J’en conviens, le titre et son contenu surtout, peuvent paraître ambitieux. Mais au fond rien de tel dans ce développement. Une réflexion et une proposition pour faire face à la crise sociale terrible qui sévit. Une volonté, celle d’essayer de répondre à la détresse et à la colère que je constate au quotidien, devant les boîtes, des salariés-e-s en lutte contre les licenciements et les suppressions d’emplois qui les menacent et qui menacent des bassins de vie entiers.
La proposition que je soumets au sein de ce texte, n’est pas issue de ma seule réflexion ! Elle est le fruit de débats et de rencontres avec des syndicalistes, des salarié-e-s, elle s’inspire du travail collectif issu de Ensemble! et de la France Insoumise, courant et mouvement politiques auxquels j’appartiens. Elle est portée par une partie du mouvement social et syndical. Une manifestation sur ce thème a eu lieu à Paris fin janvier, à l’appel entre autres de la CGT du voyagiste TUI.
Et comme j’assume ma radicalité, c’est à dire le fait de m’opposer à l’ordre établi et de proposer une alternative, j’assume la radicalité de la proposition qui sommes toutes, au vu des enjeux, au vu de la période, n’est pas si radicale que cela !
Une crise sans précédent
La crise sanitaire provoque une crise sociale terrible. Les inégalités se creusent, les pauvres deviennent plus pauvres, mais les riches plus riches. C’est sans doute une banalité que d’écrire cela mais ce constat scandaleux doit nous révolter et on ne peut, on ne doit l’accepter.
Les plans sociaux se succèdent et se multiplient, ce qui fait craindre le pire pour les organisations syndicales qui soupçonnent, à juste titre, certaines grandes entreprises de se servir de la crise pour organiser des restructurations financières ( L’Humanité, mercredi 6 janvier 2021). Et cela malgré, parfois, une santé financière florissante comme à Sanofi et à SFR par exemple.
En Occitanie aussi
L’Occitanie est particulièrement affectée par ces menaces sur l’emploi mais aussi par une montée en flèche de la pauvreté et de la précarité.
La pauvreté est très présente dans notre région : le taux de pauvreté (16,8 % en 2017) place la région au 4e rang des régions de métropole, après la Corse, les Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le taux de pauvreté reste bas en Haute-Garonne (12,9 %) mais proche de 21 % dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales (Site INSEE, chiffres clés Occitanie, parus le 21/12/2020).
En fait il est nécessaire de revoir ces chiffres à la hausse car ces données prennent en compte l’année 2019, avant la pandémie donc, mais pas au-delà.
La réalité est tout autre aujourd’hui, elle est tout simplement pire.
Le secteur de l’aéronautique est touché de plein fouet mais il se passe dans la métropole toulousaine comme ailleurs en Occitanie, dans les secteurs industriels liés à l’aéronautique et à l’automobile également, ce que craignaient les syndicalistes : certaines entreprises profitent de l’effet d’aubaine provoqué par la pandémie pour annoncer plans sociaux et pour licencier massivement.
Le ralentissement est réel mais il n’est pas comme le prétendent les industriels.
Par exemple le carnet de commandes d’Airbus s’est étoffé malgré la crise d’après le site Capital ( 11 janvier 2021), une baisse de commandes finalement de 4%, selon la CGT.
Aussi la pression sur les entreprises qui dépendent de l’activité de ce grand groupe ne se justifie pas. C’est pourtant ce qu’il se passe à AKKA technologies à Blagnac (31), à Figeac Aéro (46), à Aubert et Duval (09). A Cahors (46) le groupe MAEC (équipement de distribution de l’électricité) subit les mêmes menaces sur les emplois et avec la même logique de restructuration. En Aveyron (12), dans l’ancien bassin minier de Decazeville et à Rodez, c’est respectivement la SAM (Société Aveyronnaise de Métallurgie, travaillant essentiellement pour Renault) et l’usine Bosch (fabrication de pièces pour moteur diesel) qui sont carrément menacées de fermeture définitive.
Dans le Gard (30 ), dans la partie est de la région Occitanie, c’est l’entreprise Alès Crouzet, entreprise de pointe qui compte supprimer des emplois.
A cela s’ajoutent les annonces de suppressions d’emplois faîtes par Sanofi et IBM à Montpellier (34), sans oublier les licenciements déjà effectués chez de nombreux sous-traitants de l’aéronautique notamment dès le printemps 2020, au sein de toute la région Occitanie.
Sans compter les conséquences des plans sociaux dans le secteur de l’habillement et du commerce comme La Halle et Auchan par exemple.
Alors que faire : subir ou agir ? Agir !
Il y a un point commun à l’écrasante majorité de toutes ces entreprises citées ci-dessus : elles ont bénéficié et elles bénéficient encore des aides publiques ! Des aides multiples et variées : du Crédit d’impôt Recherche, du Crédit d’impôt pour la Compétitivité et l’Emploi, aujourd’hui elles bénéficient du plan de relance du gouvernement de 100 milliards d’euros, et en région Occitanie, d’un plan pour l’aéronautique de 100 millions d’euros. Et pourtant, ces entreprises licencient ou continuent à annoncer de nouveaux licenciements. Si les salarié-e-s ne se mobilisaient pas, ça serait dix fois pire.
Alors oui il faut agir et ne plus laisser faire.
Il ne nous faut pas seulement défendre ou exiger la suppression des aides financières aux entreprises qui font des profits ou bénéficient des aides publiques, il faut imposer cette règle !
J’entends déjà les cris d’orfraie des libéraux bien pensants et/ou des pleutres, élu-e-s ou ministres déplorant les suppressions d’emplois, parfois avec quelques rodomontades pour amuser la galerie, mais laissant faire au nom de la sacro-sainte « propriété privée des moyens de production ».
Et bien l’urgence sociale nous impose de remettre en question le droit tout puissant de l’intérêt privé si l’on veut servir l’intérêt général, celui du droit des salarié-e-s à disposer d’un travail, celui de millions de familles voulant vivre dignement, celui pour la protection des emplois sur l’ensemble de nos territoires. Pas de licenciements ni suppressions d’emplois si les entreprises bénéficient de fonds publics et/ou engrangent des profits !
Et il faut aller plus loin encore : la puissance publique doit piloter les politiques qui permettent de sauver les emplois et d’envisager l’avenir. Car sauver les emplois c’est préserver les savoir-faire et les compétences, essentiels pour l’industrie de demain.
Il faut en finir avec le temps des subventions publiques sans aucune contre-partie.
J’entends là encore les cris d’effroi devant la remise en cause de l’intérêt privé. Pour moi celui ci doit s’effacer devant l’intérêt de tous-tes.
Et quoi ? Qu’est-ce qui choquerait aujourd’hui quand on voit ce qu’il a été possible de faire ou de prendre comme décision au nom de la crise sanitaire ?
A la tête de l’Etat, peu importe qui s’y est succédé, on nous a dit qu’on ne pouvait dépenser de l’argent public qui n’existait pas. Et pourtant on a débloqué des milliards d’euros pour voler au secours de l’économie, on a instauré le chômage partiel pour des millions de travailleurs-ses (à 80 % certes même s’il eut été juste de compenser 100 % du salaire). On parle même, jusque dans les milieux libéraux, de ne pas rembourser la dette ! On s’est émancipé de la règle des 3 % qui obligeait l’État à ne s’endetter qu’à hauteur de 3 % du PIB !
On a remis en question les droits et libertés fondamentales et on a dit à nos concitoyen-n-e-s que c’était pour le bien de tous !
Et on ne pourrait pas interdire les licenciements et la débauche d’argent public pour des entreprises qui détruisent des emplois ?!
Nous appliquerons cette règle « aide publique = zéro suppression d’emplois », si nous dirigeons la région Occitanie. Mais dès à présent nous en revendiquons le principe et ce d’autant que nous avons fait voter majoritairement une motion l’exigeant au sein de l’assemblée plénière le 16 juillet 2020.
Bien sûr ces orientations politiques ne peuvent être appliquées à l’échelle seule d’une région.
Il faudra les imposer au niveau national en combinant mobilisations massives des salarié-e-s et des organisations syndicales avec des propositions de loi audacieuses et radicales, portées par les élu-e-s à l’assemblée nationale qui défendent l’intérêt général (les élu-e-s de la France Insoumise, du Parti Communiste et plus si affinités ?).
Le gouvernement n’hésite pas à s’en prendre aux libertés fondamentales individuelles et collectives, pourtant pas moins importantes que le droit de propriété des grands moyens de production et d’échanges. Il n’y a donc aucune raison qu’on ne remette pas en question le pouvoir patronal aujourd’hui : nous devons imposer une loi exigeant le droit de véto des salarié-e-s sur les plans sociaux et l’interdiction des licenciements dans les entreprises bénéficiant d’argent public et/ou faisant des profits.
C’est avec ces choix politiques qu’on répondra à l’urgence sociale.
Myriam Martin