Dans un de ses récents messages sur l’actualité, « L’itinérance en panne sèche. Le 17, vive le blocage ! », Jean-Luc Mélenchon aborde les propos de Macron sur Pétain lors de son itinérance pour le centenaire de 14-18. Dans son commentaire, l’argumentation à propos de Pétain contient une formule importante qui me parait ambigüe. Militant d’Ensemble, ayant soutenu la campagne de Jean-Luc Mélenchon et présent dans un groupe d’action France Insoumise depuis janvier 2017, je voudrais expliquer mon inquiétude.
Jean-Luc Mélenchon critique à juste titre la honteuse déclaration de Macron sur Pétain en ces termes : « Pétain ne prit pas de « funestes décisions » mais mena une politique de collaboration avec l’envahisseur et d’antisémitisme contre les Français », d’où la notion de trahison employée par Jean Luc Mélenchon. D’une part, la question ne se résume pas à la « trahison ». Pétain fut un pourvoyeur de la « solution finale » et le sort des Juifs de France ne fut pas le même que celui de l’ensemble des Français, même résistants : alors que 60 % de ces derniers revinrent des camps, seuls 3 % des Juifs déportés retrouvèrent la France. Jean-Luc Mélenchon est évidemment sensible au drame que connurent les Juifs de ce pays entre 1940 et 1944. Mais, que veut dire sa formule « antisémitisme contre les Français », alors que des dizaines de milliers de Juifs étrangers périrent dans les camps nazis, que nombreux furent les résistants juifs étrangers, comme ceux de l’Affiche Rouge, « étrangers et nos frères pourtant » ? Deux chiffres : alors que 25 % des Juifs français disparurent dans la « solution finale » (chiffre faible par rapport au reste de l’Europe, mais très élevé si l’on songe que les morts de 14-18, nombreux, représentèrent 3 % de la population du pays), c’est 40 % des Juifs étrangers qui ne sont pas revenus des camps nazis. Alors que veut dire Jean-Luc Mélenchon ? Que seuls les Juifs français auraient été victimes ? Que l’antisémitisme concerne tous les Français ? Tout ceci me parait pour le moins flou.
D’autant qu’à propos de la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d’Hiv, en juillet 2017, il estimait que la France n’en était pas responsable. Je m’étais exprimé à ce moment-là sur le site d’Ensemble en ces termes : « refuser de reconnaître la responsabilité de la France, c’est dédouaner l’Etat bourgeois d’un de ses pires crimes ». Et j’ajoutais : « Etre clair sur les responsabilités de l’Etat français en 1942, c’est un point d’appui pour exiger la clarté sur le passé colonial de la France ».
En effet, dans cette affaire, il ne s’agit pas que de la Seconde Guerre mondiale et des Juifs. Cela concerne aussi la mémoire de la colonisation et les laissé-es pour compte d’aujourd’hui, ces migrant-es rejeté-es au fond de la Méditerranée, même si leur situation est évidemment différente de celle des Juifs menacés d’extermination. Or, à ce sujet, la position de la France insoumise renvoie souvent au règlement des problèmes des pays de départ pour éviter que les migrants-e ne les quittent. Cela ne tient pas suffisamment compte de la situation dramatique dans laquelle ils/elles se trouvent et qui explique leur migration. Pour éviter des effets de parasitage, Il faudrait que la campagne européenne de la FI reprenne les accents du discours de Marseille de 2012 où Jean Luc Mélenchon montrait un véritable internationalisme dans son rapport à l’immigration : en l’écoutant on comprenait bien le sens des mots « étrangers et nos frères pourtant ». Comme l’étaient les Juifs étrangers assassinés par les nazis avec l’aide de Vichy. Un crime dont la France était responsable. Comme elle l’est à l’égard des migrant-es qui se noient en Méditerranée.
Robert Hirsch