« Mon frère n’est pas mort car il a couru, mon frère est mort car des gendarmes l’ont frappé et laissé mourir » clame Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré ce samedi 13 octobre vers 14h, avant qu’un cortège compact d’environ 4 000 personnes, composée en majeur partie de jeunes hommes et femmes, noires ou arabes, des quartiers populaires, renforcés par quelques centaines de militant-e-s et sympathisant-es de la gauche radicale et de libertaires s’ébranlent depuis la Gare du Nord en scandant d’une voix forte : Justice pour Adama, pas de Justice, pas de paix, en faisant le lien avec les victimes des violences policières racistes de ces derniers temps (Theo, Angelo, Lamine Dieng, Ali Ziri et bien sur Zyed et Bouna).
Cette manifestation fait suite à la transmission de la 3eme expertise médico légale sur les circonstances du décès d’Adama Traoré dans un commissariat de police de Persan dans le Val d’Oise, le 18 juillet 2016, après une course poursuite à la suite d’un contrôle de police.
Contredisant les conclusions des précédentes expertise médico-légale, elle maintient cependant l’absence de responsabilités des gendarmes et pointe la cause du décès dans effort physique et un stress intense dans les minutes précédentes son décès, en écartant la compression thoracique des corps des 3 gendarmes sur le jeune homme, comme ils l’avaient eux-mêmes déclarés après les faits, et sans même prendre la peine de les entendre.
Organisé en quelques jours par le Comité Vérité pour Adama, elle était soutenue par les divers collectifs de soutient aux victimes des violences policières, les organisations de « l’antiracisme politique », ainsi que par un collectif d’artistes, politiques, sportifs, intellectuels (Omar Sy, Mathieu Kassovitz, Olivier Besancenot), de figures de l’antiracisme (Youcef Brakni, Omar Slaouti, Sihame Assbague), de nombreux noms de la scène rap (Booba, Rocé …), d’intellectuels (Geoffroy de Lagasnerie, Édouard Louis) et de cheminots.
Il manquait toutefois, les grandes organisations nationales, contrairement à la marche du 19 juillet 2018 à Beaumont sur Oise, qui avait réuni 10 000 personnes, ce qui est fort regrettable. Il faut souligner néanmoins la présence d’élu-e-s et député-e-s de la France Insoumise (Clémentine Autain, Eric Coquerel, Daniele Obono, Danielle Simonnet), de militants et animateurs des équipes thématiques QP et antiracistes, notamment( Taha Bouafs, Pascal Troadec, Laurent Sorel). A noter également la présence visible du NPA. Etaient également présents quelques syndicalistes de Solidaires, d’animateurs du Front Social et d’intellectuels engagés sur ces sujets.
Ce nouvel épisode flagrant de déni de justice illustre une fois de plus la force du racisme structurel dont témoigne les violences et pratiques policières dans les quartiers populaires visant les populations issues de l’immigration post-coloniale, en particulier des jeunes hommes. Le sort de la famille Traoré est un exemple spectaculaire de l’acharnement judiciaire qui s’abat sur tout ceux et celles qui relèvent la tête dans les quartiers : 5 des frères d’Adama et Assa Traoré sont aujourd’hui derrière les barreaux pour avoir protesté contre les circonstances tragiques de la mort de leur frère. L’un d’entre eux, Yacouba, vient d’être condamné à 3 ans de prison ferme 2 jours après cette manifestation !
Cela s’inscrit dans un continuum de pratiques institutionnelles discriminatoires touchant diverses sphères : marché du travail, logement, scolarité (Parcoursup n’y échappe pas…)…. qui marquent profondément l’expérience sociale d’une partie très significative des classes populaires, s’entrecroisant avec les dimensions de classe et de genre.
Espérons que l’absence d’appel des organisations de gauche et du mouvement social après leur participation à la marche du 19 juillet 2018 à Beaumont sur Oise, qui pouvait laisser croire à un frémissement de ces organisations sur ces sujets majeurs ne soit pas le signe d’un retour en arrière de mauvais augure.
Quoi qu’il en soit, dans les prochaines semaines, deux initiatives à dimension nationale, chacune à leur manière, permettront de faire résonner ces problématiques qu’il nous faut impérativement prendre à bras le corps.
Chronologiquement, il s’agit en premier lieu des Rencontres Nationales des quartiers populaires, organisée par la France Insoumise qui culmineront le 18 novembre à Epinay sur Seine après des échanges locaux dans divers quartiers du territoire, et qui devrait constituer une étape pour enrichir la réflexion et l’action des insoumis et au-delà sur ces questions.
En second lieu, il s’agit d’une initiative organisée les 30 novembre et 1er décembre, par plusieurs réseaux antiracistes regroupés dans le collectif Rosa Parks, en hommage au refus de la ségrégation de cette militante noire, à l’origine du mouvement des droits civiques aux USA dans les années 1960, et qui ambitionne de construire une mobilisation nationale de toutes les victimes du racisme partout où il se manifeste.
Amal Athieu