Emmanuel Macron vient de faire un discours en clôture du congrès de France Universités où il dévoile ses choix pour l’avenir des universités, avec des conséquences sur tout le système éducatif. Nous avons interrogé Hugo Harari-Kermadec, enseignant-chercheur.
Que retenir des annonces d’E.Macron sur les universités (jeudi 13/01/21) ?
Devant les présidents d’universités, Macron a fait l’éloge de son quinquennat et a annoncé qu’il voulait aller plus loin dans la marchandisation des universités. Il veut plus de concurrence, des frais d’inscription plus élevés et s’adapter plus au marché global de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il n’a rien annoncé de très précis mais il a regretté que les études n’aient pas de prix. C’est exactement le même argument qui justifiait la hausse des frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers. En effet, sur le marché mondial, les universités françaises apparaissaient trop « cheap ». En 2019, Macron a donc multiplié par 16 les frais d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires (2.770 € en licence, 3.770 € en master).
Ces annonces s’insèrent donc dans une logique de transformation à long terme de l’enseignement supérieur et de la recherche ?
Dans la campagne de 2017, les Macronleaks ont fait fuiter la note de l’économiste ultralibéral Gary-Bobo qui proposait d’augmenter les frais d’inscription, entre 4.000 et 8.000 euros. Il proposait également une stratégie de communication pour rendre acceptable cette hausse. Il s’agit de commencer par le crédit étudiant au nom de la précarité étudiante :
1 les étudiants ont besoin d’argent et l’Etat leur assure un accès au crédit, subventionné et garanti,
2 les prêts étudiants augmentent ensuite, avec les frais d’inscription
3 ils augmentent encore, avec la réduction des bourses
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la conséquence de ce système n’est pas de fermer l’accès aux études supérieures mais, d’une part, d’enchaîner les diplômés par le remboursement de leur dette, et, d’autre part, de créer des profits massifs pour le secteur financier. En effet, si l’étudiant·e rembourse, la banque fait des profits, s’il ou elle ne rembourse pas l’Etat assure les pertes. Comme toujours, les gains sont privatisés et les pertes socialisées. Le Chili a expérimenté ce système pendant la dictature de Pinochet. Ca n’empêche pas les étudiant·es d’étudier mais ils et elles en sortent très endetté·es. Au Chili, cela a entraîné une situation sociale catastrophique pour la jeunesse, à laquelle a répondu une mobilisation étudiante massive en 2011 dont est issu toute la conjoncture politique chilienne, notamment la figure de Gabriel Boric ex-leader étudiant et élu président de la République fin 2021.
Quelles contre-propositions peut-on porter contre ce projet ?
Jean-Luc Mélenchon propose une allocation de 1.063 € par mois et la gratuité des inscriptions, pour en finir avec la précarité étudiante, cela financé par une taxe sur l’héritage au-dessus de 12 M€. Outre l’accès gratuit et sans sélection à l’enseignement supérieur, l’Avenir en Commun propose de refonder un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche en battant en brèche la mise en concurrence des établissements et le financement à la « performance » selon les priorités du gouvernement. Cela passe par un financement indexé par les besoins (notamment le nombre d’étudiant) plutôt que concentré dans les établissements « d’élite », par exemple en assurant une égalité de financement entre classes préparatoires et licences.
Hugo Harari-Kermadec est enseignant-chercheur, membre du collectif ACIDES et auteur de L’Université marchandisée