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Montpellier : vers une OPA sur la ville ?

Il y a des précédents… Lors des municipales de 1983, nationalement on se souvient de la défaite électorale cinglante de la gauche. Le PS et le PCF prennent une raclée et perdent un grand nombre de leurs municipalités au profit du RPR et de l’UDF. Dans la région, et plus particulièrement dans le Gard, 1983 est l’année de la prise de Nîmes par l’industriel Jean Bousquet au PCF. Maire visionnaire pour les uns, mégalo pour les autres, l’histoire ne se termine pas très bien pour lui avec en 1997 une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour diverses affaires d’abus de bien sociaux, ni pour Nîmes avec près de 2,4 milliards de francs de dettes, plaçant ainsi Nîmes dans les dix villes françaises les plus endettées, à deux doigts d’une mise sous tutelle préfectorale.

 

Le désir des grands patrons de prendre la ville où ils habitent, où ils amassent leur fortune, se fantasmant grand suzerain guidant leur peuple, ne date pas d’hier. Récemment on peut avoir en tête le cas de Serge Dassault, mais tels les poissons volants, si cela existe, cela ne constitue pas la majorité de l’espèce des maires. Très souvent, pour les communes importantes, le contre-poids des forces de gauche, du mouvement ouvrier ou de la vieille bourgeoise notable très implantée ont souvent contre-carré les plans de conquête de ces grands seigneurs multi-millionnaires.

Ces dernières années, avec le paysage politique chaotique et la crise des partis traditionnellement dominants, la situation semble quelque peu changer. On a pu le voir aux dernières élections présidentielles aux États-Unis, avec l’élection du milliardaire Trump. Influer, pour ne pas dire plus, sur le monde politique au travers des médias qu’ils trustent, avec des liens entre ces grands groupes et les journalistes en vue ne leur suffit plus. Ils veulent désormais avoir directement le pouvoir. « Le roi c’est moi! ». Après tout on n’est jamais mieux servi que par soi-même et la période, tumultueuse, et sans grands repères, leur offre une fenêtre. En sera-t-il de même pour Montpellier avec l’aventure Altrad ?

Bien sur il y a eu la campagne de Menucci aux municipales de Marseille en 2013, mais ce sont surtout les dernières campagnes présidentielles de 2016, notamment celle de Trump, qui ont vu émerger des nouveaux outils numériques qui révolutionnent la façon de mener campagne : les plateformes numériques, telles que le très emblématique NationBuilder. Ces plateformes permettent de faire une campagne de façon très centralisée et optimisée, de gérer un fichier de contacts de plusieurs millions de personnes, des campagnes de dons…

Un outil dont s’est très certainement déjà doté l’équipe d’Altrad et qui va constituer le cœur de la stratégie échafaudée très soigneusement par la « dream-team » de l’équipementier des bétonneurs pour sa conquête de Montpellier.

L’élément central de cet outil est le « fichier des contacts » qui est constitué par la liste électorale de Montpellier, croisée avec la carte des résultats électoraux des dernières élections, enrichi par les données INSEE et d’autres fichiers payants qu’il sera facile d’obtenir pour cette liste dont l’argent ne sera pas un problème à coup sûr. Une liste dont les dépenses atteindront très certainement le plafond autorisé sans souci. Pour information, le plafond pour l’élection municipale à Montpellier est entre 250 000 et 350 000 €, l’équivalent du prix d’une Ferrari, une bagatelle suivant de quel côté du CAC 40 on est.

Bref, ce fichier va permettre une campagne ciblée, des porte-à-portes des plus efficients, une diffusion de la propagande par la poste, par SMS, par mail, par les réseaux sociaux aux petits oignons . Il palliera, grâce à ce type de logiciel, l’absence de réseaux militants et d’implantation sur le terrain. Couplé à une orientation politique populiste, « ni gauche ni droite bien au contraire », saupoudré par quelques phrases creuses, par quelques concepts vides et mis en musique par des bataillons de précaires, cela peut amener une victoire de cette « liste citoyenne néo-patronale high-tech ». Il ne faut jamais sous-estimer l’adversaire, surtout quand il a des moyens. La « liste Altrad », n’est pas la « liste Francis ».

Heureusement, n’en déplaise à beaucoup, tout n’est pas écrit, rien n’est inéluctable dans cette affaire. La fin de l’histoire dépend en grande partie de nous, des différentes forces sociales, écologiques, associatives, des différent.e.s habitant.e.s mobilisé.e.s conscient.e.s des enjeux et des urgences notamment l’urgence écologique.

Une fin magnifique au scénario des prochaines municipales est possible. A chacun.e de prendre ses responsabilités. Ensemble ! Montpellier prendra les siennes et continuera d’œuvrer pour la co-construction d’une liste de confluence, de large rassemblement, seule rempart aux forces de l’argent, aux politiques néo-libérales, aux forces réactionnaires, seule à même de porter une dynamique victorieuse pour une alternative politique solidaire, écologique et radicalement démocratique, dont notre ville a bien besoin.

« De cette crise, personne ne sortira comme avant. Ce qui nous attend, c’est, au choix, un horizon féodal, avec une augmentation brutale des inégalités, une concentration sans précédent des richesses, de nouvelles formes de précarité pour la majorité des citoyens. Ou alors, une révolution démocratique, où des milliers de personnes s’engagent, pour changer la fin du film »

Ada Colau, maire de Barcelone (2014)

Matthieu Brabant, Boris Chenaud, Julien Landais, Delphine Petit