire, il ramènera le PS dans les valises… Et que, quand même, placer EE (celui de Jadot) « à gauche du PS » se discute, pour le moins. Sans parler du PC dont le bilan réel est désastreux et qui va donc (en toute « affirmation du parti ») fissa se jeter dans les bras de l’Union de la gauche partout où c’est possible.

Pas évident donc, mais c’est le bon choix. Parce que sinon, il n’y a plus accès aux catégories populaires et que, dans la gauche résiduelle (politique mais surtout « citoyenne », le second terme est décisif ; c’est même, concrètement par là qu’il faut envisager la chose si on a une chance de réussir) le refus de la division  qui est synonyme de défaite certaine aux initiatives qui se présentent (municipales en premier) va devenir irrépressible. Un chemin difficile et escarpé, qui suppose ce que nous savons tous en supplément : que la question du fonctionnement démocratique de la FI elle-même soit réglée.

Samy Johsua