Le Pacte européen sur la migration et l’asile voté le 10 avril dernier par le Parlement européen et ratifié par le Conseil le 24 mai sanctuarise la politique d’Europe forteresse mise en place depuis vingt ans et renforcée depuis la crise de l’accueil des réfugié·es syrien·nes en 2015.
Après trois ans de négociation très dure, malgré le travail des député·es de la Gauche et d’une large partie des écologistes, il aura été quasiment impossible d’infléchir une politique migratoire fondée sur le rejet des personnes exilées et leur enfermement aux frontières de l’espace Schengen. A l’appui de l’argumentaire sur la « pression » migratoire, Frontex estime à 380 000 les passages de personnes sans visa l’année dernière, sans préciser que beaucoup de migrant·es refoulé·es tentent plusieurs fois leur chance. Comme le soulignent les chercheur·es et les démographes, il est impossible de connaître le niveau des flux d’arrivée, mais les associations de soutien aux personnes exilées soulignent que l’Europe aurait les moyens d’accueillir bien plus de migrant·es, dans des conditions dignes et respectueuses des droits humains.
La veille du vote, 161 organisations de la société civile européenne avaient appelé le Parlement à rejeter le pacte : « Cet accord s’inscrit dans la continuité d’une décennie de politiques qui ont conduit à la prolifération des violations des droits en Europe. De plus, ce pacte aura des conséquences dévastatrices sur le droit à la protection internationale dans l’Union européenne et permettra des abus dans toute l’Europe, y compris le ”racial profiling”, la détention de facto par défaut et les refoulements. »
La similitude avec l’adoption de la loi Darmanin en France n’est pas fortuite. Au Conseil, à la Commission et au Parlement européen, conservateurs et sociaux-démocrates ont travaillé main dans la main pour concevoir les cinq règlements qui composent le pacte, sous la pression de l’extrême droite. Ainsi, le règlement sur le filtrage des entrées viole les droits fondamentaux des personnes prévus par les conventions internationales : développement des centres de rétention (« hot spot ») prétendument hors territoire de l’Union européenne où les personnes sont enfermées dans des conditions indignes, enfermement possible des enfants dès l’âge de 6 ans, raccourcissement des délais d’examen des demandes d’asile, refoulement systématique des demandeurs d’asile dont les demandes ont peu de chances d’aboutir. Tournant le dos à la Convention de Genève sur les réfugiés, l’examen ne sera plus « personnel », en fonction du risque encouru par la personne, mais fondé sur les statistiques d’octroi de l’asile selon le pays d’origine ; autrement dit, la demande de protection en raison du risque de mutilations génitales, de mariage forcé ou de l’orientation sexuelle passera en dessous des radars si la personne provient d’un pays dit « sûr ».
Malgré ce revers, la lutte continue contre les dispositifs mortels du pacte, pour en finir avec l’approche coloniale et raciste des migrations, pour obtenir des voies de migration sûres, pour garantir le droit d’asile et pour construire avec les migrant·es un autre pacte qui respecte la liberté de circulation et d’installation.
Dès le 10 juin, nos député·es de l’Union populaire-France insoumise seront en première ligne pour porter ce combat au Parlement européen.
Sylviane Gauthier
Lien de l’émission A l’air libre de Mediapart avec Rima Hassan :