Nous ne revenons pas ici sur les raisons de la défaite ni sur l’analyse des forces en présence. Ce court texte ne traite que de l’espace à la gauche du PSOE.
Il y a au final un accord à la gauche du PSOE. Ce nouveau projet porté par Yolanda Diaz , ministre Unidas Podemos et militante du PCE, a pour nom SUMAR ( additionner ). Yolanda Diaz a été désigné par Pablo Iglesias pour prendre sa place comme chef de file de Unidas Podemos au gouvernement.
Bien entendu, vu la situation difficile avec la montée de la droite et la confirmation de la place de Vox, mieux vaut un accord que l’éparpillement et la concurrence électorale. Sans cet accord, le risque de voir la gauche du PSOE quasiment disparaitre du Congrès des députés était réel.
Ceci dit, il est bon d’apprécier la réalité et les conséquences du nouveau projet Sumar
Voyons ce qu’est SUMAR, mouvement qui va fédérer 15 partis.
Sumar, additionner, résume le projet politique.
Il n’y a rien de nouveau sur le plan programmatique et sur la ligne politique par rapport à Unidas Podemos. Nous retrouvons la volonté de participer au gouvernement, pas de mesures fortes du type 35h ou retraite… Certes c’est la continuation de l’accord avec le PSOE mais cela en dit long sur le manque d’ambition de la nouvelle coalition.
Sumar regroupe de nombreuses organisations présentes sur une partie du territoire. Par exemple, Compromis pour Valencia, la Chunta Aragonesa pour l’Aragon, Proyecto Drago, un parti des Baléares, Mas Pais (Errejon) pour Madrid…. Les Verts existent à travers deux petits partis mais sans réalité électorale. Dans ce nouveau mouvement, il n’y a que deux partis présents sur tout le territoire espagnol, Podemos et Izquierda Unida.
Les listes de députés sont constituées par « provincias » (départements) avec une proportionnelle avec un ticket d’entrée à 5%. Le nombre de députés à élire dépend du nombre d’habitant es, les provincias ne sont donc pas égales Comme Sumar est une coalition de plusieurs partis présents sur une partie du territoire les places leur reviennent sur leur territoire, Compromis à Valencia, Proyecto Drago les Baléares, Mas Pais essentiellement Madrid…
Une nouvelle répartition et un nouveau rapport de force se joue à la gauche du PSOE. Jusqu‘à présent, nous avions Unidas Podemos une coalition où Podemos avait la place centrale, le rôle de locomotive et la force de la nouveauté. Nous avons maintenant ce nouveau mécano de répartition territoriale des postes de députés où la place de Podemos et y compris d’IU sont totalement relativisées.
L’accord définitif avec Podemos a été signé au dernier moment juste avant le moment limite pour le dépôt légal de la coalition. Les tensions sont énormes.
La couleuvre est dure à avaler pour Podemos. Sa place hier centrale devient secondaire aujourd’hui et ce n’est pas tout.
Irène Montero, ministre de l’Egalité, n°2 de Podemos, par ailleurs compagne e Pablo Iglesias et surtout porteuse des deux lois phares de Podemos approuvées par le gouvernement actuel, celle sur le consentement (Solo si es si) et la loi « Trans », est écartée des listes. Prenons la mesure. I. Montero, haïe par le PP et Vox, est exclue des listes Sumar. Cela signifie aussi que les deux lois phares de Podemos ne sont pas assumées par Sumar. Il est vrai, que comme vous le savez, ces deux lois ont fortement divisé le mouvement féministe. Pour compléter le tableau, Pablo Echenique, dirigeant historique de Podemos et porte -parole du groupe Unidas Podemos au Congrés des députés, accuse Sumar de l’avoir exclu de la tête de liste de Zaragozza (sa ville) et, en conséquence, il ne se présente pas.
Autre couleuvre pour Podemos, la photo de Yolanda Diaz sera présente sur le bulletin de vote.
Une page se tourne pour Podemos. Cet accord se réalise clairement à son détriment. La mise en place de Sumar et le rôle clé de Y. Diaz, l’exclusion de I. Montero, Pablo Iglesias devenu journaliste, plus les dernières divisions apparues par rapport à Sumar, font que l’avenir est incertain pour Podemos. Il en va de même pour IU.
Sumar est un nouveau projet réformiste coalisant toute la gauche hors PSOE (sauf bien entendu les partis indépendantistes catalans, basques et galiciens). Sumar, organisant et représentant la gauche du PSOE fait que la place de Podemos et d’IU ne seront plus les mêmes. Ils auront d’ailleurs moins de députés mais surtout ils perdent la main devenant un groupe parmi d’autres.
Comme toujours, le succès ou pas de Sumar va largement conditionner son avenir. Les municipales ont été un échec pour tous les partis composant Sumar (Compromis a perdu Valencia, perte de Barcelone…), ce qui n’est pas un bon signe.
Tous les sondages indiquent une victoire du PP, sans majorité absolue. Il trouve cette majorité avec Vox. Le PP, comme il le fait déjà dans des villes et des régions, a déjà annoncé qu’il était prêt à diriger le pays avec Vox. Avec une question, entrée au gouvernement ou simple soutien. Dans les deux cas, cela augure d’une période sombre avec un retour au premier plan du « nationalisme espagnol », des attaques fortes sur les libertés fondamentales, les droits des femmes, des LGBT et immigrés. Mais aussi de fortes tensions avec le Pays Basque et la Catalogne dont les exigences ne sont toujours pas satisfaites.
Vox c’est Zemmour plus le franquisme assumé et un catholicisme version Opus Dei. Il partage avec Zemmour la haine des femmes. Par exemple, la première chose que Vox demande pour des accords avec le PP est de déroger aux lois sur les violences faites aux femmes. De son côté, le PP a annoncé qu’il supprimerait le ministère de l’Égalité., ministère actuel de Irene Montero.
La mémoire du franquisme est encore très présente dans le pays (moins pour les jeunes générations). Souvenons-nous que la Transition date de 1978, ce qui signifie que bon nombre d’entre nous auraient passé des années à militer sous, et contre, le franquisme et il en va de même pour toutes les familles.
La peur fait qu’un vote utile à gauche est possible. S’il existe, il est probable qu’il aille plutôt sur le PSOE que sur Sumar.
Une nouvelle arrivée de la droite dure avec Vox dans les bagages seraient une vraie mauvaise nouvelle pour l’état espagnol mais bien plus largement pour tous les progressistes.
L’élection est le 23 juillet.
Francis Viguié
Pour info, liste des partis présents dans SUMAR : Podemos, IU, Catalunya en Comù, Compromis, Mes per Mallorca, Mes per Menorca, Chunta Aragonesa, Mas Madrid, Mas Pais, Verdes Equo, Batzarre, P. Drago, Alianza Verde, Izquierda Asturiana, Iniciativa des Pueblo Andaluz.