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Portugal : résolution politique de la direction nationale du Bloco

  1. Les élections législatives ont confirmé le Bloco de Esquerda en tant que troisième force politique au Portugal

Le Bloco a maintenu son groupe parlementaire, a fait la preuve de la solidité du camp populaire qu’il représente et a homogénéisé son expression territoriale, ce qui a par ailleurs contribué à ce qu’il ne puisse exister une majorité absolue1 La campagne du Bloco a été concentrée sur les priorités politiques de son programme et a montré, lors de ses initiatives, l’accroissement de sa base populaire et la mobilisation de secteurs qui avaient dirigé des luttes importantes et qui avaient obtenu des victoires marquantes au cours du cycle politique qui vient de prendre fin.

Avec un pourcentage national de 9,67 %, le Bloco enregistre une légère diminution par rapport à 2015, quoique ses scores se soient améliorés dans la plupart des circonscriptions : Aveiro, Beja, Braga, Bragança, Castelo Branco, Coimbra, Évora, Guarda, Viano do Castelo, Vila Real, Viseu et dans la Région autonome des Açores. À Aveiro et à Braga, cette progression en pourcentage a permis de conquérir deux nouveaux sièges, ce qui a compensé la perte des sièges de Madère et de Porto.

Aux élections législatives, en termes absolus, le Bloco de Esquerda a obtenu 500.017 voix. En comparant les législatives de 2015 avec celles de 2019, qui ont connu un taux d’abstention plus élevé, le Bloco a perdu 50.875 voix. La tendance à la baisse du nombre de votants est générale sur le territoire, seules y échappent les circonscriptions d’Europe et hors d’Europe (plus 6.496 voix), et quatre circonscriptions : Viana, Viana Real, Viseu et Coimbra (dans chacune des deux dernières le Bloco progresse de 1000 voix par rapport à 2015). Le renforcement du PS, mais aussi du PAN2 (qui a maintenant un groupe parlementaire, avec des députés élus à Lisbonne, Porto et Setúbal) et du Livre3 (une députée élue à Lisbonne) a renforcé la pression sur des circonscriptions où historiquement le Bloco avait le plus grand nombre de votants et où il a perdu le plus grand nombre de voix : à Lisbonne, moins 18.493 ; à Porto moins 12.401, à Setúbal moins 7.413 ; à Faro, moins 5.667 ; à Santarém, moins 3.348 ; dans la région de Madère moins 6.536. Ce dernier résultat fait suite à celui des élections régionales du 22 septembre, où le Bloco de Esquerda n’a pas réussi à avoir d’élu à Madère.

Le résultat de ces élections met en évidence la capacité du PS à traduire en reconnaissance électorale les mesures socialement progressives de la majorité parlementaire sortante, car c’est le parti qui a le plus progressé tant en pourcentage qu’en nombre de voix, sans atteindre cependant la majorité absolue. De l’autre côté on constate l’érosion électorale du PCP.

Le Bloco de Esquerda, comme il l’avait déjà affirmé au cours de la campagne, a manifesté dès le soir des élections sa disponibilité pour une renégocier un accord semblable à celui qui avait été conclu il y a quatre ans. Et aussi qu’il ne s’opposerait pas à un gouvernement minoritaire du Parti Socialiste, quand bien même un tel accord ne verrait pas le jour.

Le PS a d’abord annoncé sa volonté de travailler à un accord de majorité parlementaire. Aussi lors de la réunion entre les deux partis, le Bloco de Esquerda a-t-il présenté une proposition de base et une méthode pour négocier cet accord, qui reprenait les engagements de 2015 (aucune réduction directe ou indirecte des revenus du travail, aucune privatisation, aucune modification de la Constitution ou de la loi électorale par accord avec la droite), qui pointait les domaines de négociation (travail et fiscalité ; services publics et droits ; investissement et climat) et qui commencerait par mettre fin à ce qui reste encore des coupes de la troika dans la législation du travail (rétablissement des congés, paiement des heures supplémentaires et indemnisation des licenciements). Le PS n’a présenté aucune contreproposition et, deux jours plus tard, a refusé d’entamer un processus de négociations en vue d’un accord à l’horizon de la législature.

En refusant de négocier un accord pour la législature, le PS a choisi de ne pas constituer de majorité parlementaire, contrairement à ce qui s’était produit en 2015. La façon dont la direction du PS a mis en œuvre les contacts post-électoraux avec les autres forces politiques, et son choix de gouverner sans majorité et sans accords, en cherchant des ententes ponctuelles avec l’opposition de gauche, met en évidence la lecture que le PS fait du nouveau rapport de forces au Parlement.

Le Bloco de Esquerda est disponible, et prétend, dans ce nouveau cadre politique, apprécier et négocier avec le PS les décisions à prendre au parlement et, particulièrement, les budgets de l’État. Les priorités du Bloco découlent du programme sur lequel il s’est engagé dans ces élections : restauration des salaires et des pensions, renforcement des services publics, investissement public pour répondre à la crise du logement et à l’urgence climatique.

2.

Le Bloco de Esquerda n’a pas atteint ses objectifs aux élections régionales à Madère. Dans un cadre de forte polarisation entre le PS et le PSD4, qui a rendu difficile au Bloco Madeira de faire passer son message, non seulement le Bloco de Esquerda a perdu sa représentation parlementaire à l’Assemblée Législative Régionale de Madère, mais encore la droite continue à gouverner la région, dans un parlement qui a moins de représentants de gauche (le Bloco perd deux élus, le PCP en perd un et n’en conserve qu’un).

Et quoique pour la première fois depuis le 25 avril, le PSD de Madère n’ait pu obtenir la majorité absolue, le CDS (qui a perdu des voix et des élus) lui a garanti les trois voix nécessaires pour qu’il continue à gouverner avec une majorité parlementaire.

Ces résultats méritent une réflexion approfondie, au cours des prochains mois, étant entendu que le Bloco de Esquerda à Madère poursuivra son combat de toujours et s’opposera au gouvernement PSD/CDS de Madère.

3.

Les rebondissements du processus qui a débouché sur l’élection de la nouvelle présidente de la Commission Européenne, l’Allemande Ursula Von der Leyen, est symptomatique de la profondeur de la crise politique des institutions de l’Union Européenne.

Pendant des mois, toutes sortes de représentants du bloc central européen avaient promis que le nouveau leader de la Commission serait choisi parmi les spitzenkandidaten5. L’inconsistance de ces garanties valait bien au Portugal celle des promesses d’António Costa et du PS qui, sous la direction du président français, le libéral Emmanuel Macron, annonçaient une Europe progressiste pour barrer la route à l’extrême-droite.

Des ruines de cette promesse est née une Commission Européenne où pèse de manière inédite l’extrême-droite, dirigée par une ex-ministre d’Angela Merkel qui doit son élection à Viktor Órban et ses alliés, et une Banque Centrale dirigée par Christine Lagarde, ex-ministre de Sarkozy et l’une des principales responsables des désastreuses interventions de la troïka.

Au cours de la nouvelle législature, le Bloco de Esquerda se battra pour une réponse effective aux changements climatiques, qui doit passer par un Pacte Vert européen, par le plein emploi et par des services publics forts, rejetant l’austérité, le militarisme et l’Europe forteresse.

4.

L’Action Climatique est entrée dans les mœurs et nous devons aller plus loin dans le combat pour nos vies.

Le mois de septembre a été marqué par le Sommet d’Action Climatique des Nations Unies et par la troisième grève général étudiante et la première grève général climatique internationale. Au Portugal elle a pu compter sur l’adhésion de quelques syndicats, tout particulièrement celle de la Fenprof6.

Les attaques des négationnistes et du lobby des combustibles fossiles se font ce mois-ci plus agressives, avec la dissémination de fausses informations et de théories conspirationnistes pour attaquer les jeunes qui ont rempli les rues le 27 septembre et Greta Thunberg. Les « enfants » ne se laissent pas intimider et l’on annonce déjà une nouvelle grève internationale pour le 29 novembre.

Les incendies en Amazonie les récentes mobilisations indigènes en Équateur sont les expressions les plus actuelles de l’urgence et de la centralité de la question climatique. Au Portugal ses effets se font sentir, depuis les effets de l’ouragan Lorenzo à la disparition par assèchement des rivières Ponsul et Sever.

Dans ce cadre nous réaffirmons notre combat contre les changements climatiques. Nous exhortons le gouvernement de souscrire la Déclaration d’Urgence Climatique — à l’image de la position prise par la ville de Lisbonne lors du récent Forum Mondial des Villes C40.

Et nous sommes toujours pour la fermeture de la centrale de Sines d’ici 2023 et de la centrale de Pego à échéance du contrat en vigueur, en 2021. Selon les dernières données connues, l’utilisation du charbon a considérablement diminué et le rapport sur la sécurité de l’approvisionnement de la DGEG prévoit, dans son test de stress, la fermeture des deux centrales pour 2020, ce qui prouve la faisabilité des propositions du Bloco : il faut fermer les deux principales sources nationales d’émissions de carbone avant la fin de la prochaine législature.

Le 19 octobre 2019. Traduction Jean José Mesguen.

1 C’était le principal enjeu de la campagne : le PS, fort des succès enregistrés par son gouvernement minoritaire soutenu par le Bloco de Esquerda et le PCP, voulait se passer de ces alliés trop à gauche…

2 Personnes, Animaux, Nature, un parti écologiste animaliste fondé en 2009.

3 Livre, un parti « écolo-socialiste et européiste » fondé en 2013.

4 PSD, parti de centre-droit, qui avait la majorité absolue dans l’île depuis 43 ans.

5 Terme employé pour désigner les têtes de listes des partis représentés au Parlement Européen. La promesse de désigner à la Commission la tête de liste du parti vainqueur était censée donner plus de légitimité au Parlement vis-à-vis des chefs d’État.

6 Principale organisation syndicale dans l’enseignement.