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L’enjeu du combat contre la monarchie britannique

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Le couronnement de Charles III a été l’occasion de cérémonies fastueuses qui, au-delà de leur aspect parfaitement désuet voire franchement ridicule, viennent souligner que si la forme sous laquelle s’exerce la domination de classe demeure sans doute secondaire par rapport au contenu – en l’occurrence capitaliste et impérialiste – de cette domination, elle n’en demeure pas moins un élément essentiel de la bataille pour l’hégémonie idéologique et culturelle. De ce point de vue, le soin apporté à mettre en scène au niveau planétaire l’allégeance au Roi, à la Famille royale et à l’ensemble de ces institutions parasitaires est tout à fait révélateur de l’enjeu.

Divers articles publiés par les sites de la gauche révolutionnaire britannique illustrent l’importance de cet enjeu.

https://www.counterfire.org/article/charles-coronation-charade/

https://socialistworker.co.uk/features/royal-parasites-on-parade/

https://anticapitalistresistance.org/not-my-king-protest-the-coronation/

Outre divers articles sur le sujet, Anti Capitalist Resistance a choisi de republier un texte écrit par James Connolly (1) à l’occasion de la visite en Irlande du Roi Georges V, en 1910, quelques mois après son accession au trône. Dans cet article, James Connolly développe l’importance de la lutte idéologique contre la monarchie d’un point de vue de classe.

Traduction : François Coustal

Note

(1) James Connolly est un révolutionnaire irlandais. D’inspiration marxiste, il a publié de très nombreux articles et essais, traitement notamment de l’articulation entre lutte pour le socialisme, lutte pour la libération nationale et lutte pour la République. Il a contribué au développement du mouvement ouvrier, en particulier les luttes syndicales, ainsi qu’à l’organisation du mouvement républicain. Il a été fusillé en mai 1916.

James Connolly

Chers collègues travailleurs

Comme vous le savez grâce à la lecture des quotidiens et des hebdomadaires, nous allons bientôt recevoir la bénédiction d’une visite du Roi Georges V.

Comme nous savons par les expériences des visites royales précédentes et par la débauche qu’a entraîné le Couronnement il y a quelques semaines que ces occasions seront utilisées pour faire de la propagande en faveur de la monarchie et de l’aristocratie et contre les forces montantes de la démocratie et de la libération nationale, nous souhaitons vous présenter quelques unes des raisons pour lesquelles vous devriez unanimement refuser tout encouragement à cette visite ainsi que toute caution par votre présence aux cortèges et aux manifestations qui vont l’accompagner. Nous nous adressons à vous en tant que travailleurs qui parlent à d’autres travailleurs, que votre travail requiert votre cerveau ou vos mains, qu’il s’agisse d’activités manuelles ou intellectuelles ; c’est à vous et à vos enfants que nous pensons ; c’est votre cause que nous voulons défendre et favoriser.

L’avenir de la classe ouvrière, c’est que toutes les positions politiques et sociales soient ouvertes à tous les hommes et à toutes les femmes ; c’est que tous les privilèges dus à la naissance ou à la richesse soient abolis ; c’est que chaque homme ou chaque femme nés dans ce pays aient une chance égale d’atteindre la position la plus prestigieuse de ce pays. Les socialistes le revendiquent : le seul droit de naissance qui soit nécessaire pour se qualifier pour un emploi public devrait être le droit de naissance dû à notre commune humanité.

Comme nous pensons que, sur cette terre, il n’y a rien de plus sacré que l’humanité, nous refusons toute allégeance à l’institution royale et, du coup, nous pensons simplement que la visite du Roi rajoute du combustible sur le feu de la haine avec laquelle nous considérons les institutions prédatrices dont il est le représentant. Que la classe des capitalistes et des grands propriétaires terriens affluent pour le célébrer : c’est l’un des leurs ! C’est en lui qu’ils voient l’incarnation de la classe et de la caste. Ils le glorifient et exaltent son importance pour familiariser l’esprit public avec l’inégalité politique, car ils savent bien qu’un peuple mentalement intoxiqué par l’adulation de la monarchie ne pourra jamais atteindre le sentiment d’autonomie démocratique nécessaire pour atteindre l’émancipation sociale. Un esprit accoutumé aux rois dans le domaine politique sera plus facilement conciliant avec les rois dans le domaine social – les rois capitalistes de l’atelier, du moulin, du chemin de fer, des bateaux et des docks. C’est pourquoi nos astucieux maîtres qui ne dorment jamais transforment les couronnements et les visites royales en énormes campagnes de propagande impérialiste en faveur de manigances politiques et sociales contre la démocratie. Mais si nos maîtres et nos dirigeants n’ont aucun répit dans leurs manigances contre nous, alors nous qui sommes rebelles à leur domination devons également n’avoir aucun répit dans notre adresse à nos camarades pour affirmer publiquement notre confiance dans la dignité de notre classe et dans la souveraineté finale de ceux qui travaillent.

Qu’est-ce que la monarchie ? D’où tire-t-elle sa légitimité ? Quelle a été sa contribution à l’humanité ? La monarchie est une survivance de la tyrannie imposée à la race humaine par la cupidité et la trahison au cours des temps les plus sombres et les plus arriérés de notre histoire. Elle tire sa seule légitimité de l’épée du brigand et de l’impuissance de ceux qui produisent. Sa contribution à l’humanité est inconnue, à moins de prendre en compte tous ces exemples pernicieux d’inégalités triomphantes et éhontées.

A l’exception de la monarchie, et surtout de la monarchie britannique, toutes les classes qui composent la société ont, grâce à certains de leurs membres, contribué à l’amélioration de l’humanité. Mais aucun représentant de la monarchie britannique n’a jamais contribué à l’amélioration morale, intellectuelle et matérielle de l’humanité, ni dans le domaine scientifique, ni dans le domaine artistique, ni dans le domaine littéraire, ni en matière d’exploration, ni en matière d’invention technique, ni dans le domaine de l’humanisation des lois, ni dans aucune sphère de l’activité humaine. Mais cette famille royale s’est opposée à tout progrès ; elle a combattu toute réforme ; elle a persécuté tous les patriotes et intrigué contre toute cause honorable. Calomniant tous les amis du peuple, elle a toujours fraternisé avec tous les tyrans. Aujourd’hui louée par des clercs égarés, elle s’est rendue célèbre dans l’Histoire par la nature révoltante de ses crimes. Le meurtre, la trahison, l’adultère, l’inceste, le vol, le parjure : chacun des crimes que les hommes ont répertorié a été commis par l’un ou l’autre des membres de cette race de monarques dont le Roi Georges est fier de descendre.

Ne le blâmons pas pour les crimes de ses ancêtres à condition qu’il renonce aux privilèges royaux de ses ancêtres ! Mais aussi longtemps qu’il revendique leurs privilèges en vertu de la descendance, alors en vertu de cette même descendance il doit supporter la responsabilité de leurs crimes.

Collègues travailleurs, défendez la dignité de votre classe ! Tous ces monarques qui paradent, toute cette aristocratie insolente, tous ces traîtres capitalistes sales et rampants, ne sont que des symptômes de maladie pour n’importe quel corps social : une maladie que la visite royale exacerbe et vomit dans sa méchanceté sous nos yeux horrifiés. Mais porter un diagnostic sur la maladie est la première étape vers sa guérison. Afin de pouvoir débarrasser notre société de ses maladies politiques et sociales, nous devons identifier les éléments de corruption. Du coup, en rassemblant ces éléments et en soulignant leur cohérence, même une visite royale peut nous aider à les comprendre et, grâce à cette compréhension, nous aider à détruire les classes royales, aristocratiques et capitalistes qui vivent de notre travail. Leurs ateliers, leurs domaines, leurs moulins, leurs usines, leurs bateaux, leurs chemins de fer doivent être confiés à nos mains à nous qui sommes les seuls à les utiliser. La propriété publique doit prendre la place de la propriété capitaliste ; la démocratie sociale doit remplacer l’inégalité politique et sociale ; la souveraineté du travail doit remplacer celle de la naissance et de la monarchie capitaliste.

Notre tâche est d’éclairer ceux de notre classe qui sont ignorants, de dissiper et de détruire les superstitions politiques et sociales des masses réduites en esclavage et d’accélérer la venue des jours où, selon les mots de Joseph Brenan, le patriote sans peur de 1848, tout le monde soutiendra que « les droits sacrés du Travail sont la première des choses terrestres et que le Penseur et le Travailleur sont les seuls rois de l’Humanité ».