Il est curieux de voir comment depuis un mois, sur les questions d’identité, il y a des choses autorisées et d’autres interdites. Alors qu’une des premières choses qu’a faite le gouvernement Trump est de supprimer les questions d’identité de genre ou de sexualité, la question de l’identité nationale redevient à la mode. Ce combat culturel perdure à droite et à l’extrême droite. Depuis une dizaine d’années s’accélère la diffusion de ses idées dans les médias écrits et audiovisuels. Forgées par le Club de l’Horloge et la Nouvelle droite dans les années 70, cette thèse est simple et peu originale : l’identité de la France est menacée par des vagues d’immigration arabo-musulmane qui, si on ne les arrête pas, produiront à terme le « grand remplacement » de la population européenne « de souche » selon l’expression popularisée par l’écrivain Renaud Camus. Il y aurait donc des identités dont il est urgent de débattre et celles dont il est interdit de débattre, voire qu’il est interdit d’évoquer. Et curieusement encore, la seule dont nous pouvons débattre est aussi la seule qui n’existe pas. Quel point commun entre Louise Michel et Adolphe Thiers, entre Angela Davis et Elon Musk ou entre Annie Ernaux et Zemmour ? Aucun.
Tous les gens sérieux l’ont déjà expliqué l’identité nationale est une fable que racontent les régimes réactionnaires. Et à chaque fois cet oxymore ouvre la porte aux législations racistes et excluantes. Parce que comme le dit le vieux slogan : « Ton identité n’est pas ta carte d’identité ! »
Le ministère de l’identité nationale de Sarkozy n’a jamais défini ce qu’était l’identité nationale mais par contre il a mis en place les circulaires obligeant les enfants nés sur le territoire français, de parents étrangers, à aller se déclarer à la mairie à l’âge de 16 ans. Fin de l’automaticité et création de deux catégories d’enfants. Les errements plus que dangereux du gouvernement de Hollande ont enfanté les circulaires Valls, toujours plus dures avec les étranger.es. Les spécialistes du Gouvernement Trump, cherchent actuellement un moyen de revenir sur la loi de 1924 accordant la citoyenneté à tous les peuples indigènes d’Amérique du nord. (Preuve, s’il en fallait une de plus, que la question de l’identité nationale n’est en fait qu’un cache-sexe du racisme le plus crasse.)
En France, dans la même semaine, sur proposition de LR, le droit du sol à Mayotte a été supprimé et on parle à nouveau de le supprimer sur le territoire hexagonal (pour ne pas dire national comme l’a exprimé le premier ministre). Et Bayrou et son gouvernement ouvrent à nouveau la boîte de Pandore pour répondre aux exigences de la droite-extrême et de l’extrême-droite en mettant « le débat sur la table ». Or Bayrou, lui-même, sait que cela ouvre la porte aux pires des racismes, puisqu’il l’avait expliqué lors de ses précédentes campagnes présidentielles. Utilisant souvent, l’exemple des guerres de religion entre protestants et catholiques. Mais hélas, « Paris vaut bien une messe ». Nous étions déjà bien gavés de relents nauséabonds quand sur ces entrefaites, Olivier Faure se dit, lui aussi, prêt à discuter…. (Tout en expliquant le lendemain, que pour lui, l’identité nationale, c’est celle de 1789 et de la décolonisation…)
Et nous voilà devant la vieille et pire des erreurs : penser que c’est une vraie question. Obéissant par-là, au principe communicationnel de la fenêtre d’Overton qui consiste à lancer une idée très réactionnaire (par exemple Zemmour et la francisation des prénoms ou encore Trump et sa riviera de luxe à Gaza) et voir ce qu’il en sort. Principe qui fait passer de fait, toutes les ignominies précédentes pour moins graves.
Non il n’y a de débat sur “l’identité nationale” qui ne puisse être organisé en ces tristes époques sans que les vannes ne soient grandes ouvertes à la xénopohobie et au racisme.
Emmanuelle Johsua