Les traités d’Amsterdam (1999) et de Lisbonne (2007) constituent deux grandes étapes de la stratégie de lutte contre les inégalités au sein de l’Union européenne.
Au delà des grandes proclamations, l’inscription dans les traités de ces objectifs sociaux n’est pas sans intérêt, et une stratégie, Europe 2020 a eu pour objectif de faire baisser de 25 % en 12 ans le nombre d’Européen·nes vivant au dessous du seuil national de pauvreté et sortir plus de 20 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2020.
Pour cela, près d’un tiers du budget de l’Union européenne (392 milliards, deuxième budget après la Politique Agricole Commune) est consacré à ce que l’on appelle désormais la politique de cohésion régionale. On ne peut pas dire que rien n’est fait, mais est-ce que cela fonctionne? A fortiori non.
Les données d’Eurostat , dont les rapports sont nombreux et accessibles, ne mentent pas. Parler de disparités territoriales est un euphémisme. Une profonde injustice sociale et économique demeure en Union européenne, malgré les moyens, malgré les proclamations.
L’indicateur relatif à la situation de la pauvreté en Union européenne, fondé sur la richesse par habitant (PIB), non seulement par pays mais aussi pour les 242 régions, est particulièrement intéressant, les données par pays atténuant souvent les inégalités profondes entre territoires de vie.
Dans l’annuaire régional 2023 d’Eurostat, on peut donc découvrir que le PIB par habitant·e au Luxembourg (qui forme une région) est près de 10 fois plus élevé qu’à Mayotte, région la plus pauvre de toute l’union européenne, dont le revenu moyen par habitant·e se situe à à peine 28% du PIB moyen de l’UE, soit 9072 euros.
15 régions au sein de l’UE connaissent un PIB inférieur à 50 % de la moyenne de l’UE (32400 €), très majoritairement en Bulgarie et en Grèce.
Toujours d’après Eurostat, en 2022, 21.6% de la population européenne, soit 1 européen·ne sur 5 était confronté·e à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et ce risque s’avère bien plus élevé chez les jeunes ( 24,5%). La stratégie 2020 de l’UE a bien échoué.
Dixit la commission européenne dans son 9ème rapport sur la politique de cohésion, les disparités infra-nationales augmentent et le changement climatique accentue les inégalités régionales. A la lire, il est donc temps de changer profondément de politique en Europe! Une étude de 2023, menée par des chercheurs de l’université de Mannheim, du Centre Jacques Delors de Berlin et de l’’université d’Aarhus, affirme même que même si les inégalités interrégionales ont réduit grâce à la politique de cohésion,, au sein de chaque pays un euro dépensé n’atteint pas les riches et les pauvres de la même manière, accroissant d’autant les inégalités intérieures.
Les objectifs libéraux de l’Union européenne, le libre échange, la mise en concurrence jusqu’aux derniers de nos services publics, les politiques de dumping social de certains pays membres, la présence de paradis fiscaux au sein même de l’UE, ne sont que des freins permanents à la lutte contre les inégalités entre tous les habitants de l’Union européenne. Alors oui, une Europe de solidarité entre les peuples est possible, si comme nous l’entendons dans le programme de la liste menée par Manon Abry, nous nous attaquons aux racines même des inégalités. Mettre près de 400 milliards d’euros dans les fonds de la politique de cohésion ne sert à rien si, en parallèle, n’est pas abordée avec courage la question de la concurrence entre les droits et salaires des travailleur·ses européen·nes. C’est par le biais d’un nivellement systématique par le haut des droits des travailleur·ses, que cela soit en termes de conditions de travail, de temps de travail, de sécurité au travail, de rémunérations, de protection sociale, que nous parviendrons à supprimer les inégalités.
C’est par une réforme profonde et un renforcement de la politique de cohésion, au service de la planification écologique, du développement des territoires, de la lutte contre la précarité urbaine et la désertification médicale et de la protection de nos services publics que nous parviendrons à enrayer la crise sociale profonde que les pays de l’Union européenne vivent aujourd’hui.
C’est enfin et surtout par un soutien profond et prioritaire aux territoires ultramarins, en favorisant et en augmentant l’accès à tous les fonds européens pour ces territoires trop souvent délaissés et oubliés que nous parviendrons à enrayer les écarts inadmissibles de niveau de vie entre les territoires européens.
Claire Schweitzer