« Appliquer notre programme quoi qu’il en coûte », c’est avec ce sous-titre résolu que la France insoumise a présenté la semaine dernière son premier plan. En écho au « quoi qu’il en coûte » de la Banque centrale européenne, le but n’est pas cette fois-ci de sauver les banques mais bien d’appliquer un programme de transformation sociale. Un programme qui malgré les nombreux obstacles qui ne manqueront pas de se dresser contre lui, ne doit pas venir s’échouer sur les rives de la technostructure européenne.
Les différents plans qui seront présentés au cours de la campagne fournissent et fourniront un cadre opérationnel en cas de prise de pouvoir. Pour ce premier plan, il a été fait le choix de s’attaquer à l’épineux problème européen. Sous la coordination de Manon Aubry et Manuel Bompard, respectivement co-présidente du groupe La Gauche au Parlement européen et chef de la délégation France insoumise au Parlement européen, le document d’une quarantaine de pages fournit une analyse solide, lucide, sérieuse et pragmatique des nombreux points de blocage européens à la mise en place de l’Avenir en commun en France. Et élément important, il donne également des clefs pour les contourner.
Si la référence aux Plans A et B demeure, c’est plutôt une désobéissance clairement assumée qui est proposée. Pour ne citer que quelques exemples : désobéissance aux règles de la concurrence pour rebâtir les services publics de l’énergie et du rail, désobéissance à la Politique agricole commune pour développer massivement l’agriculture biologique, désobéissance aux règles du libre-échange pour privilégier les entreprises locales, etc. Cette désobéissance entraînera sans nul doute un niveau élevé de confrontation avec les institutions européennes.
C’est sur cette question que réside un des principaux intérêts du document : il ne s’agit pas seulement de désobéir mais également de se donner les moyens de répondre aux attaques qui ne manqueront pas d’arriver. Pour cela, il est proposé toute une batterie de mesures comme l’utilisation du droit de véto sur les accords de libre-échange, le conditionnement du payement de la contribution française au budget de l’Union européenne, la suspension de la participation de la France à certains programmes, comme l’Europe de la défense, les fameux, « opt-out », etc. D’ailleurs, le document ne manque pas de souligner que de nombreux pays, à commencer par la France et l’Allemagne désobéissent déjà à des normes européennes : la France sur les normes de pollution de l’air, l’Allemagne sur les excédents budgétaires.
A rebours de ce qu’avancent les gouvernements de droite extrême de Pologne et de Hongrie, il est proposé une clause de non-régression pour les droits sociaux et les droits fondamentaux. L’idée est que la désobéissance au droit européen ne peut qu’aller vers une amélioration des droits des citoyens, qu’il s’agisse de normes sociales ou de libertés publiques. Le Plan se situe donc à l’opposé de ce que défend la cour constitutionnel polonaise et ses émules en France.
Si l’ensemble fait preuve d’une grande cohérence, la question des mobilisations sociales n’est toutefois pas assez développée. Les mobilisations sociales à l’échelle européenne pourraient servir d’appui à la dynamique enclenchée en France et dans le même temps permettre d’enclencher dans d’autres pays européens des dynamiques similaires porteuses de rupture, de solidarité et d’internationalisme. La confrontation doit déborder les sphères institutionnelles pour gagner les rues européennes.
Pierre Marion