Sur le cadre politique post-électoral
1. Les partis qui ont gouverné ces cinquante dernières années ont atteint un niveau historiquement bas lors de ces élections. Il s’agit d’un processus d’érosion, peu linéaire mais de longue durée, résultat d’une alternance sans réelle alternative dans le cadre de la gouvernance européenne.
2. La radicalisation de la droite, identifiée depuis longtemps, est accélérée par le résultat de Chega, qui parvient à mobiliser de nouveaux électeurs, des jeunes et des abstentionnistes habituels.
3. Cette radicalisation est également visible dans le programme et le discours d’AD et IL. Ce bloc a une frontière peu solide avec l’extrême droite et fait évoluer son discours vers un libéralisme de plus en plus agressif qui reprend même des thèmes d’extrême droite tels que l’immigration ou l’aide sociale, entre autres.
4. Le racisme et l’ultra-conservatisme sont les caractéristiques d’une reconfiguration internationale de la droite qui vise à répondre à la stagnation capitaliste par un nouveau programme autoritaire et l’expansion de l’extractivisme, la marchandisation de la société et la protection des petits et grands rentiers. Ces processus bénéficient du soutien de l’élite économique, d’organisations religieuses et de divers intérêts géopolitiques.
5. Au Portugal, ce projet récupère de vieux récits (glorification du passé colonial, islamophobie et gypsophobie séculaires, peur misogyne de l’égalité) et de nouveaux mécontentements (désertification et abandon par les services publics), notamment chez les jeunes qui subissent l’inaccessibilité de l’autonomie individuelle (crise du logement, bas salaires, émigration forcée).
L’héritage d’António Costa : le plus grand virage à droite de l’histoire démocratique
6. Compte tenu de l’état de dégradation avancé de la majorité absolue du PS, le facteur déterminant pour avancer les élections a été l’opération Influencer qui, bien que mal expliquée à ce jour, a défini l’environnement politique.
7. Le discours électoral du PS a été centré sur la défense de « l’héritage d’António Costa », sans aucune autocritique sur les échecs des années 2019-2024 dans la réponse à l’inflation et à la débâcle du logement et des services publics.
8. Avec pour seul projet la poursuite de la majorité absolue, le PS a décrédibilisé l’hypothèse d’une nouvelle majorité politique, défendue par tous les partis à la gauche du PS, pour écarter la droite et répondre aux échecs de ces dernières années. La campagne du PS a ainsi facilité le virage à droite, le plus important de l’histoire de la démocratie portugaise.
9. Dans ce contexte défavorable, le Bloc a pu maintenir sa représentation parlementaire et même augmenter son nombre de voix de 35 000. La résilience du Bloc est due à sa clarté sur trois aspects essentiels : i) la clarté du contenu d’un gouvernement favorable aux services publics, aux droits sociaux, au travail et aux revenus ; ii) l’affrontement avec le pouvoir économique, en dénonçant la contre-réforme fiscale de la droite et en affrontant les rentiers, l’immobilier et tous les bénéficiaires de l’inflation (banques, hypermarchés, énergie), qui ont d’ailleurs manifesté leur hostilité au Bloc ; et enfin, iii) l’affrontement avec l’extrême droite, en lui créant la seule difficulté sérieuse à laquelle elle a été confrontée dans toute la campagne – expliquer son financement, comment elle est financée par des millionnaires. La réponse de la gauche, c’est la persévérance, l’unité, la lutte et l’alternative.
10. La persévérance, dans le sens de ne pas succomber à la pression de la droite, d’admettre la corrosion du programme historique de la gauche, que ce soit dans la lutte pour les droits des immigrés, contre le racisme et la xénophobie, ou dans la confrontation avec le conservatisme au nom des droits de l’homme.
11. L’unité, comme un véritable effort pour porter le plus loin possible l’action commune de tous les secteurs qui s’opposent à l’offensive de la droite. Le premier moment de cette réponse unifiée devrait déjà avoir lieu lors des commémorations populaires du 25 avril, où toutes les forces démocratiques, toutes les personnes, les collectifs et les mouvements devront être présents. L’expression massive de l’engagement en faveur d’un projet de pays fondé sur la démocratie et la justice sociale est le meilleur contrepoint à ceux qui pensent que ces élections ont enterré le 25 avril et ouvert une nouvelle ère où ne s’affronteront que les versions autoritaires et libérales d’une même société marchande et inégalitaire.
12. Lutte, parce que la profondeur des contradictions qui déchirent la société portugaise laissera ouverte une série de conflits dans lesquels la gauche a un rôle décisif à jouer dans les nouvelles circonstances. Sur le front du travail, pour les causes du logement ou de la justice climatique, dans la défense de la santé publique, dans l’affirmation du féminisme et des droits LGBTQI+, dans la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination, il y aura des luttes en riposte aux mesures du gouvernement de droite, ainsi que des mobilisations pour isoler l’agenda de l’extrême droite, ou même des explosions face aux impasses sociales que le nouveau gouvernement n’a pas l’intention de surmonter.
13. Alternative, car ce n’est qu’avec une planification écologique de l’économie et des politiques d’égalité réelle, qu’avec un programme socialiste de transformation du pays, que le projet de démocratie et de droits sociaux qu’Avril 25 a inscrit dans la Constitution pourra être réalisé.
14. Le Bureau national souligne la mobilisation engagée des militants du Bloc de gauche dans tout le pays, qui ont mené une campagne électorale très visible dans les rues et se sont toujours rendus en grand nombre aux multiples initiatives. Au cours des deux prochaines semaines, des assemblées de district se tiendront pour discuter des résultats des élections et préparer les élections européennes.
15. Dans les semaines de la campagne électorale et dans la semaine qui a suivi les élections, les demandes d’adhésion au Bloc ont été reçues à un rythme sans précédent dans l’histoire du parti, plus de 1 500 en moins d’un mois. Le débat sur le bilan électoral doit aussi être l’occasion d’accueillir les personnes qui rejoignent aujourd’hui le Bloc. Parallèlement à ce débat, des moments doivent être organisés pour présenter le parti, ses structures et les différentes possibilités de militantisme qui s’offrent à chaque personne qui adhère.
Les élections européennes
Prévues pour le 9 juin, les élections européennes constituent un moment décisif pour la clarification
politique au Portugal et pour la définition de l’Europe que nous voulons. Le Bloc est déjà engagé dans
la préparation de sa candidature et dans le débat sur son programme pour les élections européennes,
qui sera adopté par le Bureau national le 6 avril.
Le 16 mars 2024.