# 6 – Note du groupe de réflexion sur la crise sanitaire – Juillet 2021
Il est urgent que les brevets sur les vaccins soient levés !
Il est impératif que la couverture vaccinale de la population, ici et dans le monde, se généralise !
Il est indispensable que les soignant.es soient vacciné.es contre le Covid !
Comme l’été dernier, nous sommes sorti.es du confinement et nous ne souhaitons pas y retourner. Nous voulons oublier le plus vite possible ces dix-huit mois qui ont été si difficiles pour la population – à l’exception des milliardaires du CAC 40 rappelons-le ! Néanmoins, le risque lié au variant Delta apparu en Inde, plus contagieux (R0 estimé à 4), s’installe progressivement au niveau mondial comme au niveau national. La progression du variant Delta, fait de l’élargissement de la couverture vaccinale une priorité. En effet, on sait avec certitude que l’aspect d’une 4e flambée épidémique et l’impact qu’elle aura dépendent en grande partie de son étendue. Or, dans le même temps, alors qu’elle représente au plan mondial un enjeu sanitaire majeur dans cette perspective, la levée des brevets sur les vaccins contre le SARS-Cov2 n’est toujours pas défendue par la Commission Européenne, pas plus que par le gouvernement français, qui laissent se creuser les inégalités entre les pays les plus riches et les pays pauvres à la merci de nouvelles vagues épidémiques et de nouvelles mutations du virus potentiellement plus contagieuses et/ou meurtrières. Actuellement, dans une Tunisie largement privée de vaccins, où moins de 2% de la population totale a eu accès à la vaccination, l’épidémie fait rage avec des conséquences absolument dramatiques. La bataille pour la levée des brevets doit s’intensifier à l’échelle internationale et européenne, pour ces raisons de fond à la fois de l’ordre de la solidarité internationale et de la sécurité sanitaire mondiale.
En France, l’accès aux vaccins n’est plus ce qui freine la vaccination et par conséquent la lutte contre la pandémie. La défiance envers la vaccination n’y est pas nouvelle, mais elle prend parfois une coloration « antisystème » qui se développe via les réseaux sociaux de façon puissante et s’infiltre dans certains secteurs se réclamant de la transformation sociale et écologique. Ces théories « antivax » sont pourtant – et cela est encore plus évident avec la crise du COVID-19 compte tenu des urgences immédiates auxquelles elle nous expose – dénuées de tout fondement sérieux dans les connaissances scientifiques actuelles. Il faut souligner également dans ce contexte que les individus qui présentent des facteurs de risque face au virus (les patients très âgés ou les patients immunodéprimés par exemple, notamment les cancéreux du fait de leur traitement) répondent moins bien au vaccin. Pour ces patients ou personnes âgées fragiles, la vaccination de celles et ceux qui les entourent et qui les assistent – et donc des soignant.es en premier lieu, mais pas seulement – répond à une prophylaxie qui est indispensable pour éviter leur contamination avec ses conséquences tragiques.
La défiance à l’égard de la vaccination marque l’étendue de la défiance vis-à-vis des institutions de santé, publiques ou privées (les grands laboratoires du « Big Pharma »), et du gouvernement, et également en ce qui concerne les soignant.es la défiance vis-à-vis de tutelles et d’un management qui ont multiplié les injonctions contradictoires mais toujours autoritaires, et qui sont au quotidien les acteurs d’une maltraitance généralisée des personnels de santé. Mais, alors que la ressource vaccinale est aujourd’hui la clé de la lutte contre une pandémie mondiale dont les effets sont toujours dévastateurs, il serait absurde de considérer le consentement à la vaccination générale comme un référendum pour ou contre Macron. La pandémie qui depuis un an et demi a fait des millions de morts , en particulier dans les pays du sud où le taux de vaccination est dérisoirement faible – et pour lesquels nous réclamons la levée des brevets – devrait suffire nous à convaincre. Au Brésil, où en une seule année il y a eu 523 000 morts, le président d’extrême droite, Bolsonaro, mène une campagne acharnée contre la vaccination. Sans parler de la situation de l’Inde, de la Tunisie, de l’Afrique du Sud. Situation à comparer avec les résultats obtenus là où la vaccination a été largement répandue.
Là où le débat devrait porter sur l’urgence d’aller vers les oublié.es de la vaccination (les plus pauvres, les plus éloigné.es des grands centres de vaccination, les plus éloigné.es d’internet, les précaires, les Sans Domicile, les plus fragiles face au Covid-19 et les moins vacciné.es), sur l’urgence de bâtir les gestes barrières avec les populations, et bien sûr sur la levée des brevets, il porte encore une fois après les annonces de Macron lundi 13 juillet, dans un nouvel acte de « gouvernance » solitaire de la crise, sur les décisions imposées d’en haut par un gouvernement délégitimé par sa gestion inefficace de l’urgence sanitaire. En France, le gouvernement est très largement responsable du retard pris par la vaccination. Au plan international, il s’oppose à la levée des brevets. On ne peut que souligner qu’il cherche actuellement à se donner les apparences de la rigueur et de l’efficacité et à s’exonérer de ses responsabilités.
Face à lui, en même temps que l’exigence de la levée des brevets pour favoriser l’accès à la vaccination des populations des pays dominés et pauvres, c’est une politique de santé publique démocratique et égalitaire, contrôlée par la population, que nous devons défendre ensemble (soignant.es, enseignant.es, aidant.es, etc.). Une telle politique s’adresserait à toute la société et pas seulement aux individus pris isolément, car c’est de la protection de la population dans sa totalité dont il doit être question. Elle inclut nécessairement aujourd’hui l’accès pour tou.tes à la protection sanitaire globale assurée avec le plus d’efficacité et le moins de risques par les vaccins.
Depuis plus d’un an, les soignant.es ont fait face, avec énergie et dévouement, à une crise sanitaire d’une ampleur et d’une gravité sans précédent depuis très longtemps, sans matériel adapté parfois, souvent sans protection, ce qui a impliqué des malades et des décès en nombre important dans leurs rangs. Ils sont encore largement plongé.es dans cette crise et en subissent toujours les conséquences. La réponse du gouvernement à leurs revendications, notamment après le premier confinement au moment du «Ségur de la santé», a clairement été une trahison et un déni massif non seulement des sacrifices consentis, mais des besoins considérables que la crise a soulignés. Elle a même comporté une part d’humiliation quand un « effort » supplémentaire leur a été demandé par Macron entre la 2e et la 3e flambée de l’épidémie en France.
Or, selon la Fédération hospitalière de France, la vaccination des soignants plafonne à 64 % à l’hôpital et à 57 % dans les EHPAD. Selon Libération à l’AP-HP, 91% des médecins mais seulement 51% des infirmier.es et aides soignant.es sont vaccinés. Des chiffres sous-évalués, issus de la médecine du travail, qui ne comptabilisent pas les soignants vaccinés en ville ou en « vaccinodrome ». Mais des chiffres qui témoignent d’une résistance forte à la vaccination de la part des soignant.es, notamment parmi les catégories les plus exploitées et les plus mal rémunérées. Dans ces conditions, la confiance dans les autorités de santé publique ne peut pas être restaurée sans une réforme radicale du système de santé impliquant en premier lieu une revalorisation salariale massive, l’amélioration immédiate des conditions de travail et l’arrêt des politiques de fermeture de lits et de services et de destruction de l’hôpital public. Mais l’élargissement de la couverture vaccinale, comme enjeu majeur de santé publique, si elle doit être articulée aux exigences liées à la défense du service public et des travailleuses et travailleurs de la Santé, ne peut pas leur être subordonnée. C’est non seulement une mesure de protection immédiate pour les soignant.es, s’ils/elles ne présentent pas une immunité acquise encore suffisante, la meilleure depuis le début cette crise, mais elle est évidemment une mesure de protection absolument nécessaire pour leurs patient.es, et pour le système de santé en général.
Par conséquent, aucun argument ne permet de justifier le refus d’être vacciné.e parmi les personnels de santé et d’accompagnement, sauf bien entendu contre-indication médicale, alors qu’ils/elles sont au contact de patient.es vulnérables. Cela contredirait les impératifs de santé qui sont indissociables pour nous de l’existence et du fonctionnement du service public que nous défendons. C’est la responsabilité des forces progressistes et des organisations du mouvement social de le rappeler. Les seules raisons valables de ne pas se vacciner volontairement sont les contre-indications médicales et il est nécessaire que tou.tes les soignant.es pour qui elle n’est pas contre-indiquée soient vacciné.es dans les plus brefs délais. Il est juste que les usagers des hôpitaux et des EHPAD reçoivent cette garantie de la part du système de soin. Quoiqu’on pense des mesures autoritaires prises par le gouvernement, on ne voit pas bien sur quelle base rationnelle pourrait longtemps être défendu un « droit » individuel à ne pas être vacciné.e en tant que soignant.e alors que de tels enjeux de protection des patient.es sont en jeu.
Bien sûr, pour que l’impératif de la vaccination se concrétise, parmi les soignant.es comme parmi la population dans son ensemble, il faut de la pédagogie et une implication des travailleuses/travailleurs de la santé et des citoyen.nes elles/eux-mêmes. En ce qui concerne les soignant.es, il faut en premier lieu sortir de la stigmatisation – notamment par une vaccination générale élargie aux professions de service public en contact rapproché et prolongé avec les usager.es (les enseignant.es notamment) – et faciliter encore l’accès à la vaccination sur les lieux mêmes de l’activité en accordant également à chacun.e les 24 heures de congé nécessaires, sans prélèvement du jour de carence. Les syndicats qui défendent le service public et l’intérêt des salarié.es et tou.tes celles et ceux qui ont dénoncé les scandales de santé publique – comme Irène Frachon qui joua un rôle décisif de lanceuse d’alerte dans l’affaire scandaleuse du Mediator et qui tout en comprenant « la confusion et la défiance (…) » déclare que « la rigueur, l’analyse démontrent de manière évidente les bénéfices massifs de cette vaccination » – doivent pouvoir prendre la parole et favoriser le débat dans le but de convaincre.
Une telle démarche souligne par ailleurs à nouveau l’urgence de rompre avec le cadre antidémocratique, exclusif et opaque de gestion de la crise qui nous a été imposé par le gouvernement au travers d’un Conseil de défense soumis à l’exécutif, sous le couvert d’une loi Urgence qui désarme le Parlement et les citoyen.nes.
Cette démarche réclame aussi une campagne d’information populaire, sérieuse et large, impliquant les organisations de la société civile et le mouvement syndical, qui éclaire les enjeux de la vaccination de masse pour l’intérêt général et qui les rende accessibles à la population dans son ensemble.
Enfin, la vaccination générale des soignant.es ne doit pas être dissociée de la vaccination de la population dans son ensemble. Cela passe par un « aller vers » – les personnes âgées et/ou isolées, les précaires, les publics fragiles, etc. – en milieu rural comme en milieu urbain . Cela suppose une vaccination généralisée à toutes les classes d’âges susceptibles d’être vaccinées. Cela implique enfin le développement intense de la solidarité internationale face à la crise Covid et à l’urgence vaccinale, et des initiatives permettant de porter et d’imposer l’exigence minimale de la mise sous licence publique des différents vaccins disponibles.
Le groupe de réflexion sur la crise sanitaire d’Ensemble et d’Ensemble Insoumis (chercheur.es, praticien.nes et militant.es)