Porte-parole de Philippe Poutou, Olivier Besancenot, qui a gardé son sens de la formule, terminait son entretien sur France 2 dans le journal d’Anne-Sophie Lapix en lançant « Mieux vaut Poutou que Poutine ! ». Mieux vaut aussi l’ouvrier licencié en campagne que le Président des riches. Cependant – et Philippe Poutou en a pleinement conscience –, il n’est pas en mesure de signer le prochain bail à l’Elysée. Il reste donc à examiner quelle est la fonction de la campagne de Philippe Poutou et comment elle s’inscrit dans un projet révolutionnaire que le NPA entend porter.
C’est in extremis que le NPA a réussi à rassembler les 500 parrainages indispensables pour pouvoir lancer Philippe Poutou, pour la 3e fois, dans le bain de la Présidentielle. La campagne est donc partie tard mais elle connaît tout de même un petit écho, visible notamment à des meetings, qui certes n’ont pas la taille de ceux de Mélenchon ou d’autres, mais rassemblent dans les villes moyennes et grandes des centaines de participants, dont de nombreux jeunes.
Lors de ces meetings, Poutou dénonce avec justesse les politiques antisociales menées par le gouvernement et le patronat. Il défend un plan d’urgence anticapitaliste comprenant entre autre des mesures comme l’expropriation des grandes entreprises, la Retraite à 60 ans, le SMIC à 1800 euros net ou la gratuité des transports en commun….
A Rennes, le 30 mars, devant 600 personnes, le « candidat anticapitaliste », a aussi consacré un long passage de son discours à discuter, avec humour, de « l’utilité du vote » pour les uns, pour les autres et pour lui : « Les milliardaires, à priori, ils vont pas voter pour notre programme, puisque ce qu’il leur est utile, c’est de voter Macron. Si on est pas très à gauche, mais pas complètement de gauche, on peut voter Hidalgo. Si on est pas écolo, si on est un peu dans le jardinage, on peut voter Jadot ». Si on est pas vraiment communiste, qu’on adore la viande et tant pis si les cochons sont entassés dans les hangars, on peut voter Roussel . Par contre, si on pense que cette société-là on peut la renverser, alors vous pouvez voter pour nous. ».
Et Poutou de rajouter qu’un score anticapitaliste supérieur à l’habituel score de 1%, ça pèserait, parce que « ça changerait l’ambiance », « ça marquerait les esprits pour créer un dynamisme, redonner de la confiance », pour préparer les ripostes qu’il faudra organiser et pour se doter d’un grand parti anticapitaliste qui fait selon lui aujourd’hui défaut.
Mais il manquait de discuter de l’utilité d’un vote en faveur de Mélenchon, alors, pour conclure son meeting, le candidat du NPA y a consacré une longue analyse. S’il l’a fait en détail, c’est bien le signe d’une certaine proximité qui fait que même les électeurs qui peuvent envisager de voter Poutou choisissent Mélenchon parce que justement, ils trouvent que c’est plus utile. Une proximité que Poutou reconnaît d’ailleurs, quand il dit que le NPA « partage quasiment tout du programme » porté par Mélenchon. Alors si tel est le cas, pourquoi ne pas faire cause commune à cette élection dans la foulée des deux campagnes communes menées en Aquitaine et en Occitanie aux dernières élections régionales ou à Bordeaux lors des municipales ?
On sent bien que le NPA a du mal à trouver des arguments compréhensibles pour marquer la différence avec l’Union populaire.
Pour y parvenir, Poutou a beaucoup insisté sur le fait que Mélenchon veut faire la révolution par les urnes et que, pour le NPA, c’est dans la rue que ça se passe. Selon Poutou, même si on élit Mélenchon, « ça marchera pas parce que les capitalistes gardent la même force ». Au passage, il tord un peu la réalité de la position de la France insoumise car, du côté de ses cadres, on a bien conscience du fait que prendre le pouvoir institutionnel ne suffira pas. C’est peut être de bonne guerre (electorale) mais la démonstration de Poutou révèle la faille de la stratégie du NPA actuel. Ne peut-on pas en effet considérer qu’un autre scénario est possible. En effet, si Mélenchon arrivait au pouvoir et qu’il commençait à mettre en œuvre son programme, il ne fait aucun doute que la bourgeoisie française et européenne, leurs gouvernement de Berlin à Rome, les institutions bureaucratiques de Bruxelles se déchaîneraient pour lui mettre des bâtons dans les roues : fuites des capitaux, sanctions économiques, ruptures diplomatiques et autres injonctions de la commission européenne se mettraient à pleuvoir. Mais dans ce cas-là, cela pourrait aussi ouvrir une logique de confrontation, une irruption sociale de grande ampleur pour soutenir le gouvernement et peut-être même aussi provoquer contagion sociale et politique dans d’autres d’autres pays d’Europe.
Dit autrement, le NPA a raison de rappeler l’importance de la rue. Il a tord de l’opposer à la prise de pouvoir institutionnel. Chercher à combiner les deux n’est pas une garantie absolue mais cela ouvre la possibilité d’une bifurcation révolutionnaire. C’est un pari, une tentative, dont le résultat n’est pas écrit d’avance et qui est plus utile que de cultiver un pré-carré ou de jouer les cassandre.
C’est le sens que notre courant, Ensemble-Insoumis.e, au sein duquel on compte de nombreux militant-e-s issues du NPA, donne à sa participation pleine et entière à l’Union populaire. Nous n’avons pas renoncé à convaincre nos camarades restés au NPA de faire ce même choix. Parce que le rassemblement des anticapitalistes, de toutes celles et ceux qui n’ont pas renoncé à la possibilité d’un autre monde, est une nécessité incontournable. Le NPA y a toute sa place.
Fred Borras