Depuis la rentrée, G Attal est à l’offensive, déclarations multiples, propositions chocs, qui se veulent empruntes de bon sens en prônant de fait le retour aux bonnes vieilles méthodes du passé. Cela permet d’éviter de répondre aux classes sans enseignant-e-s, aux remplacements non assurés, au grand mal être de la profession, aux difficultés à recruter. Mais derrière « le choc des savoirs » d’Attal, c’est une nouvelle offensive réactionnaire après celle contre les Lycées Professionnels (https://gauche-ecosocialiste.org/non-a-linstrumentalisation-de-lenseignement-professionnel/)
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Le fondement objectif serait le résultat des évaluations PISA élaborées par l’OCDE experte en questions pédagogiques comme chacun-e le sait, qui ne tiennent absolument pas compte des différences importantes de ce qui est enseigné dans chaque pays ; la plupart des pays se tiennent dans un mouchoir de poche, et leurs résultats sont effectivement en baisse. L’indication donnée par cette enquête est que dans plusieurs pays et plus particulièrement la France, l’écart de « performances » entre les « meilleurs élèves » et les « plus faibles » s’accroît. Voir article de Samy Joshua : https://gauche-ecosocialiste.org/de-la-demesure-a-chaque-enquete-pisa/
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L’idée très « novatrice » (!) serait de revenir au redoublement et l’institution de groupes de niveaux : outre que les recherches pédagogiques sur le bien fondé du redoublement convergent sur sa non efficacité, l’utilisation permanente d’évaluations conduirait à un tri constant des élèves. Les élèves seraient ainsi triés suite à leurs résultats aux évaluations nationales dans des groupes de niveaux en français et en mathématiques. Pour les plus en difficultés scolaires, ils se verraient privés de l’accès à d’autres enseignements. Attal a en effet annoncé une réduction du volume horaire pour ces élèves dans les autres disciplines. On renforcerait l’image négative que ces élèves ont d’eux-même, aggravée par le redoublement, comme incapables d’être en réussite dans aucune matière. On priverait ainsi les élèves en difficulté, souvent issus des classes populaires, d’un accès au savoir en les cantonnant à des procédures simples et répétitives tandis que les meilleurs, souvent issus des classes favorisés, auraient accès à un savoir complexe et problématisé. Or, l’enjeu est de permettre l’accès à tous et toutes à ce savoir quel que soit notre origine sociale et notre lieu d’habitation. C’est à la démocratisation des savoirs scolaires que Attal s’attaque en prenant appui sur PISA.
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L’accès au lycée est désormais conditionné à l’obtention du brevet quel que soit la filière générale, technologique ou professionnelle. Ainsi, Attal poursuit la politique sélective de Blanquer mise en place avec Parcoursup pour l’accès aux études supérieures. La pression sur les élèves sera donc très forte, et ce dès le plus jeune âge, alors même que le bien-être et l’épanouissement est une une des conditions de la réussite scolaire. (en contradiction totale avec l’enjeu de bien-être, dans les établissements scolaires, décrété par le ministère depuis la rentrée scolaire).
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La méthode dite de Singapour en maths est présentée comme le remède aux difficultés dans cette discipline. Les systèmes scolaires à Singapour et en Corée sont extrêmement exigeants avec les élèves ( apprentissage par cœur, discipline exigeante …) et fondés sur la compétition. L’expérimentation, la manipulation, la modélisation en préalable à l’apprentissage de procédures ou d’algorithmes ( qui seraient la marque de fabrique de cette méthode) sont en fait déjà préconisées en didactique des mathématiques et assez largement pratiquées en maternelle et en élémentaire. Mais ceci nécessite du temps, du travail en groupe, de la formation pour les enseignant-e-s, pour que cela soit véritablement généralisé. D’ailleurs Attal propose la suppression des IREM, lieu où s’élaborait une réflexion sur l’enseignement des mathématiques.
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Dernière annonce à venir, celle d’une réforme de la formation des enseignant-e-s : la 5ème en 15 ans. Il est probable qu’outre l’utilisation encore plus importante des stagiaires pour boucher les trous dus aux postes non pourvus, aux démissions, cette réforme va aller encore plus loin dans la dépossession des professeurs de leur expertise professionnelle. Ils risquent de devenir de simples exécutants de méthodes et manuels certifiés par le ministère public au mépris de leur analyse des contextes éducatifs et des élèves. Il s’agirait alors de conformer toutes les pratiques et de n’enseigner que des techniques homologuées comme si il suffisait d’en appliquer LA bonne valable pour tous et toutes les élèves. Ils font perdre tout sens au métier où désormais l’objectif affiché est d’être meilleur à PISA et aux évaluations nationales plutôt que de former des citoyen-ne-s libres et émancipé-e-s. Exit la didactique, vive la technique et les procédures …
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Cerise sur le gâteau pour masquer l’aggravation des inégalités, la solution serait entre autres, l’uniforme . De fait en France le port de la blouse obligatoire (quasiment identique pour tous les élèves) encore dans les années 60 n’a pas rendu l’école plus égalitaire ; en Angleterre et au Japon, l’uniforme de mise depuis des décennies n’a pas démocratisé le système scolaire. C’est une conception autoritariste, abêtissante, qui n’a rien à voir avec l’émancipation et l’apprentissage du vivre ensemble de la vie en société. D’ailleurs les élu-e-s de droite les plus réactionnaires se précipitent pour expérimenter.
Cette offensive réactionnaire est de grande ampleur : les déclarations gouvernementales sur la parentalité qui visent à réprimer celles et ceux qui n’assurent pas sont autant de pas supplémentaires. Casse du service public et autoritarisme sont les réponses de l’ultralibéralisme à la crise qu’il produit. Une réponse politique à la hauteur de la part de celles et ceux qui se réclament du combat pour l’émancipation est indispensable.
Louis Bardot, Bernard Galin
Pour en savoir plus : le niveau baisse t-il ?
https://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2013/10/27/idee-recue-1-le-niveau-baisse.html