Cette contribution au débat a pour objectif de débattre, c’est à dire de confronter des points de vue, dans le respect des un-e-s et des autres et de le faire en toute sérénité, c’est à dire en s’extirpant du temps court des réseaux sociaux.
Au delà de l’allocution de Macron sur laquelle je reviendrai, je souhaitais dire mon malaise quant à des « prises de position », plus exactement « des saillies », trouvées justement sur les réseaux sociaux divers et variés, qui m’ont déterminée à rédiger cette modeste contribution. Sans parler de certains mots d’ordre dans les manifs de samedi 17 juillet.
La position que je vais défendre là, n’est pas déterminée par l’intervention du président de la République lundi dernier. Elle est mienne bien avant cette intervention. Elle est aussi le fruit d’échanges, de ma réflexion personnelle, de lectures. Je me suis également interrogée de la manière suivante : qu’aurions nous fait ou que ferions nous si nous avions été au pouvoir (LFI donc) ou si nous y étions ?
Je suis favorable à la vaccination de masse. Je suis même pour l’obligation vaccinale pour tout le monde.
Au même titre qu’il fallait donner les moyens au service public de santé, en particulier à l’hôpital, qu’il fallait distribuer des masques gratuitement, il était nécessaire de proposer dès l’arrivée des premiers vaccins, une vaccination de masse. Ce que n’a pas fait ce gouvernement. En cause, son incurie, sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire.
Très rapidement le débat sur le vaccin, son caractère obligatoire ou pas, est venu sur le tapis. Le pouvoir n’était pas favorable à l’obligation vaccinale, et ce, pour de mauvaises raisons. D’abord parce qu’il n’avait en rien anticipé sur la commande, le stockage et la distribution du vaccin, contrairement à certains pays au développement identique. Ensuite parce qu’il est très libéral et promeut « la liberté individuelle », sans débat sérieux sur le sens d’un vaccin disponible pour tous et toutes.
Deux raisons qui ne répondent en rien aux besoins de santé et de protection de la population.
Je souhaite revenir sur la peur que suscitent encore les vaccins eux-mêmes. Il y a, légitimement la méfiance vis à vis de vaccins mis rapidement en service, plus rapidement que d’habitude. Et il est bien naturel que cela suscite de l’inquiétude. Pour autant les vaccins actuels utilisés à l’échelle mondiale, sont passés par le contrôles d’étapes obligatoires, par celui d’organismes nationaux et internationaux, et ont bénéficié, pour leur élaboration de moyens colossaux, inédits des états (budgets pharaoniques mis à disposition des laboratoires privés, technologies de pointe).
A l’heure actuelle c’est un nombre considérable de personnes dans le monde qui ont été vaccinées, ce qui permet un premier recul. Soit on pense que tout le monde ment, tous les états, tous les organismes, tous les scientifiques, soit on peut considérer que le rapport bénéfice vaccin/virus est en faveur du premier.
Certes nous aurions préféré que ces laboratoires soient publics et que la France eut été capable d’en fournir ! C’est le résultat aussi de la casse de la recherche publique en France. Aussi faut-il rappeler que nous sommes favorables et que nous militons pour la levée des brevets afin que tout le monde ( c’est à dire à l’échelle planétaire) puisse en bénéficier. En effet,une majorité de pays, essentiellement des pays pauvres, notamment en Afrique, n’a reçu quasiment aucune dose. Un scandale car ce sont les pays riches qui se les sont réservés. Et si enfin ces pays en reçoivent ( et il est temps car le fait de ne pas être vacciné permet au virus de muter en multiples variants potentiellement plus virulents et contagieux), imagine-t-on des manifestations pour refuser la vaccination ?
Je l’ai écrit plus haut, je suis favorable à une vaccination globale, voire obligatoire, sans désigner telle ou telle population (soignant-e-s, jeunes etc.), car je suis contre toute stigmatisation.
Par ailleurs rappelons quand même que certains vaccins sont obligatoires pour les soignant-e-s et les professions médico-sociales. Il s’agit d’assurer la sécurité de tous et toutes. Personne n’a remis en question ce principe jusqu’alors. Je rappelle aussi qu’au vu des cas de covid chez les jeunes et les enfants, souvent asymptomatiques, les syndicats enseignants et de nombreux et nombreuses enseignant-e-s revendiquaient le droit d’être vacciné-e-s pour être protégé-e-s et pour protéger les autres.
Je tiens là à séparer la question du vaccin et du passe sanitaire.
Bien sûr les opposant-e-s au vaccin lient les deux. Sauf que, avant la mise en place du passe (qui entre parenthèse existe déjà pour se rendre à l’étranger par exemple ou pour se rendre dans les salles de spectacle et au cinéma, ou encore dans les concerts et les festivals ), il y avait un déjà un mouvement anti-vaccin. Au nom de la liberté individuelle. C’est cela qu’il faut interroger aujourd’hui.
Bien sûr l’impopularité du pouvoir Macron, sa dérive autoritaire, l’absence de campagne pédagogique autour de la vaccination, a nourri, au sein d’une partie de la population, un refus du vaccin. Mais le terreau existait déjà. Et l’argument massue qui a été brandi, c’est le refus du vaccin au nom de la liberté individuelle.
Non seulement je ne partage pas cette revendication telle qu’elle est formulée aujourd’hui, mais je pense qu’il faut la combattre.
Nous vivons dans une société libérale et nous subissons l’hégémonie culturelle de la pensée libérale. La revendication de sa liberté individuelle, a plus à voir avec l’individualisme qu’avec la revendication de la liberté d’expression et de l’exercice des droits fondamentaux. Ne nous leurrons pas : pour mieux nous asservir en fait au système capitaliste, au libéralisme, on nous a inculqué l’idée qu’on a le droit de faire ce qu’on veut, quand on veut comme on veut, indépendamment des autres et des conséquences de ses actes. En tant qu’enseignante je lutte contre cela très régulièrement. Ce culte de l’individu a remplacé voire brisé l’idée même de solidarité. Au nom de cette conception de « ma liberté », il a été dit des bêtises et des horreurs ces derniers jours : des bêtises quand on parle de dictature. Je partage que, depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, la dérive autoritaire de ce pouvoir est inquiétante, scandaleuse, qu’elle s’accentue et qu’il faut la combattre avec détermination. Mais de là à parler de dictature, il y a un sacré pas qu’il ne faut pas franchir. Sinon que dire des dictatures réelles dans le monde ? Il serait mésudécatif de faire croire ou de laisser croire que tout est identique. Aussi est-ce très choquant que certains comparent le passe sanitaire à l’étoile jaune, une comparaison insupportable.
Alors qu’aurions nous fait si nous avions été au pouvoir : nous aurions tout fait pour protéger la population au nom de l’intérêt général qui rejoint l’intérêt de tous et toutes. Outre les moyens octroyés à la santé et aux hôpitaux, à la recherche scientifique, nous aurions mené une campagne pédagogique de conviction pour expliquer qu’il faut en passer par le vaccin pour en finir avec cette maladie. Maladie qui elle est responsable de ce que nous vivons, maladie qui tue beaucoup plus qu’une simple grippe. Et là encore il n’est pas acceptable, comme je l’ai lu, de revendiquer le refus de se vacciner car « il n’y aurait pas tant de morts que cela ». Mais comment raisonner ainsi ? Mon droit individuel peut mettre en danger la vie d’autrui ? Est-on sûr que c’est cela la liberté ?
Nous avons eu à faire à un gouvernement incompétent, autoritaire, incapable d’être conséquent sur ce sujet de la vaccination comme du reste (moyens pour lutter contre la maladie, moyens pour l’hôpital). C’est un fait qu’il porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Y compris sur le refus du vaccin.
Pour autant nous devons prendre nos responsabilités : c’est la vaccination de tous et de toutes qui nous sortira de la pandémie et c’est cela que nous devons avancer. Y compris pour la population mondiale (L’Indonésie est en passe de devenir le nouvel épicentre de la maladie en Asie. Seulement 6 % de la population sont vaccinés). C’est aussi pour cela qu’il faut exiger la levée des brevets et pour commencer la distribution des vaccins pour les populations des pays de l’hémisphère sud. Actuellement le variant delta se répand à vitesse grand V, il est plus contagieux et plus dangereux (une personne seule peut en contaminer 6 à 7), l’immense majorité des personnes en réanimation sont des personnes non vaccinés. En Angleterre, même avec 68 % de couverture vaccinale, le nombre de contamination remonte à cause de ce variant.
C’est pour toutes ces raisons que je ne me retrouve pas dans les appels à manifester actuels et dans les manifestations qui ont eu lieu. Refuser le passe sanitaire c’est avant tout refuser la vaccination, au nom de « sa liberté ».
On doit taper sur Macron et ses incohérences, sur un passe décidé en une journée, imposé à tout le monde, mais participer à des manifestations dont la tonalité principale est anti-vax, avec des slogans ou des comparaisons plus que douteuses, voire scandaleuses (comme déjà écrit le passe sanitaire assimilé à l’étoile jaune ou à l’apartheid), n’est pas souhaitable pour la FI et la gauche de rupture en général, et pour la gauche syndicale.
De ce qu’a déclaré Macron lundi dernier, sont passées à la trappe, dans les revendications majoritaires samedi dernier, toutes les mesures anti-sociales : la réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites, l’aide sélective à certains jeunes sous condition d’engagement etc.
Ce n’est pas la préoccupation de ceux et celles qui ne s’élèvent aujourd’hui que contre la vaccination et le passe sanitaire.
La gauche de transformation sociale (qu’elle soit politique ou syndicale) se doit de réagir en appelant à prendre des initiatives sur ses propres mots d’ordre, pas en essayant de surfer sur des mobilisations qui ne répondent pas aux réels enjeux : en affirmant le droit à la vaccination pour tous et toutes, en exigeant la levée des brevets afin d’assurer l’accès aux vaccins à l’échelle planétaire, en préparant un front large contre les politiques anti-sociales de Macron.
Myriam Martin