Vendredi soir 21 janvier, une manifestation aux flambeaux contre l’extrême droite et pour la justice sociale, rassemblant plus de 600 personnes, se déroule au centre-ville de Nantes. Une vitrine du magasin Zara est brisée par des individus non identifiés. Le media se revendiquant de l’autonomie, Nantes Révoltée, relaie l’appel à la manifestation du Comité nantais pour l’autonomie des luttes. Le motif de ce bris de vitrine est relié à l’accusation à l’encontre de la multinationale Zara qui profiterait du travail forcé des Ouïghour·es en Chine. Il sera très peu repris dans les médias mainstream pour expliquer ce geste de dégradation à visée politique, hormis l’accusation de saccage. On constate au passage les limites de ce type de pratique qui ne profite en rien à l’action politique et ne parvient pas à mettre sur la place publique la question des crimes contre l’humanité contre les populations ouïghoures.
Au même moment, de manière décorrélé, une messe en mémoire de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793, s’est tenue à l’église Saint-Clément, non loin du cortège de la manifestation.
Le déclenchement des hostilités par la droite locale et l’extrême droite se fait suite à un tweet d’un jeune élu EELV, adjoint à la municipalité de Nantes. Il avait affiché son soutien à cette manifestation, avant que cette dernière ne dégénère : « Marche aux flambeaux contre l’extrême droite. Du monde, de la musique… De quoi interpeller la vie nocturne nantaise sur l’avancée des idées nauséabondes dans notre pays ! » (sur Twitter dans la soirée du 21 janvier avant d’être supprimée par son auteur ).
LR, LREM demande la démission du jeune adjoint. Par exemple ici, on trouvera le tweet de Valérie Oppelt de LREM : « Nantes saccagée, un élu 5ème adjoint de la majorité nantaise se réjouit de ce « moment musical » alors que les commerçants pleurent l’état de leur outil de travail. Vous utilisez les méthodes que vous dénoncez. Honte à vous, démissionnez. ». On pourra souligner un grand classique chez nos ennemis de droite, l’obstination à ne pas différencier le petit commerçant de l’entreprise multinationale. La technique est connue, peu habile mais toujours efficace pour défendre les intérêts de la grande bourgeoisie.
Ou bien, on appréciera, sans aucune hésitation dans la surenchère, le tweet de Laurence Garnier, député LR Loire Atlantique: « Honte à vous, adjoint de @Johanna_Rolland, qui défile aux côtés d’antifas menaçant de mort nos policiers et saccageant notre ville. Assez de cette gauche qui flirte avec les extrêmes et qui tue la France. Nous exigeons des explications de la Maire de Nantes. ». Cette dernière s’était distinguée en demandant et soutenant systématiquement les expulsions de familles, migrantes pour certaines, occupant des bâtiments vides y compris durant l’hiver. Quand on frôle les limites du camp de l’Humanité, la détresse des vitrines d’une multinationale accusée de « recel de travail forcé et de crimes contre l’humanité » peuvent engendrer plus d’empathie à leurs égards que pour des familles de réfugiés abandonnées. Décidément, leur morale et la nôtre, ne seront jamais conciliables.
EELV, et sans surprise le Parti Socialiste, se désolidarisent. La pression du camp réactionnaire est forte car ces organisations n’ont plus de colonne vertébrale sur ces questions et ne savent souvent plus résister frontalement à ce genre de pressions. L’élu rétropédale, s’excuse. Il est isolé, n’a pas de soutien autour de lui. Johanna Rolland, Maire de Nantes, aura une pensée émue pour « les commerçants concernés » qui pourtant, ici, ne vivent pas au-dessus de leur petit commerce. D’une autoroute politique pour dénoncer les pratiques anti-démocratiques de la droite, la montée de l’extrême droite dans ce pays, même les agissements d’une multinationale, cela en devient un chemin de croix.
Acte II. Fort de leur succès, la droite exige, en plus de la démission du cinquième adjoint, la dissolution de Nantes Révoltée. Cette demande a été soutenue par la Présidente de la Région Pays de la Loire LR Christelle Morancais et Laurence Garnier. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, vient d’annoncer le lancement d’une procédure de dissolution à l’encontre de “Nantes Révoltée”. Leurs attaques contre la liberté de manifester, la volonté même de criminaliser des appels à manifester, le fait de viser un media de la gauche radicale sans enquête de police au préalable démontrent une totale confiance de leur part.
Si l’élu d’EELV, et plus largement la majorité municipale, avait tenu bon et su renvoyer la droite à ce qu’elle est, celle-ci n’aurait pas enclenché l’acte deux de leur petit jeu d’intimidation pour mener encore une offensive contre la démocratie et les libertés. Leurs forces sont souvent nos faiblesses ou nos renoncements à mener les combats.
Ce qui est clair, c’est la détermination du camp de la réaction à annexer de plus en plus le champ de la démocratie, des libertés publiques et de la liberté d’expression. Une résistance unitaire doit se faire entendre pour refuser une dissolution qui sonnera comme un appel d’air pour de futur reculs démocratiques dans notre pays. D’ores et déjà, le NPA, La France Insoumise, Nantes en commun, Ensemble!, l’UCL, l’UL CGT, Solidaires et d’autres se sont exprimé·es contre cette censure, cet acte délibéré contre la liberté d’expression.
Ce n’est pas Nantes Révoltée qu’il faut dissoudre mais un système capitaliste prédateur, une machine contre les Peuples qui a fait sécession.
Jericho, Nantes.