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Grave attaque fasciste contre la CGIL

Depuis plusieurs semaines, le mouvement antivax et anti-pass sanitaire (le Green Pass) organisait des manifestations dans les principales villes italiennes, sur les mêmes thèmes qu’en France, dans la même confusion complotiste, portées par les mêmes forces au sein desquelles l’extrême-droite fascisante était très présente, sans toutefois avoir la même ampleur que les premières manifestations françaises.

La situation s’est tendue le samedi 9 octobre, particulièrement à Milan et surtout à Rome, lors de manifestations regroupant chacune environ dix mille personnes. Ces manifestations étaient organisées à la veille de la mise en œuvre de l’obligation de présenter un « green pass » sur tous les lieux de travail à compter du 15 octobre. Cette extension du pass sanitaire a soulevé un débat au sein du mouvement syndical italien et de la gauche radicale. La CGIL ne s’opposait pas à cette mesure, mais certaines structures du syndicalisme dit « conflictuel », tout en étant favorables à la vaccination de masse et combattant les mouvements antivax, remettait en cause le caractère injuste et inapplicable de cette nouvelle mesure.

C’est dans ce cadre que des éléments bien connus de l’extrême-droite italienne, principalement le groupuscule Forza Nuova, dont les dirigeants historiques ont été impliqués dans les attentats fascistes de la fin du siècle dernier, et Casapound, ont tenté de prendre la tête des manifestations à Rome, causant des affrontements avec la police et attaquant le siège national de la CGIL à Rome.

A la suite de cette attaque, Potere al Popolo a diffusé le communiqué suivant :

« L’attaque fasciste dont nous avons été témoins le samedi 9 octobre à Rome est un acte très grave contre lequel nous devons réagir.

Notre solidarité va à la CGIL, malgré notre profond désaccord avec les choix de cette organisation ces dernières années.

L’incroyable liberté d’action laissée aux formations nazi-fascistes telles que Forza Nuova confirme une fois de plus le rôle instrumental des fascistes, qui ont toujours été une masse de manœuvre pour les gouvernements lorsqu’ils ont urgemment besoin de délégitimer toute opposition possible.

Rappelons que le ministère de l’Intérieur a laissé aux fascistes une incroyable liberté de mouvement alors que, depuis des années, toute mobilisation de l’opposition sociale ou du syndicalisme conflictuel a été étouffée par la Police et les Carabiniers à travers un contrôle asphyxiant avant, pendant et après chaque manifestation.

Maintenant qu’une réponse organisée commence à émerger de différents secteurs du monde du travail et du syndicalisme conflictuel pour le blocage des licenciements, la dénonciation des homicides sur le lieu de travail, le refus des délocalisations débridées, le saut qualitatif consommé à Rome, avec l’attaque du groupe fasciste contre le siège de la CGIL favorise, en réalité, le projet du gouvernement de sécuriser ses actions, également en vue de réformes imminentes qui affecteront les intérêts des classes populaires de notre pays au profit d’une minorité privilégiée.

Nous ne nous laisserons pas intimider par ces opérations face auxquelles l’histoire de l’Italie nous fournit les bons anticorps à mettre en oeuvre, une fois de plus, sur les lieux de travail, dans les territoires et dans la société dans son ensemble.

Nous ne reculerons pas et nous construirons l’opposition nécessaire aux plans de l’Exécutif et à toute tentative d’obscurcir, de souiller et de polluer le conflit dans notre pays.

Nous descendons immédiatement dans la rue pour montrer notre solidarité avec ceux qui souffrent de ces attaques et de toutes sortes de provocations. Nous serons présents dès demain matin à Rome devant le siège de la CGIL.

Par ailleurs, la grève générale promue par toutes les structures du syndicalisme conflictuel pour le lundi 11 octobre est une opportunité clé pour relancer la lutte et resserrer les rangs de tous ceux qui subissent les coûts antisociaux de la soi-disant “phase de sortie de la Pandémie “.

Les organisations néo-fascistes, Forza Nuova, Casapound et compagnie doivent être interdites et toute complicité politique et institutionnelle avec le fascisme et le racisme doit être frappée. Les communiqués de solidarité ne suffisent pas : si le fascisme est un crime, il doit être traité comme tel et interdit.

Dans toutes les mobilisations à venir, à commencer par la grève générale du 11 octobre, nous réaffirmerons l’antifascisme comme fondement et discrimination de notre démocratie et la construction d’un avenir meilleur pour notre pays. »

La grève générale du 11 octobre a été lancée à la suite d’un appel unitaire historique de l’ensemble des structures du syndicalisme de base, ou « syndicalisme conflictuel » qui s’oppose à la ligne de collaboration avec le gouvernement des directions syndicales traditionnelles. Cette plateforme revendique le maintien du blocage des licenciements, la diminution de la durée du travail sans baisse des salaires, des augmentations de salaires, la parité salariale homme-femme, un revenu minimum garanti pour les chômeurs, l’abrogation des récentes contre-réformes du droit du travail, des investissements publics pour l’école, la santé et les transports, une démocratie syndicale contre le monopole des centrales CGIL, CISL, UIL, la défense du droit de grève, l’abrogation des décrets Salvini contre l’immigration, le blocage des productions industrielles nocives et des grands travaux spéculatifs.

De nombreux syndicats de base se sont rassemblés autour de cette plateforme, SiCobas, Cobas, USB, CUB, etc., ainsi que le courant d’opposition présent dans la CGIL. C’est la première fois depuis 2008 que se déroule une telle action unitaire de tout le syndicalisme de combat. L’objectif est, d’une part, de manifester l’existence d’un syndicalisme radical, d’autre part, de faire en sorte que le 11 octobre ouvre la voie à une reprise de la mobilisation globale des classes subalternes et, enfin, que les divers mouvements en cours, comme celui commencé à GKN avec son slogan soulevons-nous, convergent d’ores et déjà à l’occasion de la préparation de cette journée de lutte.

La journée du 11 octobre a donc été un important succès. La principale structure du syndicalisme de base, l’Union Syndicale de Base, qui compte environ 100.000 adhérents et qui est en étroite relation avec Solidaires, en France, revendique près d’un million de grévistes et 100.000 manifestants dans les principales villes d’Italie : Rome, Florence, Turin, Naples, Bologne, etc. A titre d’exemples, 200 vols d’Alitalia ont dû être supprimés, plusieurs entrepôts d’Amazon ont été complètement bloqués ainsi que les transports publics de Naples. Le comité d’usine de la GKN, entreprise sous-traitante de Fiat, qui mène depuis plusieurs mois une lutte emblématiques contre les licenciements et les délocalisations et qui a su regrouper autour de lui un vaste mouvement de solidarité sur le thème « Insurgeons-nous » a déclaré qu’il fallait voir cette journée de lutte comme « la première tentative de rupture d’une paix sociale dans un pays inquiet et appauvri après 19 mois de pandémie ».

Le samedi 16 octobre, a son tour, une grande mobilisation antifasciste de toute la gauche politique, syndicale et associative est organisée à travers toute l’Italie. Il s’agit d’une riposte nécessaire après les affrontements et les provocations du 9octobre et les agressions fascistes, en augmentation, contre le mouvement ouvrier. Mais il ne peut s’agir que d’un premier pas. Les élections municipales du 4 octobre ont montré une très grande abstention et des résultats en trompe-l’œil, qui laissent croire à une reconstruction du centre gauche italien, qui obtient des succès dans des grandes villes, mais qui ne progresse pas du tout au niveau national. Concernant la gauche radicale, les résultats ne sont pas bons, sauf dans de rares situations locales. La multiplication des listes (sauf à Turin) à gauche du Parti Démocrate et certains comportements sectaires n’ont pas permis à des campagnes parfois innovantes et mobilisatrices de porter tous leurs fruits. Même si l’on peut saluer l’enracinement de Potere al Popolo dans la région napolitaine, à Bologne, à Rome et dans d’autres localités, avec l’élection de conseillers municipaux d’opposition, souvent des femmes et des jeunes militants, la gauche radicale italienne n’est pas encore en situation de dépasser son émiettement et de se lancer dans la construction du « sujet politique » en phase avec les défis de la situation politique italienne .

Mathieu Dargel