Samedi dernier, l’attaque envers les Israéliens nous a glacés d’effroi. Cinquante ans après le début de la guerre du Kippour, le Hamas a choisi la terreur. Et c’est dramatique. Les images qui nous parviennent depuis sont effrayantes. Des civils sont tués par centaines, des commandos entrent dans les maisons et attaquent, des bébés et des enfants sont enlevés, 250 personnes ont perdu la vie dans une « rave party »… Je pense aussi à cette vidéo où l’on voit une femme exposée nue à l’arrière d’un pick up et des hommes qui crachent sur son corps. La monstruosité de ces actes atteint l’humanité qui devrait être en chacun.e de nous.
La fin ne justifie jamais les moyens
Mon engagement pour les Palestiniens à qui sont refusés la justice, la dignité, l’auto-détermination est un combat pour la paix. Je l’affirme sans détour : l’injustice, la violence, la colonisation et les humiliations quotidiennes subis par les Palestiniens ne peuvent légitimer l’utilisation de méthodes contraires aux droits humains. La fin ne doit jamais justifier les moyens. Beaucoup d’expériences passées ont montré que des modes d’action contradictoires avec l’objectif d’émancipation conduisent à de tragiques impasses. Le terrorisme n’est en aucun cas une solution libératrice pour les peuples. Le projet du Hamas, celui d’un islamisme politique et de la destruction de l’État d’Israël, n’est pas – et ne sera jamais – le nôtre. Il est néfaste pour le peuple palestinien.
Il y aura un avant et un après le 7 octobre dans le conflit israélo-palestinien. Et c’est toute la région qui est susceptible de s’embraser. Nous savons que les événements ne s’arrêteront pas à cette opération éclair minutieusement préparée (et avec quel argent ?). La réplique d’Israël, qui a déjà causé la mort de centaines de civils Palestiniens, risque d’être des plus désastreuses et les civils palestiniens, notamment les deux millions de gazaouis qui vivent déjà dans de terribles conditions avec le blocus, vont subir très lourdement les conséquences de cette offensive du Hamas. Benyamin Netanyahou a déjà promis une « vengeance sans précédent ». À l’heure où j’écris ces lignes des immeubles s’effondrent sous les bombes à Gaza. Le soutien annoncé par le Hezbollah et l’Iran au Hamas dit le potentiel d’embrasement. Cet engrenage de la violence et des crimes est une catastrophe. Nous connaissons d’avance un sinistre résultat : les populations civiles, palestiniennes et israéliennes, en seront les premières victimes.
Sans justice, la paix est un mirage
C’est pourquoi le cessez-le-feu est la première urgence. La France doit y travailler, et Elisabeth Borne ferait mieux de s’en occuper plutôt que d’alimenter les polémiques de politique intérieure. Notre pays est depuis trop longtemps aux abonnés absents pour exiger le respect du droit international. Or le silence installe le pourrissement et l’impasse. Depuis les accords d’Oslo en 1993, il ne se passe quasiment plus rien à l’échelle internationale pour une solution de paix durable. Pourtant, 170 États à l’ONU se sont prononcés en faveur de la Palestine. Il est plus que temps que la France et l’Union européenne reconnaissent l’État de Palestine. Un État viable, disposant d’une dimension territoriale cohérente et disposant de frontières sûres et stables. Sans justice, la paix est un mirage.
Certains ont peut-être cru que l’on pouvait mettre la poussière sous le tapis, qu’il suffirait d’arrêter d’en parler, de regarder ailleurs pour que la situation se tasse, se règle. Or pendant que les soutiens s’affaiblissaient et que la communauté internationale cessait d’agir, le poison de l’injustice et de l’inaction continuait de se distiller. Et c’est bien l’isolement des Palestiniens et l’incapacité à trouver une solution de paix qui ont créé un ressentiment bien légitime, terreau sur lequel les tenants de solutions violentes, autoritaires et identitaires ont prospéré. Comme le disent aujourd’hui fort bien des personnalités spécialistes des enjeux internationaux comme l’intellectuel Bertrand Badie [1] ou le journaliste Pierre Haski [2], le Hamas a engrangé sur le désespoir des Palestiniens.
On ne comprend rien à la situation si l’on ne voit pas les ravages qu’ont produit la violation du droit international par Israël, le refus aux Palestiniens de bâtir leur propre État dans les frontières de 1967, la construction du mur, la colonisation, la dépossession des terres, les privations en eau… Je le rappelle : entre 2000 et 2017, près de 4 828 Palestiniens, dont 1 793 mineurs, ont été tués par des militaires ou des colons israéliens en dehors de tout conflit armé. Depuis 2020, 4 500 Palestiniens ont été emprisonnés, dont plus de 350 sans inculpation. L’offensive du Hamas ne doit pas masquer la responsabilité écrasante de gouvernements israéliens de plus en plus à droite et de plus en plus violents, une politique qui n’est bonne ni pour les Palestiniens, ni pour les Israéliens.
L’ONU doit agir vite pour faire cesser le cycle infernal de la violence sans fin et des crimes de guerre, qui ne pourra se tarir que par la relance d’un processus de paix, l’arrêt de la colonisation de la Cisjordanie et la reconnaissance des droits nationaux des Palestiniens que refuse obstinément le gouvernement israélien.
L’impérieuse solidarité avec les résistances civiles et démocratiques
En attendant, au lieu de se déchirer, et fidèles aux principes humanistes qui les animent, les forces progressistes ont pour tâche de soutenir la résistance civile palestinienne et les mobilisations démocratiques en Israël. L’une et l’autre représentent les forces d’avenir. Leur convergence est la seule voie alternative pour construire un processus de paix et l’imposer aux forces hostiles qui sévissent depuis si longtemps. Encore faut-il qu’elles trouvent un écho et un appui à l’échelle internationale. Nous le leur devons.
Clémentine Autain, le 9 octobre.
[1] Bertrand Badie, sur Youtube
[2] Pierre Haski, C’est dans l’Air