Quelques remarques sur le débat en cours.
1. Le problème de la vaccination ne peut pas être traité comme un simple problème de liberté individuelle, tout simplement parce que ne pas être vacciné a des conséquences sur les autres. Toute liberté est toujours encadrée et relative au bien commun. La vaccination obligatoire existe déjà, et depuis longtemps, pour un certain nombre de vaccins. De plus, quand on va dans un certain nombre de pays, il est obligatoire de se faire vacciner contre telle ou telle maladie. Dans son principe, la vaccination obligatoire ne pose pas de problème particulier. Elle relève des politiques de santé publique qui, par définition, sont contraignantes.
2. La cohérence voudrait donc que la vaccination contre la covid soit obligatoire pour tout le monde au vu des conséquences sociales que cette maladie entraine. Or cette obligation ne s’applique que pour les soignants (et je crois les pompiers). Ni les flics, ni les militaires ne sont concernés. Le fait de ne cibler que les soignants est un scandale qu’il faut dénoncer, mais pas au nom de la liberté individuelle, mais au nom du fait que, face à la gravité de la situation, il faut vacciner tout le monde.
3. Il vaut toujours mieux convaincre que d’obliger. Mais une fois cela dit, comment on fait ? Ce qui est sûr, c’est qu’il faut lutter contre les inégalités sociales en matière de vaccination. Le fait par exemple que le 93 ait un taux de vaccination dérisoire par rapport au quartiers huppés de Paris n’est pas dû au fait que les habitants du 93 soient rétifs à la vaccination mais au fait que les conditions concrètes de celle-ci sont très difficiles dans ce département. Ce qui pose problème dans ce que dit Macron c’est qu’il reporte tout sur une responsabilité individuelle. Les antivax s’appuient sur la liberté individuelle, lui sur la responsabilité individuelle. Or, comme toutes les politiques publiques, la vaccination dépend des moyens que l’on met pour que ça marche. Un député LFI (Corbière je crois) a dit qu’il fallait amener la vaccination au pied des immeubles. Il a raison.
4. La cohérence voudrait aussi que la vaccination soit généralisée à l’échelle internationale car, au-delà même des questions humanitaires quand même essentielles quand on est à Attac, si ce n’est pas le cas on aura, comme pour le variant delta, de nouveaux variants qui nous reviendront comme un boomerang sans que l’on soit sûr que la vaccination déjà effectuée soit efficace. La bataille pour la levée des brevets devrait être une priorité politique.
5. Aujourd’hui des centaines de millions de personnes sont vaccinées contre la covid et les cas de réactions négatives graves sont infinitésimales. Tout médicament peut entrainer des réactions nocives. Il n’y a qu’à lire les notices dans les boites de médicaments… Le fait de dire que l’on a pas de recul sur les vaccins est un faux argument. Les vieux vaccins ne l’ont pas toujours été et il a bien fallu à un moment donné commencer à vacciner les gens alors même que l’on ne connaissait pas les conséquences à long terme. La question aujourd’hui est de savoir si on considère que le fait que les agences de sécurité du médicament aient donné leur agrément à ces vaccins est malgré tout une garantie qui permet de les utiliser. Si on pense que toutes sont pourries et vendues à l’industrie pharmaceutique, alors évidemment… Mais ce qui vaut pour les vaccins vaut aussi pour tout nouveau médicament. Plus généralement aucune société ne peut fonctionner sans un minimum de confiance. Je sais que, en général, les entreprises veulent faire le maximum de profit, mais a priori je pense quand même qu’elles ne vont pas m’empoisonner pour cela, sinon la vie de tous les jours devient impossible. Alors certes, il y a des salauds qui le font, par exemple Servier, mais si on pense que tout le monde est un Servier en puissance comment peut-on vivre ?
6. Il y a donc un problème profond qui renvoie à la défiance envers les scientifiques, défiance qui est souvent justifiée : liens financiers avec les laboratoires, jeux de pouvoir internes au corps médical ou autre, scandales récurrents et instrumentalisation par l’industrie… Tout ça a miné la confiance envers les scientifiques et nourri le complotisme. Il ne suffit donc pas de se référer à la Science pour convaincre. D’où la nécessité absolue du débat démocratique, de la transparence et de la confrontation des opinions. Or la façon de gouverner de Macron, qui pousse à l’extrême les caractéristiques de la Ve République, vont à l’encontre de ces exigences : décisions autoritaires prises par un seul individu dans un cadre de délibération obscur, le conseil de défense. Les conditions de mise en place du pass sanitaire – en pleine vacances, dans des délais très rapprochés impossibles à tenir – en portent la marque.
7. Le succès des manifs antivax, pilotées plus ou moins par une certaine extrême droite (Philippot, Dupont-Aignan), montrent la nécessité d’un positionnement qui se démarque de Macron mais qui ne laisse aucune ambiguïté sur la question de la vaccination. On ne gagnera rien à courir après les complotistes et l’extrême droite.
Pierre Khalfa