Ironie de l’histoire. Marseille la populaire, malaimée de la République. Marseille qui a été mise sous tutelle de l’État en 1938 après un incendie meurtrier, menace une nouvelle fois brandie l’an dernier après les effondrements de la rue d’Aubagne[1]. Marseille qui expérimente plus que toute autre ville, les dégâts d’une gestion qui prend aux pauvres pour donner aux riches. Marseille une des villes les polluées et les plus inégalitaires de France. Marseille pourrait bien être, en 2020, le lieu où émerge une alternative politique au post-fascisme et à la République des patrons.
Les effondrements de la rue d’Aubagne, il y a presqu’un an, ont déchiré la carte postale vendue depuis une dizaine d’années par la majorité actuelle. Plus largement, les mobilisations n’ont pas cessé contre la gestion de la municipalité actuelle. Les collectifs se sont organisés contre le mal-logement dans les quartiers autour du collectif du 5 novembre[2], contre un partenariat public privé (PPP) vendant la gestion de nos écoles à des grands groupes privés[3], contre la requalification de la plus grande place de Marseille sans aucun dialogue avec les forains et la population[4], contre le boulevard urbain sud véritable boulevard à promoteur qui menace des pinèdes[5], contre la vente de la Villa Valmer et de son parc[6] ou le chantier de la Corderie où Vinci menace des vestiges archéologiques[7]. Durant la dernière année, ces mobilisations multiples ont convergé de façon inédite dans la rue avec les gilets jaunes, le mouvement pour la justice climatique et les mobilisations syndicales souvent unitaires contre la politique antisociale de Macron.
Ces mouvements ont donné lieu à des États Généraux des collectifs qui ont rassemblé des centaines de militants en juin[8]. Une partie d’entre eux a décidé de s’organiser pour contribuer aux débats sur les municipales en lançant le Pacte démocratique pour Marseille[9]. Les signataires de ce pacte, organisent aujourd’hui des assemblées citoyennes dans tous les arrondissements de Marseille pour rendre la parole aux habitants de Marseille en vue des municipales, afin de construire un espace durable de débats et de contrôle de nos élus.
Parallèlement, des militants politiques issus de toute la gauche et de l’écologie[10] et des militants associatifs[11] ont lancé un Mouvement Sans Précédent (MSP), afin de construire des listes de rassemblement sur Marseille. Un appel de 600 signataires paru initialement dans Libération[12] a été rejoint par plus de 3000 marseillais aujourd’hui.
Les élections à Marseille sont en effet très spécifiques. La fin du règne de Gaudin et la division de la droite (guerre entre Bruno Gilles et Martine Vassal) ouvrent la possibilité d’un véritable changement de régime, mettant fin à plus soixante-dix ans de clientélisme. Mais c’est aussi l’élection de tous les dangers. C’est une élection sur 8 secteurs avec des possibilités de triangulaires ou quadrangulaires. Or aux Européennes le Rassemblement National (RN) est arrivé en tête sur 6 des 8 secteurs. Si la gauche et l’écologie politique sont divisées, nous arriverons en 3 ou 4ème position, avec une pression forte pour se retirer dans certains secteurs, si le RN y est en tête. Par contre, la somme des listes de gauche et EELV étaient en tête aux européennes dans 4 secteurs et elle talonne le RN dans un secteur. Rassemblés, nous pouvons donc gagner la ville !
La situation politique nationale que cela soit sur le plan des luttes sociales qu’en ce qui concernent les prochaines échéances électorales, ne sera pas la même si le Rassemblement National gagne la seconde ville de France ou si un mouvement inédit issu de la convergence des partis de gauche et de l’écologie politique, associé à parité avec des acteurs du mouvement social et associatif est victorieux.
Or l’unité est aujourd’hui possible ! Le pacte démocratique converge depuis septembre avec le Mouvement Sans Précédent et des assemblées citoyennes se préparent dans toute la ville. Le Parti Socialiste[13], le Parti Communiste[14], GénérationS, ou La France Insoumise[15] ont officiellement fait le choix du rassemblement.
Les militants d’EELV trancheront le 5 octobre entre deux positions, une liste autonome de l’Écologie portée par Sébastien Barles et la convergence avec le rassemblement portée par Michèle Rubirola. Nous sommes nombreux à espérer que les militants d’EELV feront le bon choix. Le rassemblement a besoin d’eux.
Tous ensemble, nous pourrons alors construire un programme autour de la justice climatique et la justice sociale avec des listes largement ouvertes sur la société civile. La démarche inédite que nous construisons avec notamment un parlement composé à parité de représentants de forces politiques et de représentants de la société civile dessine ce que pourrait être un rassemblement des forces progressistes sur tout le pays.
Nous n’avons pas le droit d’échouer !
Hendrik Davi. Chercheur en Écologie, ex-candidat pour la France Insoumise au Législatives 2007 sur la 5ème circonscription à Marseille.