Conformément à la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, le budget de défense de la France passera de 32,7 milliards d’euros en 2018 à 44 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 35 % (en euros constants). Cette hausse amplifie la tendance enregistrée entre 2008 et 2016. L’augmentation du budget militaire – ainsi que celle des budgets sécuritaires – a été supérieure à la hausse générale du budget, alors que la hausse des budgets à finalité sociale a été inférieure à cette évolution générale (tableau 1). La France n’est pas le seul pays dont le budget militaire enregistre une telle progression, mais elle part d’un très haut niveau puisque son budget est le plus élevé de l’UE, et du même ordre que celui de la Grande-Bretagne.
Tableau 1 : Évolution en % des dépenses de l’État ventilées par fonction (2008-2016)
Total des dépenses |
13,6 |
Ordre et sécurité publics |
20,3 |
Défense |
19,8 |
Enseignement |
12,1 |
Protection de l’environnement |
-1,2 |
Services culturels |
-7,7 |
Services récréatifs et sportifs |
-20,9 |
Logements et équipements collectifs |
-33,7 |
Source : Auteur, à partir des Comptes de la Nation 2017.
D’autres indices soulignent le sursaut militaire de la France depuis la fin des années 2000. La France a été à l’initiative de la guerre en Libye et a elle a contribué à outrepasser le mandat de l’ONU en mettant fin au régime de Kadhafi. Plusieurs interventions majeures ont suivi en Afrique subsaharienne (en Côte-d’Ivoire pour renverser le président Gbagbo en 2011, au Mali en 2013, en République Centre-Africaine en 2013) puis en Iraq et en Syrie. Elles ont marqué un changement d’échelle dans la longue série des interventions en Afrique. La permanence de ces interventions est telle qu’aucun décompte officiel n’est même tenu. Entre 1991 et 2015, leur nombre aurait atteint 111, ce qui fait dire à des parlementaires spécialisés dans les questions de défense (avec un point d’interrogation de politesse) que l’interventionnisme militaire constitue une « passion française »1.
Un autre indice de ce sursaut militaire est la quête de ventes d’armes, effrénée et relativement réussie, puisque les commandes d’armes ont enregistré une augmentation de 27 % entre 2008-2012 et 2013-2017 (source : SIPRI). Depuis le début des années 1960, les ventes d’armes de la France ont toujours ignoré le comportement dictatorial des gouvernements clients. Cependant, la complicité atteint aujourd’hui de telles proportions que des juristes estiment que la France risque d’être poursuivie pour crimes de guerre en raison de l’utilisation des systèmes d’armes français par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite contre les civils yéménites2.
Le militaire – tant dans ses dimensions industrielles qu’opérationnelles – est en réalité profondément ancré dans l’histoire de la France et son enracinement dans l’économie et la société française est documenté ailleurs3. Cet article analyse comment le sursaut militaire de la France au cours des dernières années interagit avec les processus militaro-sécuritaires à l’œuvre dans l’UE. Dans un contexte de déséquilibre économique croissant au sein du « couple franco-allemand » qui minorise l’influence de la France dans les processus de décision communautaire, la défense demeure un « avantage compétitif » solide de la France dans l’espace européen.
L’espace mondial et le « moment 2008 »
L’espace mondial – ou si on veut l’économie politique de la mondialisation4 – est configuré par les dynamiques d’accumulation et des transformations du système inter-étatique5. L’unité de ces deux composantes – qui peut dans certains cas se révéler contradictoire – est assurée par le capital. Le capital est un rapport social qui définit un certain mode de production et de domination. En tant que tel, si le capital possède depuis longtemps un horizon mondial, il s’est toujours développé sur des territoires qui sont politiquement organisés autour d’États et territorialement circonscrits par des frontières. Ce fut précisément une contribution majeure des théories de l’impérialisme que d’analyser la configuration de l’espace mondial qui résultait de ces deux dynamiques et de ses contradictions. Ainsi, R. Luxemburg définissait la période impérialiste comme « l’expression politique de l’accumulation du capital »6. Par définition, l’expansion mondiale du capital procède à partir d’un territoire politiquement structuré et vers un espace mondial qui est politiquement organisé en système inter-étatique plus ou moins institutionnalisé (en particulier depuis la Seconde Guerre mondiale avec la création d’organisations internationales telles que l’ONU, le FMI, l’OMC, etc.). L’existence et la pérennité du système inter-étatique demeurent donc inscrites dans la trajectoire mondiale du capital, même si on peut admettre qu’un système inter-étatique préexistait à l’expansion capitaliste du dix-neuvième siècle7. Cette dimension en quelque sorte politiquement organisée de l’expansion mondiale du capital est souvent oubliée lorsque sont citées les remarques de Marx telle que le « marché mondial est inclus dans la notion même de capital » 8.
Il est évident que la configuration contemporaine de l’espace mondial est différente de celle qui a prévalu à l’époque de l’impérialisme analysée par Luxemburg et les autres marxistes. Il est pourtant possible de maintenir l’approche en termes d’impérialisme pour analyser l’espace mondial contemporain, à condition de considérer : a) qu’il définit une période historique, dont les interactions entre les deux dynamiques qui structurent l’espace mondial changent au cours du temps, d’où ses configurations contextuellement marqué ; b) que l’impérialisme désigne à la fois une période historique et des pratiques concrètes et différenciées des pays les plus puissants9.
Le système inter-étatique a toujours été à la fois fortement hiérarchisé en fonction de la puissance économique et des capacités militaires des pays qui le composent et il est structuré par la domination de quelques pays sur le reste de la planète. Depuis la disparition de l’URSS, l’espace mondial est dominé sur le plan économique et militaire par un « bloc transatlantique hiérarchisé » dont l’axe euro-américain est la colonne vertébrale10. Bien que la rivalité demeure « pacifique » au sein du bloc transatlantique, l’effet de démonstration de la puissance politico-militaire des États-Unis exhibée par Trump vis-à-vis des pays européens donne une saveur particulière au terme de « pacifique ». Toutefois, en dépit de leur puissance militaro-économique, les États-Unis ne sont pas un « empire » qui soumettrait les pays vassaux à sa domination (voir plus bas).
La situation est différente en ce qui concerne d’autres relations géoéconomiques. Les États-Unis considèrent désormais que « la rivalité inter-étatique est une plus grande menace que le terrorisme ». La Chine – dont les dépenses militaires ont augmenté de 236 % entre 2007 et 2017 selon le SIPRI – est considérée dans la dernière édition de la Stratégie nationale de sécurité américaine comme un « adversaire stratégique » parce qu’elle (et la Russie) « contestent nos avantages géopolitiques »11. Les rivalités inter-impérialistes se poursuivent donc, elles s’accompagnent d’une intensification des budgets et production militaires de la part des pays dominants.
Le statut international d’un pays et le « moment 2008 »
L’analyse des caractéristiques singulières d’un pays doit prendre pour point de départ celle de la configuration précise de l’espace mondial, et ceci reste vrai même pour les États-Unis. Quant à la position (ou statut) d’un pays dans l’espace mondial, elle repose à la fois sur ses performances économiques et sur ses capacités militaires. Les performances économiques d’une économie nationale sont trop souvent réduites à sa « compétitivité industrielle », qui selon les économistes est mesurée par l’évolution de la part de ses exportations de marchandises dans les exportations mondiales. Or, dès la fin du dix-neuvième siècle, les travaux d’Hobson et ceux des théoriciens marxistes de l’impérialisme soulignèrent l’importance du capital financier pour les pays développés et celle des revenus rentiers en provenance du reste du monde dont bénéficiaient leurs classes dominantes. Aujourd’hui, les revenus financiers et rentiers constituent encore une source de prospérité pour tous les pays dominants. Le cas de la France est à cet égard éclairant. Ses performances industrielles sur les marchés mondiaux n’ont cessé de se détériorer au cours des deux dernières décennies, alors que les dividendes appropriés grâce aux investissements directs à l’étranger (IDE), qui sont pour l’essentiel réalisés par les groupes du CAC 40, ont continûment augmenté. Ces dividendes sont aujourd’hui complétés par d’autres revenus financiers qui sont issus de la propriété intellectuelle et dont la hausse résulte des politiques de privatisation des connaissances mises en œuvre depuis les années 1990 par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’ensemble de ces revenus financiers échoit aux actionnaires résidents en France. L’effet de ciseaux qui se produit entre la progression des revenus financiers et la détérioration de la balance commerciale industrielle est visible sur la figure 1. Il en dit long sur le fossé qui se creuse entre d’une part la classe dominante à revenus rentiers (dividendes, propriété intellectuelle, etc.) qui bénéficient de la présence de grands groupes français sur les marchés mondiaux, et d’autre part la société française qui est victime depuis les années 1980 du déclin successif de secteurs industriels majeurs (acier, textile, biens de consommation électroniques, et aujourd’hui automobile). La France demeure une grande puissance mondiale, mais l’appropriation de revenus financiers devient le socle de plus en plus large de ses performances économiques.
Les capacités militaires d’un pays constituent l’autre facteur déterminant de sa position internationale, et ce n’est pas un hasard que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies soient les plus grandes puissances militaro-nucléaires de la planète. Les capacités militaires sont indispensables à l’influence politique et elles fournissent un levier aux pays dominants dans la concurrence économique. La puissance politique permet en effet d’orienter les décisions des organisations économiques internationales (FMI, Banque mondiale, OMC) et de développer des relations économiques asymétriques (par exemple par des mesures protectionnistes, par l’exportation massive de capitaux investis dans la production et prêtés) avec les pays dépendants. La puissance politique d’un pays repose donc sur un mix qui combine le levier militaire et la mise en œuvre de politiques qui appuient les intérêts du capital du pays contre les pays concurrents. La pondération des composantes économique et militaire n’est pas la même pour tous les pays dominants pour des raisons internes et des facteurs liés à la conjoncture historique mondiale.
La France dispose de capacités militaires qui la classent dans les premiers rangs mondiaux. Elle figure également dans le top 5 mondial en matière de budgets de défense et des ventes d’armes. Dans le domaine des armes nucléaires, la France occupe la troisième position mondiale, loin derrière les États-Unis et la Russie (qui détiennent 90 % du stock d’armes nucléaires mondiales). On connait par ailleurs l’acharnement des gouvernements français à maintenir un modèle énergétique nucléaire et à la recherche sans limites de ventes de centrales nucléaires.
Le « moment 2008 » et le sursaut militariste de la France
Comprendre le surgissement militariste de la France au cours des dernières années exige donc de partir de la conjoncture historique particulière, que j’ai appelée le « moment 2008 », et d’analyser ensuite comment elle se réfracte dans le positionnement international de la France. La fin de la décennie 2000 a été marquée par des changements profonds et conjoints dans l’économie et la géopolitique mondiales. Le déclenchement de la crise financière en 2007-2008 a plongé l’économie mondiale dans une « longue récession », dont les effets en termes d’emplois et d’inégalités sont dévastateurs dans de nombreux pays. L’existence de surcapacités de production dans des industries majeures qui existe aujourd’hui (acier, automobile…) est une forme caractéristique de l’histoire de toutes les crises du capitalisme, elle attise la concurrence sur les marchés mondiaux et elle incite les gouvernements des pays les plus puissants à multiplier les mesures protectionnistes directes ou plus discrètes (« non-tarifaires »). Les risques de « guerre commerciale » sont d’autant plus élevés que le gouvernement des États-Unis, dont l’économie est au cœur des flux financiers et commerciaux mondiaux, s’engage hardiment dans cette voie .
L’offensive menée par l’Administration Trump pour impuissanter les instances de coopération entre les pays capitalistes développés n’a pas pour seul motif des facteurs économiques. Elle est aussi une manière de tenter de parer au déclin de l’influence géopolitique des États-Unis dans le monde, dont témoigne l’enlisement des États-Unis en Afghanistan et en Irak. La forte hausse des dépenses militaires consécutive à l’élection de D. Trump (12 % sur la période 2017-2019) consolide certes le système militaro-industriel américain et influe sur les orientations de leur politique technologique12, mais en même temps l’Administration américaine compte faire endosser une plus grande part du fardeau militaire (la gestion du désordre mondiale) à ses alliés de l’OTAN.
Le raidissement géopolitique de l’espace mondial constitue un des traits majeurs du « moment 2008 ». Certains Think tanks spécialisés augurent même que l’année 2018 constituera « l’équivalent géopolitique de l’effondrement financier de 2008 »13. Ce raidissement géopolitique confère quasi-mécaniquement un rôle accru aux grands pays dotés de puissantes capacités militaires, donnant à ces pays des atouts lorsque leur position « économique » devient plus fragile. Le statut aujourd’hui occupé par la Russie dans l’espace mondial illustre le poids démesuré du facteur géopolitique en comparaison avec ses performances économiques.
La France est également concernée par le raidissement géopolitique. Les facteurs qui ont forgé sa position dans l’espace mondial en tant que puissance militaire – résumée dans la formule « tenir son rang » par tous les présidents depuis de Gaulle – y trouvent en effet depuis quelques années une source de revitalisation.
Les gouvernements français répondent donc présents à la demande des États-Unis de partager le « fardeau » militaire. Il le font d’autant plus volontiers que les mouvements révolutionnaires populaires (les « printemps arabes ») se sont multipliés en Afrique et au Moyen-Orient. Les peuples protestaient à la fois contre les effets mortifères des programmes d’austérité mis en œuvre à la suite des recommandations de la Banque mondiale et du FMI et manifestaient leur volonté d’en finir avec l’autoritarisme des régimes. Ils ont renversé – ou à minima profondément fissuré – des appareils d’État dont certains ne se maintenaient que grâce au soutien des grands pays occidentaux. Or, l’irruption directe des masses populaires sur la scène politique qui a renversé ou ébranlé des régimes s’est produite dans des pays dont certains sont sous forte influence française (Maghreb et Machrek, Afrique subsaharienne, etc.). Ce sont ceux-là même qui sont considérés comme prioritaires par les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale (de 2008 et 2013) car les moyens militaires de la France doivent « pouvoir agir de façon ramassée et concentrée sur les lieux où nos intérêts peuvent être mis en cause»14. Les régions citées sont l’aire sahélo-saharienne, la Méditerranée, le golfe Arabo-persique et le Liban.
L’UE et la défense
Les développements institutionnels de l’UE reposent depuis sa création sur trois forces motrices « moins une ». Le rôle des États-nations – et particulièrement le « couple franco-allemand » – a été déterminant. Le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, demeure une institution essentielle. D’autres institutions inter-étatiques ont pris une importance croissante après la crise grecque afin d’imposer, en interaction avec la Commission, les mesures d’austérité15. A titre d’exemple, l’Eurogroup qui réunit les ministres des finances de l’Eurozone, le « noyau dur » de l’UE, a notablement renforcé ses pouvoirs. Il est pourtant qualifié d’ « organe informel » sur le site de l’UE, alors qu’il a rien moins pour « tâche principale [que] d’assurer une étroite coordination des politiques économiques »16. Ces évolutions soulignent d’une part le pouvoir asymétrique détenu par les grands pays qui dominent l’Eurogroupe et d’autre part le caractère légalement contestable17 d’un certain nombre de mécanismes de contrôle mis en place au cours des dernières années.
Ensuite, dans le cadre de l’internationalisation du capital, les grands groupes financiers industriels et bancaires des États-membres ont trouvé dans les développements institutionnels de l’UE un appui dans la concurrence avec les groupes des autres régions du monde (Asie et États-Unis). Enfin, les institutions communautaires proprement dites (Commission, Banque centrale européenne, Cour de justice de l’Union européenne, etc.) ont été très actives dans la construction européenne. Leur montée en puissance résulte de plusieurs facteurs tels que leur position d’arbitre entre les États-membres concurrents, leur fonction de représentation des intérêts collectifs des États-membres dans les négociations commerciales internationales, et, plus important encore, leur rôle de vecteur dans la politique collective (communautaire) de remise en cause des droits et acquis sociaux. Ces institutions communautaires, solidement assises sur ces fonctions paraétatiques, ont progressivement renforcé leur pouvoir à la manière des bureaucraties d’État. Marx, à propos de la France dans le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, et Trotsky en ce qui concerne l’évolution de l’URSS dans la Révolution trahie, analysent hors de tout réductionnisme économique les potentialités d’auto-croissance d’institutions étatiques. Il convient bien sûr de contextualiser l’analyse de la « forme État » de l’UE. L’UE n’est pas devenue un État fédéral, mais elle n’est pas non plus réductible à une structure intergouvernementale. Elle forme une configurations hybride, adossée à la fois aux États les plus puissants, agissant eux-mêmes grâce à différents dispositifs, et à des institutions para-étatiques en expansion18.
Les forces qui ont fait défaut dans les développements de l’UE sont celles qui auraient imposé un espace démocratique réel au niveau communautaire. Or, le « déficit démocratique », ainsi que l’appellent les chercheurs critiques travaillant sur l’UE, est consubstantiel à la construction réellement existante de l’UE. L’approche technocratique et élitiste était revendiquée par J. Monnet, et elle fut qualifiée par J. Delors de période de « despotisme bienveillant » qu’il se promettait (en 1993) de clore19. Les évolutions ultérieures montrent au contraire que la mise en œuvre des politiques d’austérité a exigé de brider un peu plus les espaces démocratiques, en particulier après la crise de 2008 et de passer par-dessus la volonté des peuples d’Europe maintes fois exprimée dans les élections.
On peut dans ce cadre analyser la place des questions de défense au sein de l’UE. L’Europe a été le territoire de formation et d’essor des États-nations puis des rivalités impérialistes et du militarisme qui ont culminé dans la grande barbarie du vingtième siècle. Une des raisons de la construction européenne a d’ailleurs été de s’opposer à la réapparition de tels cataclysmes sur le continent. Cependant, la fin des guerres intra-européennes – mais cette expression ne s’applique-t-elle pas aux guerres d’implosion de la Yougoslavie au cours des années 1990 ? – n’a pas marqué la fin du militarisme. Son importance dans les États-membres est fonction de nombreux facteurs parmi lesquels on peut mentionner leur histoire (l’Allemagne versus la France) , le poids actuel des systèmes militaro-industriels, et le degré d’ambitions géopolitiques. En somme, le mix performances économiques-capacités militaires des principaux États-membres est différent.
Le Traité de Rome, qui fonda la CEE en 1958 et excluait les questions de défense du champ des compétences communautaires « au nom des intérêts essentiels de sa sécurité » (article 223), disait bien ce qu’il voulait dire : libre à chaque État-membre de développer comme il le souhaite ses capacités militaro-industrielles. Néanmoins, à partir des années 1980, les questions de défense sont entrées par différents canaux dans l’agenda de la Commission et du Conseil européen (inter-gouvernemental) (encadré).
La montée de la défense dans l’agenda communautaire
Au cours des années 1990, la Commission européenne est entrée dans les questions de défense en reprenant les discours sur les biens et technologies à « usage dual » ( militaire et civil). Cela ouvrit la voie au financement communautaire de programmes de R&D qui bénéficia aux grands groupes de l’aéronautique et de l’électronique présents à la fois dans le militaire et le civil. En 1998, les six pays les plus militarisés signèrent une « Lettre d’intention sur les mesures destinées à faciliter la restructuration de l’industrie européenne de défense ». En 2004, l’Agence de défense européenne est créée afin d’aider le Conseil européen dans les questions industrielles et technologiques de défense.
Le rapport présenté par J. Solana et intitulé « Une Europe sûre dans un monde meilleur », adopté par le Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003, est le premier document important de l’UE concernant la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) . Il fait suite à celui présenté un an plus tôt par l’Administration Bush, bien qu’il s’en distingue sur la notion de « guerre préventive » et le rôle de l’ONU. Le traité de Lisbonne (entré en vigueur en 2009) consolide ces avancées sur plusieurs points, en particulier la Coopération structurée permanente (CSP, PESCO en anglais), dont la naissance vient seulement d’être célébrée en 2018 avec une emphase excessive (voir texte) .
Sur le versant industriel, la Commission a multiplié les initiatives depuis la fin des années 2000, en les assortissant de financements attractifs pour les industriels. Elle critique le « gâchis » financier que représente la coexistence d’industries nationales et s’appuie sur un rapport des services du Parlement européen qui nous explique que « la duplication pourrait peut-être être considérée comme le prix acceptable à payer pour la souveraineté nationale lorsque les budgets sont assez larges pour permettre un tel gaspillage [..], mais cette position n’est plus tenable ». Elle propose également de rendre la circulation des biens militaires plus facile entre les États-membres (Directive sur les transferts, 2009) et finance généreusement les programmes de R&D sur la sécurité (sans distinction claire avec ceux de défense). La montée en puissance continue depuis 2016 (voir texte).
La France, le pays européen militairement le plus puissant avec le Royaume-Uni, a pesé de tout son poids afin de faire monter en puissances les questions de défense dans l’agenda de l’UE. Cette approche vise à consolider la conception des gouvernements français qui depuis de Gaulle se sont efforcés de mettre l’intergouvernemental – et au premier chef le « couple franco-allemand » – au cœur de la construction européenne.
Les propositions françaises et leurs enjeux européens
Les propositions d’E. Macron concernant l’UE ont été développées dans son discours à la Sorbonne20. Elles s’inscrivent sous le drapeau de la « souveraineté européenne » qui serait adossée à une intégration financière et militaro-sécuritaire plus forte. Elles se situent dans la continuité des positions françaises, auxquelles elles donnent une tournure plus hardie.
Les propositions d’intégration financière (budget européen bien plus élevé qu’aujourd’hui, garantie européenne des dépôts bancaires, etc.) ont deux objectifs. D’abord, le pari du président français est que les mesures prises au niveau communautaire – y compris par le Conseil européen, donc avec l’implication du gouvernement français – faciliteront, grâce à une « coordination économique punitive » renforcée21, la mise en place de son programme de « réformes », autrement dit l’imposition des politiques de réduction des dépenses publiques (tout en allégeant les impôts des ménages les plus riches), la privatisation des services publics et le démantèlement des protections sociales. Ensuite, la proposition corollaire formulée dans le même discours est une implication militaro-sécuritaire plus forte de l’UE « en marche vers une Europe souveraine ». E. Macron souhaite instaurer une « culture stratégique commune » fondée sur la mise en œuvre d’une « force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir » sur le territoire européen mais également au-delà (il pense à l’Afrique)22. En somme, le président français propose une planification et une systématisation des interventions militaires de l’UE. La ministre de la défense rappelait d’ailleurs que la « culture stratégique », « ce ne doit pas être un concept, mais une pratique »23. La France en serait alors la principale bénéficiaire puisqu’elle est désormais le pays européen le plus fortement doté en capacités militaires. Il ne fait aucun doute que le gouvernement bénéficie dans ce domaine de l’expérience du corps expéditionnaire français, dont l’expertise est renforcée par les interventions militaires récentes. La France compte partager cette expertise avec le Royaume-Uni, même après sont départ de l’UE, grâce à la création d’une « Force expéditionnaire commune interarmées » de 10 000 soldats24.
Les capacités militaires de la France, consolidées dans le « moment 2008 » représentent un « avantage compétitif » non négligeable vis-à-vis des autres pays européens. L’expression « avantage compétitif » est ici utilisée dans un sens tout différent de celui qui fut introduit par les économistes au cours des années 1980. Comme cela a été dit, l’économie politique de la mondialisation a constitué un espace mondial où la « compétition » économique côtoie la rivalité géopolitique et interfère en permanence avec elle. Les capacités militaires de la France, renforcées depuis la fin des années 2000, viennent à point pour compenser le déclin continu des performances de l’industrie française, et tout particulièrement en Europe. Alors que l’économie française s’est construite et polarisée dans l’espace communautaire, les déficits commerciaux avec l’UE n’ont cessé de croître. En 2017, ils se sont élevés à 44,9 milliards d’euros, un montant bien supérieur à celui résultant du déficit énergétique (39 milliards d’euros).
Le fossé qui s’est creusé avec l’Allemagne en termes de performances économiques (industrielles et budgétaires) est encore plus important. Le tableau 2 indique la primauté de la France dans les domaines militaires et celle de l’Allemagne dans les performances industrielles et technologiques.
On peut ajouter que les dépenses militaires de l’Allemagne se situent certes à un niveau élevé mais elles ne servent pas à assoir une présence militaire à l’étranger (le nombre de soldats présents sur les fronts étrangers était de 3 900 en 2018 contre 27 000 soldats français engagés hors de Métropole) . De même, les exportations d’armes allemandes sont significatives, mais elles ne constituent qu’un complément très modeste aux excédents commerciaux de biens civils. La situation est inverse en France où les exportations des entreprises de défense – pour l’essentiel huit grands groupes – représentent (en ajoutant leurs exportations de biens civils) près de 20 % des exportations industrielles de la France. Cet enracinement du méso-système français de l’armement dans l’industrie est amené à augmenter sous les effets contraires de la hausse des dépenses militaires de la France et du rétrécissement de sa base industrielle nationale.
Tableau 2 : France et Allemagne, des « avantages compétitifs » différents
PIB (milliards d’euros) (2017) |
Évolution de la part du pays dans les exportations mondiales entre 2009 et 2016 |
Production manufacturière (rang dans l’UE) (2017) |
Dépenses de R-D des entreprises (rang mondial) |
Dépenses militaires/PIB (%, 2016) |
Dépenses militaires/habitant (euros, 2017) |
|
Allemagne |
3 477 |
3,9 |
1 |
3 |
1,2 |
576 |
France |
2 465 |
-5,3 |
4 |
6 |
2,3 |
760 |
Source : auteur à partir des données Banque mondiale, OMC, Eurostat, SIPRI.
L’écart désormais béant au sein du « couple franco-allemand » affaiblit évidemment le poids de la France dans les orientations de la politique communautaire. Le double contexte de raidissement géopolitique et du rebond militaire de la France donne donc aux gouvernements français une opportunité pour influer sur les dimensions militaro-sécuritaires de la politique européenne et rééquilibrer ainsi les rapports de force au sein du couple franco-allemand.
Les propositions de la présidence française destinées à renforcer le cours militariste de l’UE s’appuient sur certaines réalités. D’abord, l’UE n’est pas une « puissance douce » (soft power) ainsi que certains, à la suite du politiste R. Kagan, la présentent. Les budgets militaires de l’UE ont représenté 20 % des dépenses militaires mondiales en 2017, des industries militaires puissantes et exportatrices y sont présentes, et la quasi-totalité des États-membres font partie de l’alliance militaire transatlantique (OTAN). Ensuite, les désastres produits par la conjoncture mondiale ouverte par le « moment 2008 » créent un contexte favorable à l’intensification des politiques militaro-humanitaires destinées à protéger l’UE de son « voisinage » (neighbourhood). L’UE n’est évidemment pas innocente des bouleversements géopolitiques dont les pays périphériques sont victimes. Les gouvernements européens ont soutenu l’imposition de plans d’ajustements structurels par les institutions internationales, et l’UE a passé des accords de partenariat économique avec les pays africains qui étaient très déséquilibrés dans leurs clauses et leurs résultats. Ces politiques ont conduit à l’appauvrissement des populations. De plus, l’UE soutient les régimes répressifs sans trop d’états d’âme et ce soutien politique est complété, dans le cas de la France, par un interventionnisme militaire dans ses zones d’influence.
La confirmation de la militarisation de l’UE peut se lire dans l’augmentation des budgets de défense entre 2013 et 2017 qui a été (en monnaie constante) de 5,1 % pour l’ensemble de l’UE (+5 % en Europe de l’Ouest, +36 % en Europe centrale, +1,5 % en Europe de l’Est) (source : SIPRI). L’objectif d’atteindre un montant de dépenses militaires au moins égal à 2 % du PIB a été accepté par tous les pays membres de l’OTAN. Il est actuellement réalisé par seulement cinq pays (Estonie, États-Unis, France, Grèce, Royaume-Uni) et il s’accompagnera dans les prochaines années d’une hausse significative des dépenses (26 % en euros constants par rapport à 2016) pour l’ensemble de l’UE.
Il faut ajouter aux dépenses militaires proprement dites le fait que les États-membres sont d’accord pour renforcer les mesures sécuritaires, et pour cela déployer « aux frontières des dispositifs policiers et militaires relevant de périodes de guerre »25. En France, la politique de Macron est à l’unisson. La loi « Asile et immigration » votée en juin 2018 a été sévèrement critiquée par les ONG et la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme). Celle-ci « appelle les pouvoirs publics à cesser des pratiques illégales, inhumaines et contraires aux valeurs de solidarité de la France »26. En Allemagne, la position défendue en 2015 par A. Merkel d’accueillir un million d’immigrés est pulvérisée sous la pression de l’extrême droite et de ses propres alliés au gouvernement. La mobilisation des gouvernements européens contre les migrants nourrit une forte hausse des budgets sécuritaires.
Enfin, la concurrence sur les marchés mondiaux s’est exacerbée depuis 2008 au sein même des pays du « bloc hiérarchisé transatlantique ». Les tensions étaient déjà apparentes lors des discussions sur le « traité sur le partenariat transatlantique »27 négocié entre l’UE et les États-Unis sous la présidence Obama. Elles sont exacerbées depuis l’élection de D. Trump, pour lequel l’Allemagne – au moins autant que la Chine – représente la plus grande menace économique, mais dont il déplore également l’insuffisante activité militaire. Il a ainsi fourni un appui à E. Macron en critiquant l’absence de l’Allemagne lors des frappes aériennes décidées contre la Syrie en avril 2018 (hors du mandat de l’ONU en raison du véto russe) alors qu’il a loué la France et le Royaume-Uni « pour leur sagesse et la puissance de leur excellentes capacités militaires »28. Ce sont autant d’éléments qui stimulent les forces politiques allemandes, qui à l’image du ministre des finance W. Schaüble sont favorables à des avancées sur la voie de la militarisation de l’UE29.
Cet ensemble de facteurs explique l’accélération des dispositifs et programmes militaro-sécuritaires européens qui a commencé avant l’élection d’E. Macron. En 2016, le Conseil européen valide une « une stratégie globale pour la politique étrangère » fondée sur l’autonomie stratégique, notion floue et interprétée différemment par les États-membres. En décembre 2017, le Conseil européen établit formellement la Coopération structurée permanente (CSP) visant à approfondir la coopération en matière de défense entre les États membres de l’Union qui sont capables et désireux de le faire. Il s’agit toutefois d’un compromis entre la position de la France, désireuse de mobiliser les pays militairement les plus résolus, et celle de l’Allemagne et d’autres pays qui privilégie l’« inclusion » des États, même dotés de modestes capacités militaires. En 2018, la Commission a présenté le budget de l’Union 2021-2027, qui enregistre une sérieuse augmentation des financements de la recherche-développement de défense qui s’élèveront à 13 milliards d’euros, un montant sans commune mesure avec celui alloué dans le plan 2015-2020 (600 millions d’euros).
La militarisation de l’UE va donc bon train, et la France y contribue. Toutefois, les divergences entre États-membres demeurent nombreuses. D’abord, les États-membres de l’UE n’accordent pas la même centralité au militaire que la France dans son positionnement dans l’espace mondial. C’est en particulier le cas lorsque l’Allemagne et la France sont comparées (supra) .
La plupart des autres États-membres ne partagent pas plus que l’Allemagne l’appétit pour l’interventionnisme militaire de la France. Il est vrai qu’ils multiplient les programmes sécuritaires, principalement contre les populations immigrées et érigent des barrières répressives contre l’entrée sur le territoire, mais ces mesures sont encore loin de se transformer en approbation d’interventions militaires à l’extérieur. Ensuite, lorsque des États-membres participent à des opérations extérieures, ils le font essentiellement dans le cadre de l’OTAN. Plusieurs pays (en particulier en Europe centrale et orientale et dans les pays Baltes) suspectent la France de chercher à opposer la militarisation de l’UE au cadre Otanien, en dépit des actes d’allégeance répétés par les gouvernements français depuis la décision de Sarkozy de réintégrer le commandement militaire (en 2009). De plus, pour ces pays, la menace est essentiellement située à l’Est, elle vient de la Russie, alors que les priorités stratégiques de la France se situent en Afrique. Enfin, le statut de puissance nucléaire militaire de la France promet d’interminables débats en France et en Europe.
Conclusion
Après la monnaie commune puis unique, la défense s’apprête-t-elle à suivre la même voie ? En fait, la monnaie et la défense, bien que généralement considérés comme deux piliers « régaliens » essentiels, ne sont pas situés sur le même plan. Du point de vue des gouvernements français, la création d’une monnaie unique, impulsée par le couple franco-allemand, sanctionnait l’infériorité du capitalisme français, qui était incapable de défendre le franc, et elle créait l’espoir que la constitution d’une Banque centrale européenne diminuerait le contrôle de l’Allemagne dans les processus de décision monétaires. Cependant, même cette volonté politique des deux grands pays continentaux n’aurait pas suffi sans la conviction acquise par les grands groupes financiers européens que la création de l’euro leur fournirait un « terrain de jeu » commun face à leurs concurrents non-européens, permettrait d’organiser de façon concertée l’austérité à l’échelle européenne et éviderait un peu plus le débat démocratique au nom des impératifs de stabilité (« les critères de Maastricht ») , comme la gestion de la crise des dettes publiques au Portugal, en Espagne, Italie et Grèce l’a montré.
Le plan dans lequel évoluent les questions de défense est différent de celui de la monnaie. La défense représente, avec la police, la forme ultime du pouvoir politique sur un territoire. Ce pouvoir politique n’est pas une « superstructure » posée sur des rapports sociaux. Les institutions étatiques auxquelles le pouvoir politique est adossé sont au contraire pleinement partie prenante de ces rapports sociaux et contribuent à leur organisation. Cette observation est encore plus valable dans le cas de la France où l’État pénètre la société plus que dans d’autres pays démocratiques, où comme l’écrit Marx à propos de Napoléon III, la nation « abdique toute volonté propre et se soumet aux ordres d’une volonté étrangère, l’autorité. Le pouvoir exécutif, contrairement au pouvoir législatif, exprime l’hétéronomie de la nation, en opposition à son autonomie »30. Le pouvoir exécutif n’est pas réductible au gouvernement, il englobe l’appareil d’État lui-même31. La présidence « jupitérienne », « verticale », etc. souhaitée par E. Macron donne un coup de jeune à cette analyse d’une singularité de la France.
Il ne serait donc pas raisonnable de croire que, au nom de « la défense européenne », les gouvernements français renoncent à l’« autonomie stratégique » du pays, autrement dit à la possibilité de déclencher des interventions militaires sans mandat de l’ONU, en confiance qu’elles seront ensuite validées par la « communauté internationale ». Le document préparatoire au prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité rappelle qu’il existe trois modes opératoires, dont le premier est « l’engagement direct, où la France lance seule une intervention qui peut ensuite s’élargir et dont elle devient alors chef de file, comme illustré en Afrique par l’opération Serval »32. On pourrait qualifier ce comportement d’« unilatéralisme à la française » et la présence en Afrique subsaharienne et à Djibouti de plus d’un tiers des soldats positionnés à l’étranger indique clairement que l’Afrique est la zone privilégiée pour cette éventualité d’engagement unilatéral de la France. Il n’a d’ailleurs pas échappé aux observateurs partisans d’une « Europe régalienne » conforme aux objectifs de Macron, qu’il existe une contradiction entre sa promotion d’une Europe souveraine et la centralisation « jupitérienne [qui] repose sur une tradition française concentrant d’importants pouvoirs aux mains d’un souverain central »33.
E. Macron est convaincu qu’une défense européenne intégrée n’est pas prochainement à l’ordre du jour. Ceci confirme, selon un spécialiste des questions de défense, un point essentiel : « son discours [de la Sorbonne] était avant tout une tentative de proposer un nouveau « récit européen » (European narrative) au peuple français »34. Si tel est le cas, ce « récit » n’aura qu’un poids limité dans les autres pays européens, mais il prépare, au nom de la défense européenne, la poursuite et peut-être l’amplification du rebond militaire de la France opéré depuis quelques années.
Claude Serfati. Publié dans le numéro 39 de Contretemps.
1_ Jacques Gautier, Daniel Reiner, Jean-Marie Bockel, Jeanny Lorgeoux, Cédric Perrin et Gilbert Roger, « Rapport d’information sur le bilan des opérations extérieures », Sénat, 13 juillet 2016, p. 38.
2_ Voir l’étude juridique du cabinet Ancile Avocats commandée par Amnesty International et l’Acat (Actions des chrétiens pour l’abolition de la torture) sur l’utilisation des armes vendues par la France à l’Arabie saoudite et utilisées contre les populations du Yémen.
3_ . C. Serfati (2017), Le militaire. Une histoire française, Éditions Amsterdam, Paris.
4_ Dans une perspective « néo-gramscienne », R. Cox utilise le terme d’« ordre mondial » (world order) en tant qu’ensemble organisé en trois composantes : « a global political economy, an inter-state system, and the biosphere or global ecosystem », Cox R.W. (1992), Multilateralism and World Order », Review of International Studies Vol. 18, avril, p. 192.
5_ Le mode de production et la militarisation de la planète qui structurent l’espace mondial sont les vecteurs essentiels de la destruction de la biosphère.
6_ Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital (I). Contribution à l’explication économique de l’impérialisme. François Maspero, Petite collection Maspero, n° 47, Chapitre 7, 1969 (première édition 1913).
7_ Tilly C.(éditeur) (1975), The Formation of National States in Western Europe, Princeton, NJ: Princeton University Press.
8_ Marx, Fondements de la critique de l’économie politique, tome 2, Éditions Anthropos, 1968, p.364-365.
9_ Voir Serfati C. (2018) « Les théories marxistes de l’impérialisme. Un guide de lecture », http://revueperiode.net/guide-de-lecture-les-theories-marxistes-de-limperialisme/.
10_ Le bloc transatlantique est un espace économique et militairement intégré correspondant aux « pays occidentaux » et à d’autres pays développés alliés sur le plan militaire (Australie, Corée du Sud, Japon…), voir C. Serfati, Impérialisme et militarisme. Actualité du vingt-et-unième siècle, Page 2, Lausanne, 2004.
11_ The White House, National Security Strategy of the United States of American, 12 décembre 2017, p. 27.
12_ Le projet de budget fédéral 2018/2019 prévoit une augmentation de la recherche-développement militaire de 24 % et une baisse des dépenses de recherche-développement civiles (santé, agriculture, énergie, etc.) de 19,2 %, Korb L. (2018), « Trump’s Defense Budget », 28 février https://www.americanprogress.org/issues/security/news/2018/02/28/447248/trumps-defense-budget/
13_ “Eurasia Group’s Top risks For 2018”, 2 janvier 2018, https://www.eurasiagroup.net/issues/top-risks-2018
14_ « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2008 ».
15_ Christakis Georgiou (2017), “Economic Governance in the EU after the Eurozone Crisis” 04 Juillet, https://www.transform-network.net/en/publications/issue/economic-governance-in-the-eu-after-the-eurozone-crisis/
16_ http://www.consilium.europa.eu/fr/council-eu/eurogroup/
17_ « Editorial: A European Union in Constitutional Mutation? », European Law Journal 20/2, 2014.
18_ Serfati C. (2004), Impérialisme, Chapitre 8, « L’émergence de formes étatiques de l’UE ».
19_ Bogdanor V. (1993), “Futility of a House with no window” , The Independent, 26 Juillet.
20_ E. Macron, « Initiative pour l’Europe Une Europe souveraine, unie, démocratique », 26 septembre 2017.
21_ Durand C. (2018), « Les prolétaires n’ont pas d’Europe¸Contretemps.eu, 4 juin, https://www.contretemps.eu/proletaires-europe-durand/
22_ E. Macron, op.cit.
23_ Ministère français de la Défense (2018), « Mme Florence Parly, Ouverture de la Munich Security Conference », Munich, 16/II/2018, p. 5.
24_ Sommet franco-britannique 2018, Communiqué, 18 janvier.
25_ La Cimade, « Dedans, dehors : une Europe qui s’enferme » , 27 juin 2018.
26_ « Avis sur la situation des migrants à la frontière franco-italienne », 19 juin 2018.
27_ C. Serfati (2015), « The transatlantic bloc of states and the political economy of the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), Work Organisation, Labour & Globalisation, Vol. 9, No. 1, Spring.
28_ Delfs A. et Jacobs J. (2018), « Merkel’s Struggle to Gain Trump’s Ear Leaves Berlin Sidelined”, Bloomberg, 16 avril.
29_ Wagstyl S., “Wolfgang Schäuble calls for joint EU defence budget”, Financial Times,18 octobre 2016.
30_ Marx K. (1851) , Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, chapitre 7, https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm
31_ Quelques lignes auparavant, Marx en a donné le contenu : « Ce pouvoir exécutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire, avec son mécanisme étatique complexe et artificiel, son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes et son autre armée d’un demi-million de soldats, effroyable corps parasite, qui recouvre comme d’une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores, se constitua à l’époque de la monarchie absolue, au déclin de la féodalité, qu’il aida à renverser ».
32_ Document préparatoire au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2019-2025, p. 76.
33_ Chopin T. (2018), Emmanuel Macron, la France et l’Europe. Le « retour de la France en Europe » : à quelles conditions [1], Question d’Europe, Fondation Robert Schuman, n°473, 14 mai.
34_ Pothier F. (2017), « https://www.iiss.org/blogs/survival-blog/2017/10/macron-europe9th October 2017Macron’s European vision », 9 octobre, https://www.iiss.org/blogs/survival-blog/2017/10/macron-europe9th October 2017.