Présente au Ficoba pour le contre-sommet du G7, Clémentine Autain, députée La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis a répondu à MEDIABASK avant de se rendre aux Universités d’été de son parti à Toulouse. L’une des initiatrices du “Big bang de la gauche écologiste” est revenue sur les dossiers brûlants de la rentrée pour le gouvernement.
L’actualité, c’est la rentrée scolaire. La réforme du lycée et du Bac prévoit la suppression des filières S, ES et L dès cette rentrée 2019 et la mise en place du contrôle continu dès la session 2021. Selon vous, est-ce une bonne réforme ?
Clémentine Autain : C’est une catastrophe. Je prends le point de vue de Seine-Saint-Denis car c’est l’endroit idéal pour voir le dysfonctionnement de la République. Quand le contrôle continu sera en place, on va vous demander : où avez-vous eu votre bac ? Dans un lycée du 93. Et vous ? Dans un lycée parisien, à Henri IV ! La valeur du Bac ne sera pas la même. Alors qu’avec un examen national anonyme, on ne sait pas d’où vous venez. L’examen prend la même valeur pour tous. Plus vous faîtes du contrôle continu, plus vous allez générer un prisme biaisé de la part des universités, des grandes écoles et même des futurs employeurs. Cette logique de méritocratie va accroître les inégalités sociales et territoriale et fait fi des réalités.
Quelle est votre opinion sur la future réforme des retraites du président Macron incluant l’âge d’équilibre à 64 ans, la retraite par points et la fin des régimes spéciaux ?
C.A. : C’est toute la logique d’Emmanuel Macron : il accélère les recettes néo-libérales, celles du « vieux monde », éprouvées depuis Margaret Thatcher. Les conséquences potentielles de la réforme sont que l’on va travailler plus longtemps et qu’on va gagner moins. Puis les femmes seront les premières victimes du système contrairement à ce que nous raconte le gouvernement qui nous parle d’équité. Cette équité, nouveau mot dans la novlangue macronienne, marque le fait que l’on creuse les inégalités car on aura une paupérisation des retraites des parcours les plus brisés dans le temps. Et les parcours féminins sont les plus escamotés car il y a eu des temps partiels souvent contraints et des salaires plus bas que ceux des hommes.
Une fois encore, les Français risquent d’être mobilisés contre cette réforme malgré les promesses de dialogue social voulues par le président…
C.A. : C’est une bataille énorme. Les syndicats sont au taquet et ils ont raison de l’être. Nous avons eu ces deux dernières années des manifestations de retraités, ce qui est assez rare. Je pense que c’est une contre-réforme qui peut mobiliser. Emmanuel Macron a prévu, à la bonne heure, d’engager une forme de dialogue social car il s’est rendu compte, à la faveur du mouvement des gilets jaunes, que d’avoir casser toutes les médiations et toutes formes de compromis, ça avait un coût. Ma crainte, ma certitude est qu’il va mettre les formes, peut-être un peu plus qu’il ne l’a fait auparavant, mais ça ne peut aboutir qu’à une réforme qui casse encore plus notre système par répartition.
Dans les prochains mois, le nouveau budget prévoit entre autre la suppression de la taxe d’habitation. Est-ce une bonne idée du gouvernement ?
C.A. : La suppression de la taxe d’habitation, c’est une arnaque énorme. C’est assez populaire. Les Français se disent qu’ils vont payer moins d’impôts donc nous pouvons penser que c’est une bonne nouvelle, même si une grande partie des Français ne paie déjà pas cette taxe. Mais, il faut bien penser aux implications. Les collectivités territoriales tirent déjà la langue. Pour ma part, je suis élue de Sevran en Seine-Saint-Denis, une des communes les plus pauvres de France. Avec la fameuse réduction des dépenses publiques, nous sommes sous le joug de l’austérité. C’est donc un pur scandale de supprimer cette taxe car nous sommes déjà étranglés. Avoir des cantines moins chères, des piscines rénovées, de l’aide sociale, des réfections de la voirie, ces tonnes de choses que peuvent faire les municipalités peuvent être enterrées dès demain.
Au plus tard au premier trimestre 2020, une loi prévoit l’ouverture de Procréation médicalement assistée (PMA) et son remboursement par la Sécurité sociale, et l’interdiction de la Gestation pour autrui. En tant que militante féministe, êtes-vous satisfaite ?
C.A. : Si à l’Assemblée nationale, je combats d’arrache-pied la politique du Gouvernement, il y a peut-être une fois dans l’année une mesure sur laquelle on peut s’entendre. Il faudra bien évidemment examiner le contenu de cette loi mais l’ouverture de la PMA est une revendication que nous portions dans les mouvements féministes. La PMA pour toutes, c’est vraiment un acte pour une plus grande liberté pour les femmes. Aujourd’hui, il y une grande hypocrisie, car si vous êtes une femme seule, vous pouvez adopter par exemple. Je suis également contente que la GPA soit exclue car nous sommes opposés à la marchandisation du corps.
Un débat éthique découle de l’ouverture de la PMA, c’est le don de sperme anonyme et l’impossibilité de connaître son géniteur.
C.A. : Bien sûr que ne pas connaître le géniteur pose un problème éthique. Notre groupe à l’assemblée s’est réuni sur la question et fera des propositions très concrètes. Moi à titre personnel, je ne suis pas allé au bout de la réflexion sur ce sujet. Le débat à l’Assemblée nationale me permettra de me faire un avis plus poussé sur cette question très épineuse. Pour ma part, je reste attaché à l’accouchement sous X, cela a été une conquête féministe forte. D’un autre côté, j’entends le besoin des enfants qui veulent retracer leur descendance.
Au mois de juin dernier, dans une tribune du Monde, avec plus de 1 000 signataires dont Elsa Faucillon (Parti communiste français), vous lanciez le « Big Bang de la gauche écologiste ». Où en est ce mouvement qui veut « fédérer la gauche » ?
C.A. : Le processus est lancé. Toute l’année, nous allons nous réunir, faire des rencontres thématiques. Nous allons appeler à ce que les villes s’approprient le processus et organisent des évènements comme celui organisé à Paris, le 30 juin dernier, au cirque Romanès. Nous allons mettre en circulation un site internet participatif pour pouvoir échanger. J’ai le sentiment que les prochaines municipales ont fait germer des choses qui ne s’appellent pas toujours big bang mais qui y ressemblent comme L’Archipel Citoyen à Toulouse, des choses se passent à Marseille, à Romainville (Seine-Saint-Denis)… La démarche que nous voulons enclencher, c’est celle d’un rassemblement des forces de transformations sociales et écologistes. Nous ne partons pas de rien.
Puisque la gauche s’est retrouvée atomisée, il faut réapprendre à se parler avec les communistes et d’autres courants politiques divers et variés. Nous, tous ceux qui sont là dans ce contre-G7, tout simplement ceux qui sont attachés la justice sociale, l’écologie politique, l’anti-racisme, le féminisme. Tous ces enjeux d’émancipation, qui font cohérence, mais qu’il va falloir ensemble dégager et faire vivre dans un nouveau tout, dans un état d’esprit pluraliste. C’est un grand travail à réaliser qui nous attend, surtout que nous voyons qu’il y a une course de vitesse, car le champ politique est en train d’être polarisé, soit par la Macronie, soit par l’extrême droite.
Vous appelez donc à une union des gauches au plus vite ?
C.A. : Je n’appellerai pas ça comme ça. Il ne s’agit pas de faire la gauche plurielle qui a eu ses failles. Même si tous les partis de gauche se tenaient la main gentiment et faisaient un accord au sommet, je ne suis pas sûre que ça fasse la maille. C’est difficile à se représenter ce à quoi nous appelons. Il faut un processus citoyen, social, culturel dans lequel nous aurons des militants politiques de divers horizons et surtout des syndicalistes, des militants alter-mondialistes qui sont nulle part et en ont ras-le-bol de Macron ou Le Pen. Cela fait du monde, nous voulons impulser un cadre qui dépasse. Le big bang, ce n’est pas pour faire le big bang, c’est pour dire qu’il faut se secouer et inventer un processus qui corresponde à notre époque.