Le 25 avril 1945, alors que plusieurs grandes villes italiennes avaient déjà été libérées par l’action conjointe des partisans et des armées alliées, le Nord de l’Italie était encore sous la botte des troupes nazies et des forces fascistes du régime musssolinien de la République de Salò. A Milan, la Résistance lance un appel à l’insurrection générale et, le 8 mai, l’ensemble de l’Italie est libéré. Depuis lors, le 25 avril est une journée fériée, fête de la Libération, célébrant la victoire sur le « nazifascisme ». Elle a toujours été l’occasion de manifestations des forces de gauche, politiques, syndicales, associatives, dans la plupart des grandes villes. Et tout particulièrement en 1974, pendant la période des années de plomb, pour dénoncer les menées terroristes des groupes d’extre extrême droite, manipulés par les services secrets et en 1994, lors de l’arrivée au pouvoir de Berlusconi.
Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Giorgia Meloni s’efforce de réviser l’histoire italienne, de relativiser l’antifascisme et de remettre en cause cette célébration. C’est pourquoi le quotidien communiste historique Il Manifesto a lancé un appel à une manifestions antifasciste de masse à Milan le 25 avril.
« Et si on se rendait tous à nouveau à Milan le 25 avril ?
Trente ans ont passé depuis la fête de la Libération de 1994, lorsqu’une manifestation extraordinaire avait parcouru la ville, sous la pluie battante. C’est nous, il Manifesto qui avions lancé cette idée un peu folle qui fut accueillie et partagée avec un grand succès.
Les adhésions au projet augmentèrent rapidement, et la place fut remplie. Ce fut une fête et un triomphe de tout un peuple. On pourrait le répéter, on pourrait même faire mieux. Il pourrait même y avoir du soleil. Le 25 avril n’est pas seulement une célébration, mais une date qui nous fixe, au fil des années, notre destin et nous rappelle que la libération est entre nos mains.
Il y a trente ans, la menace néofasciste était forte, à l’époque où Berlusconi et Fini accédaient pour la première fois au gouvernement, et elle très forte aujourd’hui, avec le gouvernement Meloni bien plus marqué à droite. Une droite agressive et revendicative qui, un an et demi après sa victoire, ne parvient toujours pas à se rendre présentable. Et c’est tout à fait normal, puisqu’elle puise ses racines directement dans le régime fasciste et ses nostalgies, dans l’histoire la plus sombre de notre pays, dans tout ce qui a été renversé le 25 avril.
La menace ne concerne pas que l’Italie mais l’ensemble de l’Europe qui est propulsée, chaque jour davantage, dans une spirale de guerre.
Partout, les partis d’extrême droite ou ceux ouvertement fascisants mettent en cause les libertés, l’égalité, les droits et la coexistence pacifique. Il faut les endiguer dans les bureaux de vote lors des élections européennes, mais aussi par une grande manifestation populaire en mesure de faire renaitre les valeurs de la résistance et de l’antifascisme.
Cette année, à Milan, nous souhaitons voir défiler une grande manifestation, plus grande que d’habitude, qui puisse parler au continent entier, tel que le 25 avril italien a été en 1945 l’annonce de la libération en Europe.
Soixante-dix-neuf ans après la fin du cauchemar nazi-fasciste, le risque que crises et résignation puissent favoriser une victoire écrasante des extrêmes droites européennes n’a jamais été aussi élevé.
Descendons dans la rue, conscients que pour battre l’autoritarisme et l’oppression, le racisme et les matraques, la précarité, l’exploitation et la destruction de l’environnement nous n’avons pas besoin d’évoquer le passé mais nous devons plutôt nous engager dans la construction d’un avenir meilleur.
C’est cela avant tout, la Libération : le désir d’une humanité épanouie. Et c’est pour cette raison qu’il serait bien de se retrouver un jour, ce jour, afin d’amener à Milan nos corps, nos vœux, nos engagements et nos espoirs pour l’avenir de l’humanité et de la planète.
La Résistance a lutté contre le nazi-fascisme pour libérer l’Italie, pour construire un pays plus équitable et développé grâce à la Constitution et à la République fondée sur le travail. Elle a lutté pour arrêter la guerre et la balayer loin de l’avenir de l’Europe et du monde entier.
C’est à nouveau ce que nous devons faire, aujourd’hui, contre les guerres en cours et celles qui s’annoncent de façon toujours plus inquiétante. Construire la paix avec détermination contre tout sombre présage de guerre, faire taire les armes en Europe, bloquer l’invasion russe en Ukraine par la négociation et parvenir sans délai à un cessez-le-feu avec Israël, pour mettre fin au massacre de Gaza et libérer les otages du 7 octobre, pour une paix juste. Pour ça aussi on a le 25 avril.
Construisons ensemble cette journée, mais surtout contribuons ensemble à remplir les places et les rues. Nous lançons un appel à l’adhésion des associations, des partis, des syndicats, des travailleurs et des retraités, un appel aux mouvements, aux étudiantes et aux étudiants, aux pacifistes d’Italie et d’Europe. Venez en groupe ou tous seuls, puisque seules et seuls vous serez tout de même ensemble !
Venez à Milan en train, en bus, à pied ou à vélo.
Racontez-nous vos attentes pour cette journée, comment vous l’imaginez. Construisons notre libération à partir d’aujourd’hui. »
Cet appel a également été signé et partagé par plus de 20 député·es européen·nes, membres des groupes écologistes et La Gauche, dont Manon Aubry.
Traduction par nos soins. M.D.