À Béziers : du documentaire à la réalité ou de la réalité au documentaire ? À cette question nous pouvons répondre : « les deux, camarade ». Les deux se nourrissent mutuellement.
En effet, depuis le 17 novembre le mouvement des Gilets Jaunes s’est fait remarquer entre autre par ses revendications, sa fierté, sa fraîcheur et son inventivité.
Mais aussi par sa visibilité. D’abord par la couleur du soleil : le jaune flashy qui se voit de loin, crève les écrans. Les lieux d’intervention ensuite : les ronds-points, devant des centres économiques, les centres villes et les rues des beaux quartiers comme les Champs-Élysées, sans oublier les quartiers populaires. Bref, une visibilité permanente pour revendiquer un autre partage des richesses, une fiscalité juste, l’écologie réelle et non punitive, un travail digne, utile, avec un vrai salaire, des retraites correctes… Certains, nombreux dans les grands médias, ont voulu repeindre le mouvement des Gilets Jaunes par le mépris, un mépris de classe. Grands bourgeois, commentateurs pseudo-journalistes, politiciens préoccupés par la lutte des places… tout ce monde là voyait, et voit toujours, d’un très mauvais œil le mouvement des GJ. Dans la plupart des médias il fallait montrer des images pour faire croire que les GJ étaient violents, illettrés, irresponsables, et même fascistes et homophobes.
À l’inverse, la première victoire collective du scénario autoproduit par les GJ a justement été que l’extrême droite n’a pas réussi a faire son casting et n’a pas pris la direction du mouvement malgré ses tentatives réelles de manipulation (voir par exemple notre article de l’acte X des GJ à Béziers : http://www.resistons.net/ index.php/node/6712).
C’est dans ce contexte que François Ruffin et Gilles Pérret sont partis à la rencontre des Gilets Jaunes début décembre. Vers les 12-13 décembre, Ruffin et Gilles Perret étaient d’ailleurs dans l’Hérault. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils viennent « tourner » à Béziers. Quelques mois après, le film sort, avec notamment une avant première à Montpellier le 21 mars.
À Béziers, les Gilets Jaunes, dont un certain nombre se sentant proches de la mouvance de Ruffin, ont tout fait pour que le film puisse y être projeté alors qu’aucune salle ne l’avait programmé. Comme souvent le travail collectif des GJ a permis d’atteindre l’objectif. Le film J’veux du soleil allait être diffusé à Monciné de Béziers le 4 avril pour une séance unique. Une bonne partie de la communication a été assurée par les Gilets Jaunes eux-mêmes : réseaux sociaux, discussions sur les lieux de rassemblements, diffusion de 2000 flyers pour annoncer la séance, journaux, émission radio… Un travail intense qui a permis à la soirée du 4 avril d’être une vraie réussite. À l’origine, il n’y avait qu’une seule salle de prévue. Il y tant avait de monde qui faisait la queue qu’il a fallu en ouvrir une seconde. Les Gilets Jaunes étaient venu-es en nombre : plus de 550 personnes, pour Béziers ce n’est pas rien. Mais il y avait aussi des personnes ne se sentant pas spécialement Gilets Jaunes. Le hall d’entrée était plein. La foule attendait.
Les gens discutaient entre eux. Les GJ étaient fiers que leur investissement dans ce mouvement collectif ait permis d’une certaine façon de porter plus haut les valeurs humaines auxquelles ils aspirent.
Au programme de la projection : le documentaire bien sûr, mais aussi une petite présentation par une courte vidéo de Perret et Ruffin. Puis s’ensuit une discussion après le film et des rencontres/chanson avec une des Gilets Jaunes présente dans le documentaire : Marie, qui clôt le documentaire avec Ruffin à la plage de Carnon, rencontrée au hasard des ronds-points par l’équipe de Ruffin à Montpellier. Marie y chante justement « J’veux du soleil« .
Durant toute la projection, les spectateurs/trices étaient indirectement acteurs/trices. Se reconnaissaient dans les témoignages touchants du film. Acteurs/trices aussi parce que la séance était encore collective. Des rires, quelques larmes, des cris révoltés dans la salle… Une séance bien vivante ! Une salle de gens assis mais qui étaient bien debout. Nuit Jaune, Gilets Debout en somme.
L’échange à la fin de la projection, bien que relativement court pour des raisons techniques, a permis notamment de parler de convergence de lutte, de perspectives à donner.
Boris, qui était présent pour représenter d’une certaine façon le staff de Ruffin, a rappelé dans son introduction, qu’un peu comme dans le film « Un homme est mort » de Vautier pour les grèves de 1950 à Brest, J’veux du soleil peut servir d’outil pour re-mobiliser le mouvement des GJ et sortir de l’impasse « Préfecture/Champ Élysée – gazage – matraquage ».
Le directeur du cinéma, présent à cette soirée, a tellement été touché par les témoignages du documentaire que lorsqu’il a pris la parole il a dit « nous » en parlant des GJ alors qu’avant cette soirée il ne se voyait pas GJ. Après la discussion dans le cinéma, il y en a eu d’autres à la sortie, puis dans un bar avec un certain nombre de GJ qui ont même demandé au patron de mettre la chanson « J’veux du soleil » en karaoké. Encore un témoignage de la fierté retrouvée des Gilets Jaunes
La conséquence directe de cette soirée a été une manifestation réussie à Béziers dès le samedi, avec plus de monde que ces derniers temps, environ 200 personnes, alors que d’autres GJ étaient parti-es grossir les rangs à Montpellier. Et surtout une volonté de continuer le mouvement avec le punch du printemps, des soirées ensoleillées. J’veux du soleil va continuer son chemin avec des projections qui vont sûrement s’organiser dans le biterrois, des reprises de ronds-points, des actions sur les symboles du capitalisme prédateur et contribuer à participer à cette volonté de changer ensemble le système économique et politique.
Justice sociale, justice fiscale, urgence climatique, ensemble on peut gagner. On lâche rien.
Gaël, Béziers.